Il y a 15 jours, je vous parlais du bêta-lecteur. Aujourd'hui, je vais m'intéresser à l'auteur bêta-lu, c'est à dire l'auteur dont les écrits sont lus par des lecteurs tests.
Je ne suis pas spécialiste et je ne prétends pas tout vous révéler à travers le dernier article de cette série sur la bêta-lecture, mais je vais partager avec vous l'expérience accumulée jusqu'ici sur le sujet, en espérant que vous y trouverez des éléments utiles.
Tout le monde peut être bêta-lu.
Il convient toutefois de s'y préparer et de faire le nécessaire pour respecter ses bêta-lecteurs.
Vous n'êtes pas champion d'orthographe, vous ne faites pas un sans faute à chaque dictée de Bernard Pivot ? Pas de panique ! Le correcteur orthographique de votre logiciel de traitement de texte pourra corriger une bonne partie des coquilles, ou tout du moins vous les signaler. Bien sûr cet outil ne fait pas tout et commet même certaines erreurs, mais un premier balayage peut tout de même sensiblement améliorer votre texte si vous êtes fâché avec certains mots et règles de la langue française.
Théoriquement on dira qu'on pourra être bêta-lu quand on disposera au moins d'un premier jet terminé à proposer (terminé veut dire complet et au minimum relu par vos soins pour le fond et pour la forme, plusieurs fois si nécessaire).
Le bêta-lecteur, rappelons-le, n'est pas correcteur. Si ses yeux saignent à chaque phrase ou chaque paragraphe, son travail va s'en trouver gêné, son plaisir de lecture amoindri et son impression sera forcément influencée de manière négative.
Si vous deviez réaliser une poterie et demander son avis à un potentiel acheteur, vous lui proposeriez un vase que vous venez tout juste de terminer ou un vase que vous avez pris le temps de vérifier, nettoyer, peindre peut-être ?
Soignez votre travail avant de le proposer (c'est aussi une question de respect !). Le bêta-lecteur doit pouvoir réaliser une lecture confortable pour repérer et signaler dans les meilleures conditions toute incohérence ou autre élément sur le fond qui l'aura interpellé. Les éventuelles bêta-lectures sur la forme interviendront ensuite.
Vous proposez votre écrit à votre famille et quelques amis mais n'avez aucunement l'ambition de vous faire éditer ou de vous auto-publier ? Ce n'est pas forcément utile de chercher des bêta-lecteurs...
Vous envisagez sérieusement de diffuser vos écrits contre rémunération (donc, vous allez vendre un produit : votre livre ou un recueil de nouvelles par exemple) ? Il serait sûrement sage de faire passer votre ouvrage par la bêta-lecture avant de vous lancer dans la diffusion ou de l'envoyer à un éditeur. Qu'arrive-t-il à un produit lancé sur le marché sans aucun test ni vérification d'aucune sorte ? C'est le consommateur qui fait les frais de tous les défauts que des tests auraient permis de repérer et peut-être corriger. Si le consommateur est mécontent, le fabriquant aura bien du mal à écouler sa marchandise et en plus, il sera catégorisé de manière négative. Vous êtes en quelque sorte un fabriquant, ou un artisan. Vous avez fabriqué un produit : votre livre. Vous le mettez en vente en espérant qu'il trouvera son public : des lecteurs.
Peut donc être bêta-lu celui ou celle qui a envie de progresser, d'améliorer la qualité de ses écrits, d'avoir des opinions sincères de parfaits étrangers (ou pas) sur son travail.
Peut être bêta-lu celui ou celle qui est prêt à mettre son ego de côté, à prendre de la distance et se remettre en question.
Si vous proposez vos écrits à la bêta-lecture en attendant d'être encensé et en refusant en bloc toute forme de critique négative, vous risquez de vite déchanter ou de mal vivre cette expérience. Pire, vous risquez de n'en tirer aucun profit, alors que justement ces critiques sont du pain béni et une source très importante pour le travail de réécriture.
Considérons qu'un auteur peut être bêta-lu quand il est prêt à passer cette épreuve, à vivre cette expérience.
Comment reconnaître quand il s'agit du bon moment ?
Quand on a terminé son texte, qu'on l'a relu et qu'on se sent prêt à le faire lire, alors c'est le bon moment pour penser à la bêta-lecture. D'ailleurs, quand on le donne à lire à une première personne, on attend un retour de sa part, n'est-ce pas ? On aimerait avoir son avis, savoir si ça lui a plu.
