Cela dit, est-il plus facile d’être un bon lecteur ? La question semble incongrue, et son apparente dualité me pousse à traiter le sujet. Ce qui distingue l’auteur du lecteur, c’est, entre autres choses, que le premier se dispose au public, assume un devoir de transmission, quand le second ramène l’écrit dans sa sphère intime et personnelle. Dès lors, existe-t-il de bons lecteurs ? Et quelle est leur part, leur rôle, dans la vie d’un livre (ou d’un e-book) ?
Évidemment, la première réponse qui vient à l’esprit touche le pouvoir incroyable, qui est celui du lecteur, d’assurer la meilleure publicité qui soit pour tel ou tel ouvrage. C’est bien connu, le bouche-à-oreille, syndrome du ‘téléphone arabe’, dans le monde littéraire, est on ne peut plus efficace ! Alors, le bon lecteur, est-il celui qui va se faire le héraut enflammé d’un livre ? Son enthousiasme débordant va se propager, toucher son cercle familial le plus proche, atteindre ses amis, ses collègues, et peut-être même gagner les inconnus qui le croiseront. C’est grâce à de tels lecteurs qu’un ouvrage dissimulé dans l’ombre va jaillir au sommet des best of. On suppose alors que l’écrivain qui aura su susciter de tels transports est un génie, on suppose également qu’il conçoit beaucoup de gratitude pour ce lecteur zélé.
Cependant, bien des écrits n’ont pas la chance de croiser ce lecteur X, -supposé excellent-, qui leur assurerait la meilleure des promotions. Il devient alors évident qu’il faille distinguer la popularité d’un ouvrage, et l’excellence des lecteurs ! Qui est-il, à la fin, ce bon lecteur ? Un érudit, qui aura lu toutes les œuvres des auteurs classiques (mis à l’honneur en ce moment sur monBestSeller) ? Un boulimique de lecture, qui ne sait pas vivre sans tout déchiffrer, des annonces publicitaires aux moindres encarts des journaux ? Un analyste furieux, qui dissèquera l’écrit, un organisé qui s’astreint à dévorer un roman par semaine ? En somme, nos motivations peuvent être multiples. Elles tiennent à nos parcours, à nos histoires intimes, à nos vies, tout simplement. N’importe qui peut être un bon lecteur. Cela ne se juge pas, et on ne le dit pas assez ! À mon sens, un bon lecteur est tout simplement capable d’accueillir n’importe quel ouvrage et, de même qu’il est essentiel de ne juger personne sur les apparences, il sait ne pas le cataloguer fonction de sa couverture, de son titre, de son genre, de ses premiers mots. Les auteurs font, de leur côté, bien des efforts pour satisfaire leur lectorat ; ceux qui ont la chance d’être publiés se heurtent aux aléas de la renommée ou de l’oubli, ceux qui partagent gratuitement leurs écrits peinent (parfois) avec les questions de mise en page, de grammaire et d’orthographe…
De leur côté, ils existent aussi, ces lecteurs bienveillants, qui, s’ils ne participent pas directement à la notoriété d’un ouvrage, font des efforts pour accueillir une œuvre. Car tout acte de lecture est un effort. Une ouverture d’esprit, une main tendue ; on accueille un inconnu chez soi, on prend le risque de se confronter à ses idées, on prend le risque d’être touché à cœur, atteint par une fièvre d’amitié qui ne nous quittera jamais, on s’y dispose, même.
Bien des prix se proposent de distinguer les auteurs du moment, artistes en vogue, révélations, prodiges, ovnis de la littérature. Bien des avis se partagent et s’imposent sur la façon d’estimer le génie d’un écrivain, sa capacité de transmission des messages, et, bien entendu, sa capacité d’exportation…
Alors que nous savons tous que la littérature est histoire de voie ouverte entre les intimités livrées d’un auteur et les pensées personnelles de ses lecteurs, on remarque que les dits lecteurs sont assez peu mis à l’honneur. À l’évidence, il n’existe pas de prix pour distinguer les plus subtils, les plus géniaux, les plus touchants d’entre eux. Seuls quelques rares lieux, parmi lesquels figure, en bonne place, le site de monBestSeller et son originalité, offrent aux auteurs, aussi obscurs ou célèbres soient-ils, l’occasion de souligner les vertus, le courage, le génie ignorés des lecteurs ; toutes ces personnes anonymes qui font le pari de donner un sens, par leur seule approche, à ce qui, en tant qu’auteur, est si précieux pour vous.
Alors, je profite de l’opportunité qui m’est offerte pour remercier tous les lecteurs qui répondent à ces mains tendues, qui pardonnent nos manies d’écrivains, qui valorisent, par leur travail silencieux et méconnu, les heures que nous passons en quête de soi-même dans l’idée de leur offrir le meilleur.
