Changer de genre littéraire. Est-ce-possible ? A quelles conditions ? Je passe tellement de temps à inventer de la fiction, que je ne sais plus m’arrêter, analyser, réfléchir à ce que je fais. Pourtant, après un mois de publication de ma série fantasy sur monBestSeller.com, oui il est temps de faire le point et de me poser quelques questions sur cette expérience d’écriture. En espérant que ces quelques réflexions serviront aux auteurs qui écrivent sur mBS, et qu’ils y rencontreront un écho de leur propre travail.
Du policier léger à l’héroïc fantasy, changement de registre…
Ces dernières années je me suis consacrée à Rosie Maldonne, avec ses exigences spéciales. Un récit à la première personne dans un style familier à cause du background du personnage. Une écriture légère qui porte à sourire et parfois je l’espère à rire, avec des incursions vers le burlesque. Du suspense et des enquêtes mais avec interdiction d’aller vers un traitement trop dur, qui serait malvenu dans une comédie, tout en me saisissant de vrais sujets de faits divers. Le tout sur un lit de réalité sociale.
Me voilà avec la Fantasy dans un tout autre registre.
… et nouvelles règles d’écriture adaptées au genre
Pour commencer, mon récit est à la troisième personne, et vous savez comme moi la difficulté de rendre un récit vivant et « intérieur » quand on le traite à la 3e personne ! Le langage familier est écarté, bien que je continue à chercher toujours le mot le plus « utilisé » à la place de celui le plus « recherché », sauf quand je ne peux pas faire autrement.
La comédie en est exclue, car j’ai voulu écrire une fantasy « héroïc » et très classique, même si je ne peux pas m’empêcher parfois de glisser un peu d’humour, mais vraiment à peine !
Le suspense est toujours présent, bien sûr, c’est le propre du feuilleton, mais je suis ici dans un suspense non réaliste, qui n’a rien à voir avec des faits divers mais au contraire avec du fantastique pur.
Du monde réel à l’univers fantasy, le choix d’un chemin habituellement réservé au fantastique classique
Alors que la fantasy nous emporte habituellement dès le début du roman dans un univers complètement recréé que nous acceptons comme admis, j’ai décidé ici de prendre le chemin habituellement réservé au fantastique plus classique. Nous commençons le récit dans le monde réel que nous connaissons, et l’univers fantasy va s’introduire petit à petit dans le récit, nous faisant vivre et ressentir la même stupéfaction que l’héroïne, Théo.
Quant au côté réalité, j’ai tenté, car ça me tient toujours à cœur, de me faufiler dans un espace très mince et je vais essayer de m’appuyer pour la saga sur des personnages (mes 5 héros) qui s’ancreront tous dans un mode de vie de départ, dans leur pays, sur des destins personnels intimes et familiaux ouvrant une fenêtre sur une réalité sociale.
Un défi littéraire pour continuer à me découvrir en tant qu'auteur...
Je suis une lectrice éclectique, donc bien sûr, je rêve de ne pas me répéter, de ne pas écrire toujours la même chose. J’ai envie de me lancer des défis et de continuer ma route d’auteure en me découvrant moi-même.
Je n’analyse jamais ni ce que j’écris, ni ce que je lis. J’absorbe, je m’imprègne, et ensuite, j’essaie de restituer mon plaisir de lectrice dans ce que je vais écrire, dans l’espoir que le lecteur ressente le même plaisir.
Les règles de la fantasy permettent une liberté extraordinaire
Car au-delà de l’univers créé qui, lui, obéit à des règles (mais que l’auteur a choisies en amont), la liberté est assez vaste. Alors qu’un récit « policier » autorise peu de liberté et oblige à « tricoter » de façon exigeante la moindre action : des indices qu’il faut semer sans qu’ils apparaissent comme tels, des coupables qu’il faut croiser sans que le lecteur ne les soupçonne, tout nécessite des relectures où rien ne doit échapper à l’auteur.
Dans la fantasy, les « erreurs » sont moins graves et le récit peut se dérouler au fur et à mesure, avec comme seul impératif celui de ne pas ennuyer et celui de capter l’attention. Donc le suspense, toujours.
Me frotter au genre pour le plaisir de rejoindre les auteurs de fantasy que j’ai aimé lire
Mon mot d’ordre en écriture c’est « plutôt mourir que d’ennuyer le lecteur » !
Le défi que je me lance est donc toujours le même, quel que soit le genre et ce sur quoi je dois porter ma vigilance.
Contrairement à un mythe qui circule, la fantasy n’est pas un genre très « vendeur ». Elle s’adresse à des aficionados du genre qui ne sont pas si nombreux et à part quelques (rares) auteurs qui prédominent tout en haut, les autres sont des auteurs passionnés par le genre.
Mon ambition principale avec Tanaga est bien sûr de transmettre mon amour pour ce genre et aussi de pouvoir être rangée dans des rayons tout près de ceux que j’ai aimés, qui ont écrit aussi de la fantasy…
Alice Quinn
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@Marjorie Moulineuf, oui, tu as raison, tout comme @J-C Heckers. La lecture de choses plus "imaginaires" permet au lecteur de passer dans un mode encore plus "alpha" quand il lit, du coup il décode avec d'autres sens que la logique intellectuelle, et il va encore plus déceler les "erreurs".
