Mon adolescence s’est passée pour partie à courir dans la nature, pour partie à lire des romans d’aventure. Frison-Roche et Curwood m’ont souvent tenu en éveil. Cependant, Henry de Monfreid tient une place particulière dans mon esprit parce que sa vie, elle-même, est un roman. Il n’a pas eu à choisir de pseudonyme car sa grand-mère s’en était chargée pour lui. Marguerite Barrière était devenue Caroline de Monfreid. On ne savait trop si son fils était issu d’un milliardaire américain ou du roi des belges. Celui-ci, peintre, avait consacré sa vie à faire connaître l’œuvre d’un autre, Gauguin.
Curieusement, Henry de Monfreid avait commencé sa carrière par l’exploitation d’une laiterie en Seine-et-Marne. Néanmoins, il avait rapidement préféré chercher l’aventure aux colonies, précisément à Djibouti. Dès lors, sa vie allait alimenter son œuvre littéraire. Au début des années 70, une série télévisée, inspirée des « Secrets de la Mer Rouge », donnait des envies d’Afrique à l’adolescent que j’étais. L’acteur qui interprétait le personnage d’Henry de Monfreid apparaissait, assis à l’arrière de son boutre, simplement vêtu d’un morceau d’étoffe qui lui ceignait le bassin. Cette image était probablement assez conforme à l’apparence que l’écrivain-aventurier adoptait à Djibouti. Il explique dans ses écrits qu’il apprenait à endurer les mêmes conditions de vie que les indigènes en s’entrainant à marcher, pieds nus, sur le ballast du chemin de fer. Tantôt pêcheur d’huîtres perlières, tantôt trafiquant en tous genres, il réglait ses conflits avec ses adversaires de manière assez radicale et, parfois, de manière pittoresque. N’avait-il pas poursuivi l’un d’entre eux dans tout l’Océan Indien avec une goélette armée d’un canon ? Ses maîtresses étaient éthiopiennes, les plus belles femmes du monde dit-on.
Henry de Monfreid vécut près de cent ans, comme si la mort hésitait à frapper à la porte de ces hommes qui l’ont crânement défiée. On aperçoit le romancier, sur les images d’un documentaire qui lui avait été consacré à la fin de sa vie, ouvrant d’un grand coup de pied le portail de son manoir berrichon. Il ne se nourrissait plus, à l’époque, que de miel, pour contrebalancer les effets de sa consommation d’opium. Il venait peser ses doses sur la balance de l’épicière du village. Il serait difficile d’imaginer aujourd’hui Henry jouant au Scrabble, avec des vieilles filles, au paradis. Peut-être est-ce parce qu’on ne peut pas faire de bons livres uniquement avec des bons sentiments.
Michel Pain-Edeline
Vous avez écrit un livre : un roman, un essai, des poèmes… Il traine dans un tiroir.
Publiez-le sans frais, partagez-le, faites le lire et profitez des avis et des commentaires de lecteurs objectifs…
@Boris Phillips @lamish @Michel CANAL Je ne découvre qu'aujourd'hui ce compartiment du site. J'ignorais où était passé mon article. Ce doit être son sujet aventureux qui me l'avait fait égarer. Je vous remercie donc avec retard pour vos commentaires. Henri de Monfreid fédèrera toujours les rêveurs.
@Michel Pain-Edeline ; @Michel CANAL ; @Letellier Patrick ; @lamish.
Comme beaucoup, j'ai lu « Secrets de la Mer Rouge » et vu la série télévisée - il me semble que l'acteur principal était Pierre Massimi ? - ; les deux en rêvant d'Aventure.
J'ai un autre souvenir : celui d'un court sujet aux actualités télévisées après le décès de l'auteur ; l'épicière d'Ingrandes était interviewée et déclarait - je cite de mémoire - «M. le Comte, bien sûr que je le connaissais : il venait tous les jours dans ma boutique se faire peser sa dose d'opium... »
Alors, juste une petite question dictée par mon esprit insidieux et frondeur : un tel reportage serait-il encore possible de nos jours ?
Cordialement et avec humour.
Philippe.
Ah, @Letellier Patrick, ravi de ton retour parmi les "terriens". Je comprends qu’Henry de Monfreid ait pu te séduire à l’âge auquel on admire les héros et les aventuriers. J’irais même jusqu’à penser qu’il t’a un peu inspiré, car ta vie est aussi un roman. Amitiés. Michel
Un aventurier-écrivain qui m’a fait rêver aussi, @Michel Pain-Edeline. J’ai eu à l’étudier, j’ai vu le documentaire... et la série télévisée inspirée des « Secrets de la Mer Rouge ». Je le revois, sa silhouette filiforme, son visage émacié et sa gestuelle de fumeur tirant sur son fume-cigarettes, ancrés dans ma mémoire. Merci pour ce partage.