Puisque la bêta-lecture aide l'auteur à prendre du recul et à améliorer son texte, il conviendrait, idéalement, de proposer son texte à la bêta-lecture avant de le diffuser largement. Avant en tout cas de le diffuser en version payante ou de le proposer à un professionnel de l'édition.
Chaque auteur aura des besoins et des attentes différents. À vous d'identifier à quel(s) moment(s) vous estimez avoir besoin d'un regard extérieur, d'un avis, d'un commentaire argumenté.
Quelques indices qui peuvent vous éclairer sur le bon moment :
− vous avez terminé d'écrire, mais vous n'osez pas donner votre ouvrage à lire
− vous bloquez sur un passage, sur une scène, sans savoir pourquoi
− vous avez le sentiment que quelque chose cloche, quelque part, sans parvenir à savoir où
− vous hésitez à rajouter ou à supprimer un passage, mais ne parvenez pas à vous décider
− vous êtes prêt à mettre votre ouvrage en vente (en format numérique par exemple) mais personne (ou seulement vos proches) ne l'a encore lu
− etc...
Définissez clairement vos besoins en termes de retours. Qu'attendez-vous de la part de vos futurs lecteurs ? Comment aimeriez-vous que votre ouvrage soit compris, ressenti ?
Dressez une liste de ces besoins, commencez par y répondre vous-même puis soumettez-la à vos bêta-lecteurs. Une liste de points à observer et commenter peut être établie si vous le souhaitez. Communiquez-la alors à vos bêta-lecteurs en amont de leur bêta-lecture.
Cela peut prendre la forme de quelques questions. Par exemple « comment résumerais-tu les relations entre le personnage A et le personnage B ? » ou bien « quel est le but poursuivi par le héros ? ». C'est le genre de question qui vous permettra de savoir si votre message est bien passé ou non.
Dans votre entourage, mais leur jugement risque d'être déformé par l'affection qu'ils vous portent, et leurs retours pourraient être trop complaisants. Il se peut même qu'ils n'osent pas vous signaler ce qui les a gênés.
Ne vous privez pas pour autant de ces lecteurs, car leur point de vue aussi est important, et comme première expérience de retour, des avis enthousiastes sont plus faciles à gérer que des critiques poussées comportant leur lot d'éléments négatifs.
Pour rechercher un bêta-lecteur que vous ne connaissez pas et qui ne vous connaît pas, vous disposez de différents outils :
- une petite annonce dans le journal (cela vous amuse ? J'en vois passer de temps en temps, alors pourquoi pas?)
- un petit mot « cherche bêta-lecteur » dans un écrit ou un extrait d'écrit diffusé quelque part en numérique (au hasard et par exemple mBS^^), sur votre blog, votre page FB, twitter, etc...
- essayez de faire connaître votre activité au public en proposant aux personnes rencontrées qui le souhaitent (et avec lesquelles le courant passe particulièrement bien) de vous accompagner dans vos projets en lisant votre ouvrage en avant-première. Par exemple vous vous entendez bien avec les bibliothécaires et libraires de votre ville / village et vous obtenez d'eux de pouvoir présenter votre ouvrage (même s'il n'est pas encore édité) en disposant d'une table pour accueillir les curieux
- peut-être y a-t-il une association, un café littéraire, un salon de thé, des ateliers d'écriture, etc... dans votre lieu de résidence ? On peut trouver des bêta-lecteurs dans de tels endroits, ne serait-ce que d'autres auteurs. Renseignez-vous et déplacez-vous.
- sur des sites de bêta-lecture, où vous allez proposer vos textes que de parfaits inconnus (au moins au début) vont lire et commenter, souvent sans langue de bois mais de manière bienveillante et constructive. Dans ce cas, faites des recherches pour trouver des sites qui correspondent au(x) genre(s) que vous abordez, et prêtez-vous également au jeu, ça permet de mieux comprendre les tenants et aboutissants de cet exercice.
Je vous propose ci-après quelques sites (il s'agit essentiellement de littérature de l'imaginaire car c'est ce que j'écris et je ne me suis pas particulièrement intéressé à la littérature blanche) :
- cocyclics, les tremplins de l'imaginaire : https://tremplinsdelimaginaire.com/cocyclics
- le forum d'ecrire-un-roman.com : http://www.ecrire-un-roman.com
- L'Orée des Conteurs : http://oree-des-conteurs.forumactif.org
- http://www.booknseries.fr/concept-booknseries (polars)
Ainsi que tous les sites mentionnés dans l'article précédent sur le bêta-lecteur. Les meilleures adresses seront celles que vous aurez dénichées vous-mêmes et où vous vous sentirez à votre aise.
