Poésie, l'art des correspondances. Le propre du poète, c’est d’être en mouvement : du divin au lyrique, du politique à l’inconscient...
Dans l’Antiquité, le poète se voit doué d’une inspiration divine par laquelle il vient chanter les exploits divins, accompagné d’une lyre. Il se veut interprète des cieux, ce qui le distingue tout naturellement d’autres mortels sans toutefois lui ôter son caractère humain et sensible. Il s’attache à cette poésie le mythe d’Orphée qui donne au poète son double rôle d’interprète et d’élu.
La poésie fut prise dès la Renaissance, et notamment avec Pétrarque, d’un lyrisme personnel en venant à l’expression des sentiments amoureux (Ronsard), mais aussi mélancoliques (Du Bellay). Si la nature sentimentale d’une poésie renouvelée s’impose en cette période florissante, elle est aussi politique en ce qu’elle relate de la Cour et des mœurs d’une Epoque.
Sa musicalité rend compte d’une nature artistique qui demande au poète un travail de fond et de forme, par lequel il se fait artisan du vers. Ainsi, on commence dès le XVIe siècle à reconsidérer la nature divine de la poésie pour accorder à l’écriture une juste importance. On l’oubliera au XVIIIe pour entrer au XIXe dans la période Romantique dans laquelle le poète empruntera selon Victor Hugo une fonction de prophète empreint d’un lyrisme personnel par lequel il retranscrira les souffrances de son temps, ainsi la poésie sera aussi engagée politiquement. Cette animosité humaniste contraste avec les exigences de la poésie Parnassienne qui refuse tout engagement et préfère un travail exigeant du style voué à l’esthétique, et seulement l’esthétique, du poème.
C’est donc une véritable transfiguration du langage qui prend forme, menée par un poète doué d’un côté d’une sensibilité exacerbée, d’élans lyriques, de macabres souffrances intérieures et d’aspirations à un « au-delà » (un idéal) ou bien d’un poète artiste, impersonnel qui ne désire que de la beauté. Au XXe viendra la poésie surréaliste qui sera interprète de l’inconscient cette fois-ci, subissant des pratiques irrationnelles lors de sa réalisation. Enfin, la poésie contemporaine ne vient pas définir la nature du poète et nous laisse donc perplexe quant à sa vocation.
La poésie s’immisce partout sans règle, et sans prévenir. Faire de la poésie sans s’en rendre compte ou se croire poète, sans que le lecteur le décèle.
Une poésie s’exprime d’abord par écrit sous forme de vers ou de prose, et se caractérise par sa musicalité, son rythme et sa teneur spécifique. Sans rentrer dans les détails, elle vient s’ajouter en littérature comme le ferait le roman, l’essai ou le conte et offre donc un support que l’écrivain choisira ou non. Cependant, il n’est pas rare de retrouver une plume poétique au sein de romans ou de tragédies ; c’est pourquoi on ne pourrait conclure qu’un romancier ne peut être poète, et inversement. Il semble toutefois raisonnable d’admettre qu’une poésie puisse ne pas être poétique en ce qu’aucune de ses sonorités ne s’accordent par exemple, et qu’ainsi une personne ayant rédigé un texte reprenant une architecture poétique ne soit pas un poète. On attendit longtemps avant même que les poèmes en prose ne vinrent au jour en 1809 avec les Martyrs de Chateaubriand qui tenait le titre d’une épopée. Enfin l’architecture poétique traditionnelle fut dissoute pour laisser place à un style d’écriture poétique plutôt que des sonnets ou des élégies.
Il ne serait pas aisé de déterminer l’allure poétique de tout texte, sachant qu’au travers de la prose beaucoup furent dissimulé. Mais le lecteur apporte lui-même, dans l’interprétation qu’il peut faire d’un texte, de la poésie à sa lecture : une simple venue d’image, une émotion ou une sonorité suffirait à dorer une lecture d’un teint quelque peu poétique. Une interprétation peut tout aussi bien retirer à un texte ses vertus poétiques si la lecture se veut froide, morne et morcelée. Ainsi se distingue la poésie du poète, car la première se fait le support de l’hypersensibilité du second, mais elle peut tout aussi bien se faire le support de la rigueur d’un autre écrivain, capable de rédiger mais incapable de ressentir.
