Interview
Le 01 mar 2022

"Les cahiers oubliés", sélection de mars du Prix Concours monBestSeller

"Les cahiers oubliés" est la Sélection de mars du Prix Concours monBestSeller. Entretien avec un auteur qui puise son inspiration dans la terre catalane, avec la rudesse de ses coutumes et sa douceur de vivre.
Les cahiers oubliés Sélection de mars du Prix Concours monBestSeller
Question: 

Thierry Ardisson a imaginé autant de styles d’interviews qu’il a eu d’émissions. Imaginons… l’interview « influences … » ?

Vous dîtes dans votre biographie que vous puisez votre inspiration dans la terre catalane où vous vivez depuis cinquante cinq ans, appréciant à la fois la rudesse de ses coutumes et sa douceur de vivre.

Et si vous aviez posé votre valise ailleurs, croyez-vous que vous auriez pu être pareillement influencé par la terre qui vous aurait accueilli ? Ou, seule cette terre là pouvait avoir ce pouvoir là sur vous ?

Réponse: 

Jean-Luc Christol. En France, bon nombre de camps ont été créés dans l’urgence au moment de la Rétirada. Ils ont permis de recevoir les 450 000 réfugiés arrivant d’Espagne. Les plus connus demeurent ceux des Pyrénées-Orientales, mais aussi ceux de Vernet sur Ariège, Septfonds, Rieucros, Gurs, Bram, Adge, etc… Dans notre département, les camps d’Argelès-sur-Mer, de Saint-Cyprien, du Barcarès, de Rivesaltes, notamment, ont laissé dans le sol des traces toujours visibles. Ces stigmates hantent encore aujourd’hui, les mémoires des personnes qui, comme moi, attachent de l’importance à cette période de l’histoire, à l'histoire de ces femmes, de ces hommes, de ces enfants blessés dans leur chair et dans leur âme. Mais les lecteurs doivent savoir que les conditions de vie que je décris dans mon roman restent certainement bien éloignées de ce que ces gens ont réellement vécu. Alors, non, pour ces raisons, je ne pense pas que j’aurais pu puiser cette inspiration en d’autres lieux.

 

Question: 

Vous témoignez sur un sujet qui a divisé la France et marque encore la mémoire. La preuve. Avec une fine justesse, vous donnez, à travers vos personnages, les deux points de vue, celui de la résistance et celui des sympathies à l’occupant. Que pensez-vous qu’a pu être la part d’influences dans le choix de chacun pour un camp ou l’autre ?

Réponse: 

Avant de répondre modestement à cette question épineuse, je souhaite rappeler que j’ai écrit ce roman afin de rendre un hommage appuyé à toutes ces femmes, à tous ces enfants qui ont souffert dans ces camps. Mais autant à la gloire de tous ces hommes espagnols qui, pour beaucoup, sont devenus les premiers résistants de France. Alors, pour ne pas dénaturer l’histoire avec un grand H, leur histoire, j’ai effectué de nombreuses recherches et tenté d’étayer mon récit de la façon la plus authentique possible. Celles-ci s’accordent à montrer que la milice, groupement ouvertement antifasciste, anticommuniste, antisémite et antirépublicain, a compté dans ses rangs, beaucoup de jeunes hommes qui espéraient, avant tout, échapper au STO (Service du Travail Obligatoire), mais aussi ceux qui se sont laissés influencés par faiblesse : par un père, une mère, un ami, un prêtre, un patron et même, pour les fonctionnaires, par un supérieur hiérarchique qui laissait miroiter un avancement. D’autres ont succombé par intérêt : attirance de l’uniforme, fierté de porter une arme à la ceinture, assurance de la solde et de la soupe, sans parler des petites combines que l’appartenance à cet organisme de police parallèle permettait de réaliser.

Pour ce qu’il s’agit des intégrations dans la résistance, il s’avère qu'un bon nombre de ceux qui ont consenti se trouvaient parmi ceux qui voulaient réparer l’humiliation de la défaite de la « Drôle de guerre », dans l’idée de se montrer à la hauteur de leur père qui avait combattu lors de la Grande Guerre, ou encore ceux pour qui le refus du régime de Vichy primait. Beaucoup se révélaient des idéalistes, souvent anticonformistes ou marginaux.

L’ensemble des ces influences restent obscures, très personnelles quelques furent les obédiences religieuses et politiques et, pour n’avoir pas vécu cette époque, je ne peux porter de jugement objectif sur les motivations de chacun.

 

Question: 

Depuis longtemps nous savons quel a pu être le choix juste et le mauvais choix de l’époque. Comment un auteur peut-il faire abstraction des influences qu’il a eues lui-même, qu’elles soient morales, politiques, ou encore historiques ?

Réponse: 

Je me devais de rester impartial. Il ne m’appartient pas, en tant qu’auteur, de porter un jugement sur les motivations des uns et des autres durant cette période trouble. Je me suis uniquement attaché à relater de façon romanesque des faits avérés.

