Dans quelle mesure nos livres sont un miroir de ce que nous sommes ou de ce que nous voulons être ?L’esprit critique est non seulement légitime, mais aussi nécessaire ; il s’applique autant devant une télévision que devant un livre, et nous permet d’échapper aux manipulations, aux mensonges, à la mauvaise foi, et en général à toute pensée insouciante de la réalité. L’analyse nous protège, et révèle en même temps les enjeux et les intérêts que certaines personnes ont à nous conter des histoires. En littérature, que dit l’œuvre de son auteur ? De quoi faut-il se prémunir en tant que lecteur ? Quelle éthique se donner en tant qu’écrivain ?
Objectivité et subjectivité en littérature et en philosophie
Par-delà le bien et le mal (Jenseits von Gut und Böse) de Friedrich Nietzsche fut publié en 1886, et affirmait: « Je me suis rendu compte peu à peu de ce que fut jusqu’à présent toute grande philosophie : la confession de son auteur, une sorte de mémoires involontaires et insensibles ; » La philosophie, souvent associée à la Raison, la logique, l’objectivité, l’impersonnalité, se découvre une identité plutôt subjective, personnelle, individuelle, opinée.
Œuvre, vie de l’auteur, correspondances…tout est lié
On peut penser avec Nietzsche que l’œuvre est inséparable de la personne et de ses vécus ; que tout genre littéraire, qu’il s’agisse d’un essai, d’un article ou d’un roman, traite de désirs et de croyances. Un écrit ou un discours (ou même toute autre forme d’expression) peut dissimuler des intérêts, des rêveries, des fantasmes, des angoisses et des craintes, au sein d’une argumentation innocente en apparence. Il y a l’œuvre, la vie de l’auteur, ses correspondances, ses biographies, toutes liées les unes aux autres.
Ce que nous allons écrire renseigne sur ce que nous sommes
Prendre la plume nous confronte au phénomène décrit ci-dessus. Ce que nous allons dire renseigne sur ce que nous sommes. Les mots et les idées que nous employons renvoient à des psychologies, des familles, des environnements, des histoires. Montaigne (et bien d’autres) ne se dupe pas : « Je veux qu'on m'y voie en ma façon simple, naturelle et ordinaire, sans contention et artifice : car c'est moi que je peins. » (Les Essais, préface). On se peint soi, par attraction, rejet, ou neutralité à l’égard d’une idée, d’une cause, d’un personnage et de ce qu’il incarne. Ecrire, c’est en partie se rencontrer soi-même, et ici comme ailleurs, se livrer au lecteur, même sobrement.
Littérature et philosophie : Penser sa vie et vivre sa pensée
Il y a chez Montaigne une invitation à l’honnêteté, à une authenticité et une sorte d’uniformité entre la pensée et la vie de l’auteur, soit dire ce que l’on fait et faire ce que l’on dit. Cette vision unitaire n’est pas neuve mais semble pertinente du point de vue éthique, et concerne moins les genres littéraires fictionnels que les genres argumentatifs. Elle sert de lutte contre l’hypocrisie et la mauvaise foi, et nous incite à réfléchir sur notre existence.
Il manque à cette uniformité un désir de vertu, de sorte que l’on soit non seulement cohérent, mais aussi et surtout cohérent dans la vertu, et non dans l’exercice du vice (vice et vertu sont des notions subjectives bien entendu).
S’interroger sur ses actions, les remettre en question, en débattre avec soi-même : pratiquer des examens de conscience, voilà de quoi se rapprocher d’un certain degré de sagesse.
L’écriture, messagère de vertus, nous accompagne elle aussi sur ce chemin libérateur.
Kyril Dussauge
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Merci pour cet article !
Merci pour cette tribune très instructive !
Merci infiniment pour ces éléments fort intéressants !
@Marie Berchoud Et le 21 juin 2025, à part l'été et la fête de la musique, c'est quoi ?
@tous. Vive la fiction... surtout celle en date du 21 juin 2025 !
@bichetdenis
Pardonnez-moi, je suis curieuse : comment s'y prend-on pour grimper au lustre quand on est mort ? Pour le reste, je vois (et ça ne m'étonne guère, venant de vous) que vous reprenez à votre compte les inepties balourdes de l'ex soudard reconverti dans le noircissage de feuilles blanches. Un seul mot : bravo !
@Tomoe Gozen Il y a plus de grâce, de poésie et de sublime dans une poissonnière des halles qui danse "Le lac des cygnes" en tutu à dentelles, que dans un gugusse hargneux qui aligne péniblement des signes et s'invente des lectrices fantômes à force de mourir d'ennui devant sa prose mortelle à grimper au lustre...
@bichetdenis
Personnellement, j'adore votre fibre poétique. On dirait du Desbordes-Valmore revu et corrigé par une poissarde des halles.
@Sylvie de Tauriac Dans cette grande solitude où les auteurs moulinent dans l'indifférence générale comme des souris dans leur cage à écureuil, si ce n'est un rat vicieux, écumant de bave, de rage et de haine, qui mord à tout-va, avec une préférence pour les souris blanches sans défense, -le scélé-rat, qu'il m'approche, je l'at-omise (sod- n'est pas de mise)-, je suis venu vous dire que je partage entièrement votre point de vue.
Je n'aurais pas su dire mieux que vous : "Certains propos sont devenus des délits dans le but d'uniformiser la pensée et de gagner la guerre des idées".
Et je me permets d'ajouter cette autre censure, l'indifférence qui tue la littérature... Un peu comme la dictature c'est : "Ferme ta gu*ule !" et la démocratie : "Cause toujours..."
Votre article est fort intéressant et l'esprit critique est certainement nécessaire, mais je vous rappelle les propos pertinents de l'écrivain anglais, Jonathan Coe, lors d'une interview donnée sur la BBC. Il y a de la censure et un écrivain n'est pas entièrement libre d'écrire ce qu'il veut. Les lignes éditoriales des maisons d'édition excluent les auteurs dont les idées ne se conforment pas à la ''pensée unique'' (telle que l'a décrite le philosophe français, Alain de Benoît). Certains propos sont devenus des délits dans le but d'uniformiser la pensée et de gagner la guerre des idées. @Sylvie de Tauriac
Un écrivain honnête est un écrivain qui part de l’homme tel qu’il est, et non tel qu’il devrait être.
C’est un sujet intéressant qui donne à réfléchir. Je suis convaincue que chaque auteur à sa manière peut apporter à tout le monde de nombreuses visions nouvelles mais aussi en ayant conscience que chaque chose écrite reste.
Littérature et philosophie : tout ce que j'aime !
Le texte fait un classique contresens sur Nietzsche : la biographie en tant que telle ne l'intéressait pas.
Il voulait juste deviner les forces actives ou réactives derrière ce conglomérat qu'on appelle un individu.
Seconde erreur : il croyait dans l'éternel retour et refusait le libre arbitre : il refusait donc l'individualisme infantile !
Article discutable mais qui aborde des sujets passionnants
De quoi faut-il se prémunir en tant que lecteur ? La réponse est aisée : des mauvais livres.
PS : Je serais très curieuse de savoir ce que peut bien être une identité opinée. C'est vrai, quoi, merde, ça m'ennuierait gravement de mourir bête.