C'est une étape très importante.
Un bêta-lecteur doit aimer lire bien sûr, avoir du temps pour vous et rendre un jugement honnête (que vous pouvez tout à fait redouter, ce serait même sain d'être un peu tendu tant que vous êtes dans l'attente de le recevoir).
Vous pouvez les choisir au hasard sur internet comme précisé dans le point précédent.
Il faut que le bêta-lecteur ait envie de faire une bêta-lecture de votre texte. Si vous avez l'impression que ce n'est pas le cas, laissez tomber, ou vous risquez tous deux d'en faire les frais.
Essayez de vous constituer un petit groupe de fidèles. En général, deux ou trois avis se révèlent suffisants pour améliorer ses textes. Rien ne vous empêche d'en chercher davantage, mais au-delà de cinq vous risquez de vous donner un travail très important de mise en relation des avis, qui la plupart du temps se seront déjà croisés avec deux ou trois personnes.
Choisissez quelqu'un avec qui vous vous sentez bien, à qui vous êtes prêt à faire confiance et avec qui vous vous sentez capable (et donc intéressé) de tenir une relation respectueuse et détendue, quels que soient les éléments abordés par la suite sur vos écrits.
N'oubliez pas que le bêta-lecteur prend sur son temps libre pour vous apporter son aide. Vous êtes bien placé pour savoir que le temps est quelque chose de précieux dont tout le monde manque (encore plus quand on écrit !).
Rien ! Je plaisante bien sûr. Ce serait vraiment dommage de ne rien en faire !
Lisez-les, étudiez-les, comparez-les et croisez-les (quand vous en avez de plusieurs bêta-lecteurs différents).
Essayez de mettre en relief les points qui reviennent dans plusieurs avis.
Ensuite c'est une question très personnelle. Soit vous retravaillez votre texte en tenant compte, en totalité ou partiellement, des remarques faites, soit vous ne touchez à rien et gardez votre texte tel quel.
Par expérience, des points « négatifs » qui ressortent dans plusieurs BL différentes méritent toute votre attention. De même pour les points très positifs.
Ces retours sont une opportunité pour vous de mettre le doigt sur certains « défauts », de prendre conscience de certains tics, de certaines faiblesses, etc... Sachez vous remettre en question pour tirer le meilleur parti du travail de vos bêta-lecteurs. Ne prenez pas de décision hâtive. Prenez le temps de la réflexion et ne perdez pas de vue votre objectif (notamment s'il s'agit d'une série et que certains liens tissés entre plusieurs livres échappent encore à vos bêta-lecteurs).
Proposez le résultat de vos travaux de réécriture à vos bêta-lecteurs pour avoir leur avis. Est-ce mieux, pire, différent ?
Gardez-les dans un fichier, pour pouvoir y revenir autant de fois que souhaité. Vous pourriez par exemple ressortir des BL obtenues sur un écrit pour relire votre nouvelle création à leur lumière. Cela pourrait vous faire gagner du temps et épargner à vos bêta-lecteurs le sentiment de retrouver les mêmes « défauts » dans tous vos écrits (attention, ce qui sera un défaut pour l'un pourra être une qualité pour l'autre, d'où l'importance de prendre le temps de la réflexion et de mesurer la portée d'éventuelles modifications).
N'oubliez pas de remercier votre bêta-lecteur !
Pour poursuivre votre découverte de la bêta-lecture, quelques adresses intéressantes :
− https://laduchessederat.com/2014/09/28/comment-trouver-un-bon-beta-lecteur
− http://mademoisellecordelia.fr/importance-du-beta-lecteur
− http://ecriture-livres.fr/comment-ecrire/ameliorer-texte/trouver-beta-le...
− http://ffnetmodedemploi.free.fr/betalecture.php
− http://www.paperdemon.com/writing/view/3030 (en anglais)
− etc.
Voilà, j'en ai terminé avec cette série de trois articles sur la bêta-lecture. J'espère que vous aurez au moins trouvé quelques éléments utiles et compris l'importance d'avoir recours à des bêta-lecteurs quand on souhaite être publié / édité.
Retrouver les deux premiers volets de ce dossier sur la bêta-lecture :
> Lire l'article Tout savoir sur la bêta-lecture #1 : la bêta-lecture, comment ça fonctionne.
