Librairies indépendantes : comprendre ses atouts pour survivre Librairies indépendantes : un rapport de force apparemment déséquilibré.
L’émergence et la domination de la concurrence en ligne les met en difficulté, et bien sûr l’érosion du temps de lecture, phénomène chronique auquel on assiste depuis plus de 10 ans. Amazon, le géant planétaire, en imprimant, en fabriquant et en distribuant des livres, des liseuses et des contenus en temps réel, rompt les équilibres et prend le commerce traditionnel de vitesse. En proposant l’exhaustivité, le commerce en ligne satisfait le client en deux jours. Les libraires peinent, et face à une gestion de stock limitée dans l’espace, doivent trouver d’autres solutions. Si l'exhaustivité ne peut être leur réponse immédiate, la qualité de la relation et le conseil sont leurs atouts. Encore faut-il les mettre en avant.
Place à quelques chiffres. Le numérique, surtout dans les pays Anglo-saxons, a fortement détérioré la situation des librairies indépendantes. Aux Etats-Unis, Amazon détient 65 % de part de marché du e-book, Barnes and Nobles 25 %. Reste les miettes pour les pigeons, en l’occurrence les espaces culturels et les libraires indépendantes...
Librairies indépendantes : des chiffres inquiétants en France, pas alarmants.
En France, en 6 ans, c’est près de 200 librairies indépendantes qui ont fermé (sur 2 500). Au Royaume-Uni, plus d’un tiers. Mais si la bataille n’est pas terminée, des noms mythiques ont déjà disparu “Del Duca”, et “La Hune” à Paris, “Travel Book Shop” à Londres, “La Librairie de France” du Rockefeller Center à New York. Et bientôt, de nouvelles : la librairie “Delamain” à Paris, dont un fond Qatari veut doubler les loyers. Car le foncier est bien l’”autre” plaie de cette activité. Par nature même propice aux échanges dans les centre villes, les libraires subissent de plein fouet les coûts fixes que l’augmentation de leurs revenus ne peuvent couvrir. Pour une activité qu’on aurait peine à délocaliser.
Cependant, des signes annonciateurs d’une embellie se profilent. Aux Etats-Unis, après une décade de chiffre d’affaires en baisse, ce chiffre est reparti à la hausse d’environ 5 à 8 % par an depuis 2012.
Les auteurs et les éditeurs au secours des Librairies.
Au même titre que les musiciens et interprètes vivent aujourd’hui majoritairement des concerts, les animations deviennent essentielles pour les librairies indépendantes. La conscience qu’une forme de convivialité, de proximité, d’échanges est leur seule planche de salut face à la machine à fabriquer et à distribuer. Les signatures et dédicaces ont un rôle clé dans cette proximité. Les plus populaires ne s'y trompent pas. Même les Musso, Pancol et autres Lévy... jouent leur rôle et signent souvent dans des petites librairies de province. Ils savent que leurs lecteurs ont une âme et qu'on ne peut la toucher qu'en étant physiquement là. Ils veulent échanger bien sûr, mais aussi freiner l'élan d'un monde qui fonce vers la dématérialisation et l'anonymat.
Ecouter et accueillir les clients, c’est ce qu’on n'aura jamais sur les plateformes numériques, et dans une bien moindre mesure dans les espaces culturels. Il est bien loin le temps des pubs de la FNAC, où un client chantait faux un air déformé, et que le vendeur disparaissait 30 sec pour aller chercher la pièce rare, original de la chanson, dans l’arrière boutique. A l'époque, les vendeurs s'y connaissaient. Et au delà d'un moment de partage, on était sûr de ce qu'on achetait, et de rigoler.
Pour les libraires indépendants, combiner la connaissance, la culture et l’amour des livres est indispensable. Mais le sens du commerce, et l'aptitude à se muer sont vitaux, car la guerre, si elle est difficile, est loin d’être perdue.
Christophe Lucius
La semaine prochaine : Toutes les armes des librairies indépendantes (Partie 2)
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