À moins d’être handicapé, tout le monde marche un jour ou l’autre. Et tout le monde traversera au moins une fois dans sa vie, une situation qui l’obligera à marcher vite, de plus en plus vite, jusqu’à ce qu’il n’y ait plus que la solution d’abandonner la marche pour embrasser la course.
La course, prolongement de la marche, est donc accessible à (presque) tous.
De même l’écriture. À moins d’avoir échappé à toute forme d’éducation, nous savons au moins tracer les lettres de notre nom. Certains vont plus loin : ils peuvent recopier une phrase écrite. D’autres s’aventurent plus loin encore : ils inventent des phrases qu’ils écrivent.
La course et l’écriture sont à la portée de tous (ou presque) et en sport comme en littérature : on trouve les sportifs et les écrivains du dimanche, les aficionados, les mordus, les athlètes, les stars, ceux qui ont le souffle des marathoniens et nous livrent régulièrement des pavés, d’autres qui préfèrent le sprint : les nouvellistes, et puis ceux qui s’essoufflent au bout de quelques foulées seulement. Enfin, brèfle, vous voyez où l’on veut en venir.
Comme l’écriture, la course à pied ne demande aucun matériel particulier. Un papier et un crayon suffisent, Bikila et quelques autres n’ont même pas besoin de chaussures.
Comme la course à pied, l’écriture est une épreuve en solitaire.
On peut courir pour aller chercher son courrier dans la boîte à lettres, ou courir pour rattraper le facteur, ou son chien, ou son chapeau emporté par le vent, et pour cela il n’est besoin d’aucune ressource particulière (pour la majorité des organismes en dessous de 60 ans [au-delà, cela peut devenir un rêve, voire une fantasmagorie, ou une totale imprudence]).
En revanche, si l’on veut écrire un roman ou courir un marathon… il va falloir de l’endurance, et de la constance dans l’effort ; une grande dose d’humilité, du courage. Il faudra aussi une vision du résultat à atteindre, le dosage de l’effort. Surmonter le désespoir, repousser l’envie de renoncer. Mais avant tout cela : de l’entraînement, de la passion, l’amour de l’effort pour l’effort, le désir de repousser ses propres limites. Avec un peu de chance, on trouvera le second souffle : cet instant phénoménal — qui est à lui seul un Graal —, où les jambes semblent ne plus avoir besoin de notre corps pour s’activer, où les pieds ne donnent plus l’impression de toucher le sol, cet instant sublime qui efface toute trace de souffrance, où notre cœur ne nous appartient plus, où nous sommes entraînés vers les cieux par les chariots de feu de l’inspiration.
Bring me my Bow of Burning Gold;
Bring me my Arrows of Desire;
Bring me my Spear; O clouds Unfold !
Bring me my Chariot of Fire!
(Apportez-moi mon arc d’or brûlant !
Apportez-moi mes flèches de désir !
Apportez-moi ma lance ! Ô nuages dévoilés
Apportez-moi mon chariot de feu !)
Vous avez écrit un livre : un roman, un essai, des poèmes… Il traine dans un tiroir.
Publiez-le sans frais, partagez-le, faites le lire et profitez des avis et des commentaires de lecteurs objectifs…
Personnellement, je ne cours pas mais j’aime beaucoup me balader. Ça permet de faire un vide dans les idées débordantes. Ton esprit se laisse attiré par une maison, un oiseau, une prairie ou le soleil. Vous verrez qu’il suffit d’un tout petit rien pour qu’un nouveau point de vue surgissent. J’utilise aussi les balades quand je suis coincée ou un doute, ça détend et tu pourras retourner à ton récit avec bonheur.
@la personne qui a écrit cet article... Ohlala, cette année, j'ai couru (péniblement) le marathon, je suis donc total raccord avec de grandes plumes dotées de belles foulées... A moi le succès! Plus sérieusement, j'ai remarqué qu'on se parle mieux en marchant, je l'ai plus exactement remarqué de concert avec mon conjoint. Ce dernier pense désormais que les psys devraient troquer le divan contre la marche à pied. On peut donc supposer que l'acte de parole, ou plutôt de mise en parole (bavadrage profond) étant un très proche cousin de l'acte d'écrire, un-e auteur, un vrai-e est un homme ou une femme qui marche, voire qui court... Merci pour cet article pour le moins original et rigolo :)
Merci pour cet article ! Je crois également que nous sommes tellement sollicités par les réseaux sociaux, les flux continus d'information, nos mobiles et nos proches, qu'à moins d'un effort conscient, il y a très peu de moments / d'endroits où l'on laisse notre cerveau en "roue libre". Courir, prendre une douche en fait partie. Alors l'esprit est libre pour créer.
Merci pour cet article pertinent. Je soupçonne que l'écriture et la marche ou la course libèrent l'esprit en stimulant des parties du cerveau très voisines. A voir du côté des neurosciences... Au point mort dans votre écriture ? Allez courir ou marcher et les idées pleuvent ! Combien de fois l'ai-je expérimenté. C'est fascinant !
"Les chariots de feu", film magnifique au titre inspiré par ce poème de William Blake et aux temps forts sublimés par la musique de Vangelis Papathanassiou ! Cette tribune me donne envie de le revisionner...
L'image de ce fameux second souffle est très juste. Autant l'écriture peut s'avérer parfois laborieuse, autant cela vaut le coup de persévérer pour l'atteindre, ce moment de grâce où plus rien ne pèse...
Merci pour ce billet !
Michèle