Il y a toutes sortes de profils d’auteurs.
Aux extrêmes, on trouve ceux qui ne se fient qu’à l’inspiration du moment et se lancent dans la rédaction de leur texte avec une première phrase ; à l’opposé, ceux qui s’entourent d’outils, fiches, etc.
Nous n’allons juger personne, et nous montrer seulement pragmatiques : l’important est le résultat, l’effet obtenu. Le lecteur est-il accroché ou pas au livre, ou ce dernier lui tombe-t-il des mains ?
Simplifions la réponse à cette interrogation : le lecteur reste accroché tant qu’il apprend quelque chose, aussi longtemps qu’il est séduit par l’intrigue et les personnages. Mais si à un moment, il éprouve l’impression de connaître déjà l’histoire, alors, c’en est fini. Et le temps que le livre glisse de ses mains, il a déjà oublié ce qu’il en a lu.
Combien de fois avez-vous commencé la lecture d’un livre pour abandonner au bout de quelques pages seulement ? Et mieux encore, combien de livres sur 100 refermez-vous dans être parvenu à la page 20 ? Cette fameuse page (pouvant être la 15e ou la 30e,) qui se dresse comme un mur que l’auteur n’a su franchir.
Trop caricaturaux, trop abstraits, cérébraux, prévisibles, dont on sait tout dès la présentation, sans mystère, à la limite étrangers à l’intrigue ou simplement faire-valoir de cette dernière.
Nous en avons abondamment parlé dans les cinq premiers articles de notre série, notamment le 4e.
Pas assez incarnés, "behavioristes", surprenants, conflictuels, identifiés par un registre verbal et non verbal.
Sur tous ces points aussi, nous vous renvoyons vers les articles précédents, notamment le 3e.
D’innombrables détails et caractéristiques peuvent servir de support pour animer son personnage, et faire évoluer l’image que le lecteur se forge de lui au fur et à mesure que l’intrigue se déroule.
- Ses traits de caractère,
- Ses expressions,
- Sa façon d’être,
- Son histoire,
- Ses relations aux autres,
- La perception qu’ont les autres de lui.
Etc...
Si la première impression doit laisser une trace indélébile dans la mémoire du lecteur, elle ne doit surtout pas être exhaustive.
En revanche, il est préférable de bien étudier son personnage avant d’écrire, de façon à éviter les horribles « fautes de raccord ».
> Permettre au lecteur de se construire une image progressive du personnage au bon rythme
Si l’on a bien compris que présenter son personnage en une seule fois peut le desservir, il ne faudrait surtout pas tomber dans le piège du « renseignement ».
Voilà les écueils du renseignement :
- Donner des informations au goutte-à-goutte pour alimenter l’intrigue,
- Donner ces informations au moment où elles nourrissent ou renforcent l’intrigue, comme si leur rôle était de justifier le scénario,
- Et bien entendu, pire que tout, surprendre le lecteur en ne lui révélant un élément fondamental du personnage par rapport à l’intrigue qu’à la cinquantième page (il était blond, il avait été abandonné enfant, elle venait de divorcer, elle était porteuse d’une maladie auto-immune).
L’enjeu est ici de ne pas laisser le lecteur se construire une "mauvaise" image du personnage.
D’une part, cela allège le récit, et d’autre part, c’est une manière de conserver un peu de mystère autour des personnages.
une phrase descriptive calée en cours de narration, est une méthode très commode pour présenter un personnage. L’intérêt de cette forme de description est de ne pas casser le rythme du récit, et de détailler avec souplesse et doigté l’apparence des personnages, si cela est nécessaire à l’équilibre du roman.
Sans en abuser, car le système atteint vite ses limites en matière d’élégance et de qualité littéraire, ces incises peuvent devenir l’occasion de souligner un comportement, un trait de caractère, une manie, ou un aspect incongru chez le personnage :
"Est-ce que c’est mieux comme ça ?", demanda-t-elle en relevant la masse de ses cheveux noirs.
"Voulez-vous bien lui dire que je l’attends", marmonna-t-il passant un revers de main nerveux sur sa joue fraîchement rasée.
L’idée est alors de "noyer" la description au sein de la narration, de manière à la rendre plus discrète et digeste…
Pour être efficace, la description n’a pas à être la plus précise possible. Essayer de chercher à décrire un personnage à l’extrême, détailler, donne souvent lieu à des descriptions trop complexes, et finalement peu utiles.
Ce qui décrit le mieux une personne, c’est une particularité et un environnement. L’expérience que nous avons tous vécue : rencontrer une personne en dehors de son contexte et ne plus être en mesure de dire d’où nous la connaissons, alors qu’au fond de nous, nous ressentons le degré de familiarité qui nous unit, montre à quel point le cerveau humain fonctionne sous forme d’association.
Créez une association forte lors de la première rencontre avec le personnage et le lecteur saura toujours de qui vous parlez.
Nous pouvons tous être décrits par un infime détail de notre anatomie.
Votre lecteur n’a donc pas besoin d’en savoir beaucoup plus.
Vous avez écrit un livre : un roman, un essai, des poèmes… Il traine dans un tiroir.
Publiez-le sans frais, partagez-le, faites le lire et profitez des avis et des commentaires de lecteurs objectifs…
Merci pour le résumé en quatre techniques que je vais retenir. J'adhère totalement, même si c'est plus facile à dire qu'à faire !
C'est dur effectivement de trouver le bon équilibre. Je me souviens en rédigeant mon premier roman que j'en avais fait trop au départ, trop de détails, de description physique... résultat j'ai fait une grosse purge en réécrivant mon premier jet, c'était beaucoup mieux. Pour ma part je prépare toujours sur un document à part une fiche pour mes personnages principaux et secondaires afin de donner du corps et de la matière, et qu'ils soient intéressants pour mes lecteurs : qui sont-ils, qu'est-ce qui les caractérise... ? (mais là encore j'ai parfois peur de tomber dans les clichés, peut-être à cause de ma propre perception). Et j'essaye de distiller les infos au fur et à mesure lorsque j'en ai besoin (par exemple si un personnage a vécu un traumatisme, je vais l'expliquer ou le raconter au moment opportun, s'il rencontre quelqu'un ayant vécu une situation similaire notamment).
Par contre j'ai repéré une petite coquille dans l'article : "Et mieux encore, combien de livres sur 100 refermez-vous dans être parvenu à la page 20 ?". Je pense qu'il s'agissait du mot "sans" :)