Enseignant en écriture de fictions romanesques, le Professeur Brian Dillon accueille ses nouveaux étudiants en leur distribuant un sachet de bonbons de différentes couleurs. Après leur avoir expliqué le sens de chacune de ces friandises, il leur demande de les mettre en bouche et de les y laisser fondre comme autant “d’hosties”.
- Bonbon rouge : les personnages,
- Bonbon noir pour l’intrigue,
- Vert pour les dialogues,
- Le bonbon orange représente le point de vue de la narration
- Et le jaune, enfin, le thème du livre.
Cette petite cérémonie a pour but de faire assimiler les cinq composantes essentielles de l’écriture. Hors des modes, hors le temps, les livres qui font vibrer nos cœurs racontent des histoires dans lesquelles ces cinq éléments convergent avec une force égale.
Apparemment, tous les grands écrivains l’ont compris et loin de devenir esclaves de cette règle, ils ont su au contraire, en jouer et la pousser parfois dans ses extrêmes.
Il se trouve qu’à l’époque où je découvris cette information, je lisais un roman qui me plongeait dans un état étrange, proche de l’hypnose. Je me suis donc amusée à vérifier si les “cinq règles de Dillon” y étaient respectées et concourraient au résultat magnétique atteint par l’auteur.
Oui est la réponse, et sans aucun doute.
Bonbon rouge, les personnages : Trois personnages principaux et des personnages secondaires présentés sous la forme d’individus ou de groupes. Extrême précision des traits. Personnages chargés du sens de l’histoire, parfaitement calibrés en fonction de leurs rôles dans la société. Tellement universels qu’il devient inutile de préciser le lieu de l’action.
Bonbon noir, l’intrigue : l’auteur donne peu d’éléments, juste ce qu’il faut pour que le lecteur construise lui-même sa propre intrigue, en fonction de ses croyances et projections. Dans les dernières lignes du roman, un seul mot remplaçant un autre mot, que le lecteur s’était approprié sans le remettre en question, révèle brusquement le sens véritable de l’histoire. Et rend du même coup, ce récit inoubliable.
Bonbon vert, les dialogues : L’un parle et l’autre pas. L’autre écoute seulement, mais aucun des deux personnages ne comprend la langue de l’autre. Merveilleuse trouvaille pour construire des mondes imaginaires à partir des longs monologues du seul locuteur. Un jeu de devinette improbable.
Bonbon orange, le point de vue de la narration. Uniquement celui du personnage clé. Un vieil homme arraché à sa vie et son pays, débarquant dans un monde dont il ignore tous les aspects.
Bonbon jaune, le thème. Il est universel et multiple : l’exil, l’amour, l’amitié. Et se déchire à la fin de l’histoire, se révélant autre et dans toute sa cruauté.
Philippe Claudel a bien observé les cinq règles de la narration. Le Professeur Dillon dirait probablement que c’est la recette du magnifique roman : “La petite-fille de Monsieur Linh”
Catarina Viti
Vous avez écrit un livre : un roman, un essai, des poèmes… Il traine dans un tiroir.
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Très intéressant. Pourquoi diable m'a-t-on dit un jour d'arrêter les bonbons? tsss...
Moi, j'aime bien les façons ludiques de se discipliner !
Comme le souligne le chapeau de cet article, s'il n'y a pas de recette pour écrire une histoire il y a des ingrédients pour réussir la recette. Au risque de gâter ses dents, le professeur Dillon nous les rappelle et, pour cela, je le remercie. Et je suis persuadée que tout écriveron/écrivaillon/écrivateur voire même, tout écrivain retirera des bénéfices considérables à se les remémorer au moment d'imaginer ses intrigues, d'écrire et de corriger ses textes.