Une couleur pour une lumière, une odeur pour un son… Tout mot et toute image a une correspondance.
Le phénomène de synesthésie par lequel un homme, au sentir d’une odeur, percevra une couleur spécifique ; ou encore d’une même manière à un chiffre s’associera une couleur spécifique : c’est un mélange ou une superposition de tous les sens. Arthur Rimbaud, poète symboliste de la fin du XIXe siècle qui écrivit toutes ses poésies fort jeune, parlait quant à l’inspiration poétique d’un « dérèglement de tous les sens ». Bien que ce phénomène de synesthésie touche 4% de la population, cela ne veut pas dire que tout poète est atteint de synesthésie, mais qu’il peut tout aussi bien parvenir à reproduire ces mêmes sensations par le biais de l’écriture ou de sa seule pensée. Ainsi le poète se fait et devient synesthète ; c’est une de ses vertus les plus ancrées qui l’amène à retranscrire ses abyssales visions, qu’il soit voyant, prophète ou idéaliste.
Il ne s’agit pas là de définir le rôle du poète, de définir sa fonction au sein d’une société, mais de le définir lui-même en tant que synesthète. En tant qu’une âme qui se fait l’écho des autres, d’une voix qui vient murmurer ou crier ce que l’autre ne sait que parler ou dire, d’un cœur artistique capable de défigurer le beau et d’idolâtrer le laid, d’une plume qui ne vient non pas froisser un papier d’une encre mais au contraire d’une feuille qui viendrait se déposer sous cette plume : puisque par l’Art on se conjoint à une Nature, et qu’il serait détestable de voir cette même Nature nous fuir.
La poésie demain ? Elle prendra la place que vous lui donnerez.
Nous pouvons observer qu’un genre littéraire qui s’estompe peut tout à fait renaître sous un autre jour au sortir d’une époque ou bien en étant repris et dévié ; je dirais même transformé. Ce qui sera poésie pour untel ne saurait correspondre à notre conception actuelle du genre, mais il n’en demeure pas moins que le genre ne fait qu’évoluer pour parfois se scinder ou s’unir. Si la poésie contemporaine semble fort diminuée et peu développée, il ne faut pas pour autant la déprécier pour ses faiblesses mais au contraire faudrait-il la renouveler comme il fut toujours le cas.
Mais que faire lorsqu’une littérature se numérise et perd en écrivains ? Je pense que l’on doit ici cibler la poésie française, qui fait face à une modernisation et une mondialisation du langage et qui sans doute s’éteindra avec la langue ; car une langue définit sa nation et lui donne un caractère unique qui peut lui garantir sa subsistance si celle-ci conserve une valeur internationale et reconnue. Il s’agit ici de donner à la poésie française une supériorité stylistique qui ne pourrait se traduire en langue anglaise, de sorte qu’une des richesses de l’apprentissage francophone soit de donner l’accès à tout un art doré de milles parts, sans compter que toute une littérature française n’attend qu’à être lue et que toute relecture nous permet de redécouvrir ce que l’on oublie trop vite.
La poésie, musique du cœur, joue un rôle de divertissement comme la plupart des inventions humaines. Tout homme nommera « beauté » l’objet de son désir, alors si vous souhaitez séduire connaissez leurs désirs. On peut donner à un genre n’importe quel rôle, ce n’est pas pour autant qu’il l’atteindra. Alors, donnez-lui votre place, comme Voltaire prit le conte et le rendit philosophique ; mais sachez seulement quels traits donner à votre œuvre pour lui permettre de s’accomplir, et pour cela il vous faudra vous intéresser à tout procédé d’écriture, à tout conseil et à toute lecture ; inspirez-vous en au plus sans jamais faillir à une quelconque répétition.
Kyril Dussauge
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