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Du 03 oct 2018
au 03 oct 2019

Pascale Delphi - 5 ème Prix Concours "La Première fois"

Pascale DIELPHI- https://www.monbestseller.com/membre/dielphi-p

 La casquette à l’envers

Partons, sur ma première fois ; à trente-cinq ans, j’étais certaine d’avoir épousé le bon, celui qui partage ma vie depuis treize ans. Une vie en province, rangée, normale comme on dit. Deux fonctionnaires qui ne craignent pas le Pôle Emploi. Deux lambdas qui élèvent le choix des rois ; le garçon et la fille, qui paient la maison à crédit, la cuisine aménagée et qui emmènent la famille et le labrador une ou deux semaines l’été avec leurs chèques en vacances.

Chez moi, l’acte conjugal est bien codifié, toujours en fin de semaine. Réduit à quelques baisers annonciateurs d’étreintes maladroitement échangées dans la chambre nuptiale et vite terminé par l’apothéose qui fait de lui un homme, mon homme. Et pour moi, rien. Si, attendre la fin en regardant le plafond, et rallumer la télé.

Une aire d’autoroute un soir de juin et ce fut la première fois que…

Aux stations-service des autoroutes, je m’y arrête quand l’icône clignote et que je ne me sens pas de faire un détour dans le village d’à côté pour aller gagner cinq ou six centimes au litre.

Ce vendredi soir, à croire que ma voiture m’a contaminée, je meurs de soif. J’engloutis un bon Perrier bien frais au bar, quand le gars d’à côté me touche le bras et me passe le sucrier. Surprise, j’élève mon verre en souriant comme pour trinquer, l’air de dire :« Eh ! t’as vuc’que j’bois !? »

Tant pis ! Pas de sucre, dit-il avec un clin d’œil coquin.

Avec son air bad boy du « Neuf-Trois », il envoie. Bermuda en jean javellisé tout effiloché au-dessus du genou, tee-shirt blanc moulant deux tablettes de chocolat bien rebondies, deux biceps passés à la gonflette, tatoués, bronzés, prêts à exploser les coutures. Et pour finir, une casquette rouge portée à l’envers, bref, le genre de mec rebelle que je n’ai jamais croisé. Le mien de mec est propre et bien repassé avec ses jeans bruts et ses bermudas à ourlets seulement pour les vacances, pfft !

Ni une, ni deux, il engage la conversation sur l’accrochage de l’autoroute à quelques kilomètres d’ici. Je me surprends de lui répondre et de rire avec lui. Vissée sur ce tabouret en hauteur, ma petite robe fleurie boutonnée paraît plus courte. Son regard de félin prédateur court du décolleté aux cuisses avec convoitise. J’ai l’impression d’être en attente dans un bar à call-girls. Penser à la scène me fait monter le sang aux joues. Bon sang ! Des coups à faire réfléchir une religieuse sur sa vocation. Son exubérance me foudroie et m’attire comme un aimant, moi, qui ne suis qu’une petite fonctionnaire lisse et aussi rangée que ses dossiers dans les archives de la Poste.

Les mains racontent nos vies. Les siennes sont épaisses et calleuses, sans doute est-il un ouvrier du bâtiment !? Il attrape son portable et s’écarte chaloupant entre les tables. Profitant de l’intermède, je file aux lavabos. Le miroir me renvoie une tête d’adolescente énamourée, mes yeux brillent, l’adrénaline monte. Une giclée de parfum, un aller et retour de rouge à lèvres, et hop ! par ici la sortie. Est-il encore là, la casquette à l’envers ? Bingo ! Il me dévisage intensément et se met à me siffler si fort que surprise par cette familiarité soudaine, j’avance les yeux baissés pour ne pas croiser ceux du bar. C’est dit, je viens d’endosser la casquette de la petite amie de la casquette. Eh ! Eh ! chacun sa casquette.

Je pensais que vous étiez déjà parti.
Je vous attendais. Vous êtes pressée ?

En remontant sur le tabouret, je tire ma robe, rien n’y fait, il louche dessus effrontément.

Après quelques fous rires, il faut bien reprendre la route. Avant de se quitter, comme deux ados, on s’échange les portables sans aucune raison valable de nous appeler. Plutôt, oh ! danger de se sonner quand il ne le faudra pas. Pour rien, en plus.

 

Dans le sud de la France, juin annonce déjà l’été. Le jour est plus long, les soirées sont tièdes et n’en finissent pas. C’est par un de ces soirs-là que…

Le tableau de bord annonce vingt-huit degrés à vingt heures trente. Le soleil descend inondant le ciel et reflétant une campagne à l’ouest d’un superbe dégradé du pourpre au rose pâle. La chaleur fait briller le bitume. Tout est bien plus beau ce soir. C’est bon de rouler en imaginant l’inimaginable. Allez ! Arrête donc de rêvasser, accélère et rentre chez toi.