> Lire l'article consacré au bêta-lecteur : Tout savoir sur la bêta-lecture #2.
Vous avez écrit un livre : un roman, un essai, des poèmes… Il traine dans un tiroir.
Publiez-le sans frais, partagez-le, faites le lire et profitez des avis et des commentaires de lecteurs objectifs…
Excellent article, Yannick, comme toujours ! Tout est dit.
Je me permets de suggérer aussi le groupe facebook Auteurs cherchent avis, chronique ou bêta-lecture, où l'ambiance est très sympa et les volontaires très diversifiés.
Amitiés
Elen
Bonjour @Marguerite Rothe. Vous me voyez ravi si ces articles ont pu vous apporter des éléments utiles :-)
@monBestSeller : avec plaisir. Merci à vous de m'avoir proposé d'intervenir, c'était sympathique de pouvoir partager cette expérience. Pour l'article "C'est nouveau", je ne l'ai pas vu passer, je vais aller voir ça !
@Yannick A. R. Fradin Merci Yannick pour ce travail de fond, intelligent, éclairant. Merci aussi pour cette liberté d'expression. Bien sûr, Scribay est aussi notre ami, et nous les avons rencontrés. Leur formule est ambitieuse et intelligente. Pour ce qui concerne, les protections de textes nous sommes en train de faire un sondage auprès de nos membres. Nous lançons avec la collaboration de Bookelis de nouveaux services d'impression et de distribution pour les auteurs monBestSeller. Voir l'interview : C'est nouveau Nous sommes curieux quand vous aurez une minute d'avoir votre retour et "conseils" sur les services proposés.
@Yannick A. R. FRADIN - Grand merci à vous pour cette série d'articles. Grâce à eux, j'ai fait quelques découvertes intéressantes, et que j'ai déjà commencé à mettre en pratique pour certaines d'entre elles. Pour Scribay et la protection des données, voici ce qu'ils disent : "De plus, nos serveurs auront enregistré l'instant auquel vous aurez publié votre texte. Cette date sera inscrite dans nos bases de données, ce qui peut constituer une preuve d'antériorité de votre œuvre.
Cependant, cette preuve peut être contestable, et Scribay n'est pas une société de gestion des droits d'auteur." ------ À cela, on peut aussi s'envoyer en recommandé le texte en question (facile à faire en passant par Internet) - Ce n'est pas un ©, mais avec cela, je crois qu'on peut prouver qu'on est l'auteur de la super idée qui nous a été piquée :-) Ceci dit, si quelqu'un a envie de se goinfrer des textes qui ne lui appartiennent pas, il n'y aura rien ni personne qui pourra l'arrêter. Encore merci Yannick, et bonne continuation à vous. Marguerite.
Bonjour et merci pour la publication de cet article. J'en profite pour ajouter un site que j'ai découvert récemment et que je trouve approprié à la bêta-lecture : Scribay. En fait, je le connaissais déjà de nom, mais comme on ne peut pas être sur tous les fronts, je ne m'y suis intéressé que récemment. Ce site permet de déposer librement tout ou partie de son texte (plutôt des parties successives d'ailleurs) et d'intervenir directement dessus en surlignant et commentant "en direct" avec des repères visuels précis, un peu comme si on écrivait directement sur une version papier, à ceci près qu'elle est numérique. On peut aussi faire des appels à la relecture, en ciblant un ou certains points précis (idées, style, grammaire, orthographe, etc...). Un outil de travail intéressant (et très facile d'utilisation !) dont la seule faiblesse que j'ai pour le moment repérée concerne la protection des données. Comme l'on peut intervenir directement sur le texte, on peut très facilement copier coller tout ce qui nous tombe sous la main. A utiliser avec précaution du coup, en fonction de ce que l'on veut faire de ses textes. On peut déposer autant de textes différents que souhaité, du format souhaité, extraits ou entiers, nouvelles ou romans, poésie, etc. C'est vraiment très libre. Autre "faiblesse" non négligeable (dont souffrait aussi mBS à ses débuts) : il y a énormément d'écrits amateurs (dans le sens bourrés de fautes d'orthographes au point d'en être tout à fait illisibles, truffés de fautes lourdes et indigestes, avec une mise en page à coucher dehors, etc.) et peu d'écrits de qualité. Bref, je vous invite à vous intéresser à cet outil et à voir s'il peut convenir ou non à votre méthode de travail. Cordialement :-)