Vous avez écrit un livre : un roman, un essai, des poèmes… Il traine dans un tiroir.
Publiez-le sans frais, partagez-le, faites le lire et profitez des avis et des commentaires de lecteurs objectifs…
Bien chère @lamish, plus je vous lis, plus je découvre dans votre qualité d'écoute et de partage, quelque chose qui me touche profondément. Je n'ai pas assez de disponibilité en ce moment pour me permettre de lire tout ce que je souhaiterais sur monBestSeller, -voilà plusieurs fois que je promets à des Auteurs de me plonger dans la lecture de leurs œuvres et je ne me dédis pas !-, aujourd'hui j'ai très envie de vous ajouter à la liste !
Je viens vous remercier pour votre commentaire, si éclairé, si courageux de partage, et tellement intéressant. Je me rends compte que je n'ai pas assez développé cette tribune-ci pour éviter de semer au passage des lectures quelques interrogations légitimes, et ce que vous ajoutez constitue un excellent "paragraphe de rattrapage", si vous me permettez ! :-)
Voilà où j'en viendrai : après avoir lu plusieurs autres de vos commentaires sur d'autres pages (notamment celui, fort développé, qui figure dans la Rubrique des Classiques, section 'Confucius'), je me demande si vous avez déjà songé à écrire vous-même quelques articles de tribunes pour mBS ? Ou bien encore, à participer à ladite Rubrique des Classiques ? Je vous dis par avance, car j'en suis certaine, que je vous lirais, et découvrirais vos ressentis, avec beaucoup de joie ! Si vous avez la disponibilité et l'envie, pensez-y !
Enfin, j'ai bien des remords de vous embêter avec l'écriture de mon nom de plume. Je vais vous dire : pour moi non plus ce n'est pas simple !, même si j'y tiens ! Alors je viens d'avoir une idée : à la fin de cette phrase, je vais écrire mon nom en entier, et si vous souhaitez répondre à mon message, vous pourrez vous en servir pour le copier-coller... Ça marchera, je crois ! => Élizabeth M.AÎNÉ-DUROC !
Merci encore à vous pour vos enthousiasmes, votre sincérité et votre humilité.
Bien à vous,
Élizabeth.
Plus prosaïquement, et pour faire preuve de pragmatisme, un auteur a des critères arithmétiques pour se faire une idée :
— Sur une plate-forme comme mBS, ce sont le nombre de consultations cumulées depuis la première minute de la mise en ligne (je dis consultations car une consultation n'est pas forcément une "lecture"), puis le nombre de commentaires (ou commentaire/notation), enfin la teneur du commentaire. Là-dessus, je partage l'avis de @Bossy, même s'il faut le prendre au second degré.
— Sur une plate-forme commerciale comme Amazon, c'est forcément le nombre de ventes d'une part, le nombre de commentaires d'autre part.
— Pour le circuit "libraires" et "bibliothèques", c'est naturellement le nombre de ventes pour les premières, ou
le nombre d'emprunts pour les secondes.
Tout est exact dans l'article de @Elisabeth M. Aîné-Duroc, autant que dans le commentaire de @Marguerite Rothe, mais des succès comme ceux qui ces dernières années ont atteint des millions d'exemplaires vendus dans le monde (Harry Potter et 50 Nuances de Grey) permettent de ne pas douter du qualificatif à attribuer aux lecteurs.
Au passage, merci @Marguerite Rothe pour les "10 commandements" de Daniel Pennac.
Pour moi, un bon lecteur est un voleur. Il pénètre l'âme de l'auteur et s'en approprie chaque mot qu'il fera sien... Il ne s'intéressera pas forcément à l'écrivain et même, il pourra arriver qu'il garde cette communion sous silence, oubliant d'assurer la promotion de l'ouvrage qui l'aura transporté...ce n'est pas grave, un lecteur n'est pas un publicitaire.
L'important, c'est que cette lecture l'aura changé, quelque part, en profondeur...
@Élizabeth M.AÎNÉ-DUROC Je reconnais que ma définition du bon lecteur (trice) est un peu égoïste. Vous pouvez quand-même vous risquer sur une de mes pages pour que je vérifie si vous êtes vraiment bonne lectrice. Sinon, vous pouvez aussi appliquer le 1er commandement de Daniel Pennac, et vous m'aurez fait pleurer, alors que je vous ai fait rire. Amicalement. Votre tribune est fort bien tournée.