 

Sa voiture est devant. Ouah ! je ne doublerai pas. Appels warning, il m’a repérée. Bip-bip, sms « Auto next STOP », un cœur rouge, oh !

C’est simple, ou j’y vais et je sais pourquoi, ou j’accélère et adieu la casquette. Sa voiture clignote à droite. Allez ! Je m’en fous, j’y vais. Une montée d’air chaud me traverse le corps. Il roule au pas, contourne le bâtiment des toilettes, le parking est vide. Les arbres forment des parasols apportant un peu de fraîcheur pour les pauses des touristes en route vers le soleil. Tiens, il a retiré sa casquette. Les cheveux dans les yeux, il a l’air d’un GO de club. Il s’approche de ma voiture, nonchalant, les jambes arquées, il sent la bête en rut. Ouah ! qu’il me plaît. Tremblante d’excitation, je sors. Il ouvre la porte arrière de sa voiture, me prend la main avec l’élégance d’un portier des grands hôtels et m’invite à monter. Après la légèreté du bar, je suis un peu moins fière. Oui, c’est la première fois que je monte dans la voiture d’un inconnu, oui, ce sera la première fois que…

Sans un mot, il se jette sur moi, m’embrasse à pleine bouche. Un frisson électrique presque froid me court le long de la colonne effaçant sur son passage toute pudeur. Ses étreintes, ses gloussements d’animal fougueux m’enivrent. Les boutons de ma robe ont sauté, son bermuda a volé. On est nus, haletants dans cet habitacle embué. Sa peau brille, il sent le déodorant et la sueur. Mon corps tressaille sous ses doigts rugueux et sa bouche gourmande. C’est lui qui mène, je suis le tempo et me surprends à des gestes jamais osés. Il est sur moi haletant, caressant avec à la fois cette brutalité de mâle dominant qui efface toute résistance. Sa voix suave dirige autant que ses mains :« Laisse-toi aller, là, doucement. » Ses caresses me font perdre le sens commun. Suspendue à perdre la notion du temps et du lieu, je m’abandonne sous la musculature de l’homme. L’excitation monte jusqu’à l’inconscience. Paf ! ça lâche, c’est la descente d’un immanquable retour, c’est fini. Que m’est-il arrivé ? Ce serait donc ça, la petite mort littéraire ? Plus vulgairement ; le pied, cette jouissance extatique. Quelle sensation !

Nue à l’arrière de la voiture, j’ai honte, j’ai envie de m’enfuir. On se rhabille sans même se regarder. Il attrape son portable, efface mon numéro. « Efface le mien ! » Il pense à toute la casquette à l’envers. Sait-il seulement qu’il m’a révélée ? Qu’importe, pour la première fois ,j’ai eu l’ivresse.

Retour au domicile, aïe ! aïe ! La chute ! Et chut ! Mince ! on est vendredi, non merci, pas ce soir. Promis, je regarderai le plafond demain, je continuerai à élever le choix des rois, à payer la maison et à sortir le chien, snif. Pour le reste, wait and see.

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Merci de vos commentaires si flatteurs à mon égard.
Je ne vous cache pas être transportée depuis que j’ai vu mon nom trôner à la cinquième place du concours
« La Première fois »
En plus, c’est la première fois que je participe à un exercice d’écriture. J’y vois là un signe;
En tout cas, celui de terminer mon manuscrit en cours.

Publié le 09 Octobre 2019

Je me suis fais gloutonner par ton histoire. Tu es franchouillarde, quel culot? comment oser? Des questionnements, une routine de vie blasée, du vibrant de la vie, du frissonnant d' aventure, peut-être? Oui. Une belle aventure? Non pas comme cela, tu enlève '' belle ''. Une aventure? C' est non mais oui. J' y vais pas mais j' y suis, j' y vais pas j' y suis encore, j' y suis trop bien je ne devrais pas. Quel balancement! C' est simple à imaginer, c' est assez typé mais le balancement ça fait le tempo, ça donne le rythme, ça met l' ambiance. C' est coquet, c' est cocasse, c' est coquin à l' envie - c' est classe ! - Un grand bravo l' artiste ! Je suis ton légionnaire ( d' admiration ) Yo !

Publié le 07 Octobre 2019

Bon , je ne serai pas de l'avis de mon prédécesseur. Mais la chimie absolue des corps existe et elle est rare ; elle se compte sur les doigts d'une main dans une vie pour les chanceux
Le talent de votre héroïne, c'est de ne pas l'avoir écartée, le vôtre c'est d'en faire un récit brûlant, parfait.

Publié le 07 Octobre 2019

Comme disait un certain Boris « Il n’y a pas de femmes frigides, il n’y a que des hommes maladroits! » Belle description de ces impostures qui sont malheureusement légion. C’est touché!

Publié le 07 Octobre 2019