Par contre, quand tu parles de niveau d'écriture, ça fait longtemps que je n'essaie pas de me comparer à qui que ce soit. Sinon je n'aurais jamais écrit, sachant que je n'atteindrais jamais ceux que j'admire le plus. Je me contente de les cotoyer parfois dans des listes, dans des salons du livre ou sur des pages amazon, pourquoi pas?
@Ghaan, merci pour tes encouragements Gaan, tu es douée et tu avances à grand pas, mais surtout, il faut écrire ce qu'on aime, donc tu as tout juste!
@Mardje74, tu es vraiment adorable de jouer le jeu du feuilleton. Je sais que ce n'est pas facile. On trépigne mais aussi il faut trouver des bribes de temps, etc.
On en reparlera plus tard tu me diras comment tu as vécu cette lecture espacée temporellement.
Bon, haut les coeurs à tous les auteurs!
Tu t'en sors très bien, @Alice Quinn, et je crois d'ailleurs que nous sommes dans une ère où les auteurs ne restent pas forcément cantonnés à un Genre. Est-ce l'ère de l'éclectique ? Peut-être. En tout cas, l'auteur Bernard Simonay (hélas décédé depuis peu) avait beaucoup de succès alors qu'il écrivait dans des genres aussi divers que Fantastique, Historique ou Polar récemment.
Il y a toujours la "patte" de l'écrivain, dans tout écrit, qu'il change de genre ou non.
Donc bravo Alice, je te reconnais dans Tanaga et je me régale tout autant même s'il y moins d'humour ! Ce doit être vraiment un exercice de style fascinant.
J'essaie de suivre assez régulièrement ton feuilleton car j'aime bien ce rythme de découverte semaine après semaine.
Bonjour @Alice Quinn et bravo pour votre challenge. j'avoue que je ne suis plus les feuilletons faute de temps et de changement de comportement. Franchement cela ne m'a pas gêné de tout de vous voir changer de registre au contraire. Comme vous, je lis de tout avec une grande prédilection pour la SF et la fantasy. Mais pourquoi la fantasy française à si mauvaise réputation ( à quelques exceptions comme Olivier Peru, par exemple) c'est justement parce qu'elle est abordée comme un genre plus léger alors que tout c'est tout l'inverse, à mon sens. Là dessus, je rejoins @J-C Heckers, la fantasy c'est de l'horlogerie " suisse", le moindre mot de travers, anachronisme, ou incohérence flinguent le récit et l'univers. Les références ne sont pas les mêmes que le polar qui nécessite une trame construite, bien sûr. La fantasy autorise plus d'imagination mais plus de contraintes aussi et d'exigences car un flou ou une erreur dans un univers connu de tous sera comblé inconsciemment par le cerveau du lecteur. Pas en fantasy, le lecteur ressentira immédiatement le manque ou l'incohérence. Et comme vous dites, la fantasy est un public d’aficionados et très souvent avec des références très hautes comme Tolkien ou maintenant Georges Martin. En tous cas c'est courageux, hâte de lire tout, un peu comme pour les séries télés, je n'ai plus la patience d'attendre les épisodes, j'attends que la saison soit complète et je me prévois une ou deux soirées sympas :-)
@J-C Heckers,
bonjour,
Et merci pour votre commentaire très pertinent.
Oui, bien sûr vous avez raison, mon raccourci était un peu leste. Je ne pensais pas à tout le travail en amont en parlant "d'erreurs moins graves" . Je précise bien dans le début de la phrase : "Car au-delà de l’univers créé qui, lui, obéit à des règles (mais que l’auteur a choisies en amont),", et il me paraissait évident que les règles en question ne supporteront aucun écart. Je pensais plutôt à des détails ou des indices qui ne mettent absolument pas en péril le système de base. Je faisais allusion à des erreurs "vénielles" :-).
Je crois qu'en plus de mes plans (je me "borde" de façon assez rigoureuse, j'ai un inconscient qui actionne pas mal les gardes-fous.
J'espère en tout cas.
Quoi qu'il en soit, (car vous m'avez inquiétée) nous sommes bien d'accord sur le fond.
Bonne écriture...
"Dans la fantasy, les « erreurs » sont moins graves"... Euh, non, pas toujours, et souvent, au contraire. Le moindre écart par rapport aux règles que l'on s'est fixé risque d'attaquer la cohérence du système et la crédibilité de l'ensemble. Faire une erreur, ça revient à ôter un tout petit engrenage dans une horloge, ou à changer le fonctionnement de l'horloge en cours de route. Dans un cas, la machine fonctionnera bien mal (si elle fonctionne encore), dans l'autre c'est une négligence qui risque d'avoir des conséquences. La fantasy, si on veut que ce soit valable, c'est autant un travail de précision que le polar: dès lors qu'on a fixé des lois à notre monde imaginaire, il est impératif de les respecter.