@Marguerite Rothe. Oui, oui, chère Marguerite, vous et @lamish êtes parmi mes meilleures lectrices, et répondez parfaitement à ma définition un peu aventureuse du "bon lecteur". Je ne sais pas comment vous faites pour lire autant de livres ! Amitiés BOSSY
Bien cher @BOSSY, je suis bluffée ! Je n'ai pas souvenir d'avoir déjà lu un commentaire qui m'ait autant fait rire et réfléchir en même temps !
Je vous préviens : vous risquez fort de me retrouver sur votre page dans les semaines qui viennent, et j'espère pouvoir compter parmi vos bonnes lectrices !
De mon côté, au vu de votre géniale participation à cette rubrique, je vous déclare bien volontiers "charmant lecteur" à votre tour !
Amicalement,
Élizabeth.
@Élizabeth M.AÎNÉ-DUROC
Oui, effectivement, votre avant dernier paragraphe a été la cause de ma remarque. Sinon, je suis ravie de vous avoir fait connaître ces « 10 commandements » !
Cher @BOSSY
vu le nombre de livres que j'avale, j'imagine que je suis une bonne lectrice. Je suis lectrice et auteur, alors imaginez : si je recevais commentaires et notes à hauteur de la quantité de livres que je lis, ça serait... ça serait vraiment bien ! Amitiés à vous deux, Marguerite
@atarina Viti. Les étoiles du coeur valent largement pour monbestseller !
Chère @Marguerite Rothe, j'ai été ravie de découvrir votre commentaire, et je viens vous en remercier. C'est tout le charme de mBS que de favoriser, par livres et articles interposés, les échanges intelligents et engagés !
Si je connais Daniel Pennac, un peu, je n'avais pas l'heur de connaître les "commandements du Lecteur", et je vous remercie de me les avoir communiqués ! Je suis très heureuse de les apprendre, ils sonnent si juste !, et expriment, mieux que je n'ai su le faire, ce que je voulais pourtant dire...
Ce qui m'amène au second point, concernant votre remarque tout à fait appropriée. En faisant remarquer qu'il n'existe, bien sûr, aucun prix qui se targue de récompenser les meilleurs Lecteurs d'entre nous, je tenais à attirer l'attention sur la distanciation qui reste entre l'éventuelle mise en lumière d'un Auteur, et l'évident anonymat de ses Lecteurs, dans ce qui est une œuvre une, cependant.
Mais je suis maladroite, si j'ai pu laisser penser que je souhaiterais la création d'une telle reconnaissance ! Quelle erreur ce serait, ne serait-ce que d'essayer d'analyser les comportements des lectrices et lecteurs, de les disséquer pour mieux les classer, alors que toute la magie et tout le bonheur de la lecture résident dans les mouvements intérieurs du cœur, dans la symbiose subtile des intimités de l'Auteur et du Lecteur ! La lecture rappelle à soi-même, si besoin est, elle est intime, libre, et par là-même : jubilatoire. Jamais je ne voudrais qu'on la range et qu'on la classe, ni qu'on ôte aux Lecteurs leur droit absolu "d'aller et de venir à leur guise dans le récit". Ce que Daniel Pennac défend si bien !, et que je voulais défendre également, tout en faisant remarquer que l'on a rarement l'occasion de remercier ses Lecteurs, surtout si on est... un petit chef !
J'espère que ces précisions vous éclaireront un peu quant à mes intentions, et je vous dis à bientôt j'espère, amicalement,
Élizabeth.
Chères Marguerite et Elisabeth. Un bon lecteur est un lecteur qui me lit. Qui prend la peine d'inscrire un commentaire élogieux. Qui attribue 5 étoiles.
C'est pour cela que les bons lecteurs sont si rares !...si précieux !...si adorables !
Célébrer les lecteurs, c’est aussi leur laisser la liberté de lire comme ils aiment.
Dans son essai ‘Comme un roman’, Daniel Pennac rassure et déculpabilise les lecteurs en leur livrant ses « 10 commandements »
1. « Le droit de ne pas lire. »
2. « Le droit de sauter des pages. »
3. « Le droit de ne pas finir un livre. »
4. « Le droit de relire. »
5. « Le droit de lire n'importe quoi .»
6. « Le droit au bovarysme. »
7. « Le droit de lire n'importe où. »
8. « Le droit de grappiller. »
9. « Le droit de lire à haute voix. »
10. « Le droit de nous taire. »
J’ai trouvé bizarre, que vous vous interrogiez sur l’absence d’un prix qui récompenserait les lecteurs. C’est un peu comme si on se demandait pourquoi il n’existe pas de récompense pour les clients qui vont se régaler de la cuisine d’un grand (ou même un petit) chef.
Chère Élizabeth,
vous êtes une amoureuse de la littérature, et vos contributions sur mBs le prouvent amplement.
Bonne continuation,
Marguerite.