 

Question: 

Il y a beaucoup de maîtrise dans la manière que vous avez de raconter, que ce soit dans la narration épistolaire à travers les carnets oubliés, ou dans les descriptions, les dialogues. Comment définiriez-vous l’influence que la terre catalane, avec la rudesse de ses coutumes et sa douceur de vivre, a sur votre style d’écriture ?

Réponse: 

Ce département des Pyrénées-Orientales offre tellement de diversités géographiques — des plages de sable fin, des vallées luxuriantes, des montagnes aux neiges « presque » éternelles. Mais son histoire, son identité, calquées sur celles de la catalogne sud, confirme sa volonté d’indépendance raisonnée tout en acceptant, aujourd'hui, la mixité de ses résidents.

J’ai choisi ce découpage en concevant les attentes d’un spectateur qui se rend au cinéma pour visionner un bon film.

 

Question: 

Comment avez-vous choisi de témoigner sur cette période de l’histoire ? Et comment avez-vous choisi ce scénario des carnets oubliés qui permet ce découpage entre le passé et aujourd’hui qui rend votre roman tout à fait vif ?

Réponse: 

Avant de répondre à cette question, je vous informe qu'après mes deux premiers romans « Au bout de la nuit », « Les Cahiers oubliés », j’écris actuellement mon troisième roman et que l’action se déroule également à la même époque, celle de la guerre 1939/1945.

Je suis né après ce conflit, mais j’ai grandi dans les brumes de celle-ci. Mes parents nous parlaient souvent de « leur » guerre. Celle de mon père qui, pour échapper au STO, s’était engagé dans la marine française et dont le bateau fut coulé en 1941 au large de Casablanca sous le feu des forces navales américaines (ceux qui souhaitent connaître les raisons de ce fait d’armes découvriront sur Internet toutes les explications). Le destin incroyable de mon grand-père, gueule cassée durant la guerre 14/18 qui trouva la mort au Maroc en 1943, écrasé par un camion de l’armée américaine. Dès lors, comment ne pas se retrouver influencé, bercé par ces récits maintes fois relatés, détaillés ?

J’ai choisi ce découpage en concevant les attentes d’un spectateur qui se rend au cinéma pour visionner un bon film. J’imagine qu’il souhaite un solide scénario qui s’accompagne d’un jeu d’acteurs, d’expressions, de dialogues léchés, d’images inoubliables, mais surtout d’une histoire qui le tienne en haleine du début à la fin. Si cela était possible, je joindrais à mon texte une musique appropriée qui lui donnerait, je pense, encore plus d’intensité (rires).

Trois auteurs m'ont principalement influencé, Marcel Pagnol, Bernard Clavel et Christian Signol.

 

Question: 

On parlait d’influences géographiques, régionales… quelles sont les influences littéraires qui vous ont marquées, quels sont les auteurs dont vous vous dites qu’ils ont influencé votre manière d’écrire ?

Réponse: 

Trois auteurs m'ont principalement influencé. Tout d'abord, Marcel Pagnol avec ses romans « Jean de Florette et Manon des sources ». Bernard Clavel avec les 4 tomes de « La maison des autres », mais aussi « l'Espagnol », notamment interprété au cinéma par Jean-Claude Rolland (acteur né à Perpignan le 31 août 1931), et enfin, Christian Signol avec l'ensemble de ses romans.

La simplicité pour déposer son manuscrit, la possibilité de lire des auteurs différents et de leur faire part de ses observations, de les féliciter, restent autant de raisons qui m’ont poussé à m’intéresser et à faire confiance à mBS.

 

Question: 

Vous êtes arrivé il y a peu sur monBestSeller. Quelle a été « l’influence » qui vous y a conduit ? Comment qualifieriez-vous l’accueil que vous avez eu ?

Réponse: 

Je ne suis pas nouveau sur « monBestSeller ». En effet, j’ai publié sur ce site en 2019 mon premier roman « La fugue désenchantée », que j’ai renommé en 2021, « Au bout de la nuit » et que l’on peut trouver sur les plates-formes de la Fnac et d’Amazon. La simplicité pour déposer son manuscrit, la possibilité de lire des auteurs différents et de leur faire part de ses observations, de les féliciter, restent autant de raisons qui m’ont poussé à m’intéresser et à faire confiance à ce site.

 

Question: 

Vous n’avez pas encore commenté d’autres livres alors que vous–même êtes venu pour en recevoir. Manque de temps ?

Réponse: 

Je ne vais pas me cacher derrière cet argument et il est vrai que je ne m'y suis pas encore attelé. Pourtant je reconnais l'importance des commentaires de ses pairs, surtout lorsqu'ils sont bons. À mon corps défendant, je dois avouer que j'aime lire le soir, bien calé dans mon lit. Alors, à ce moment-là, rallumer mon ordinateur deviendrait plutôt une contrainte qu'un plaisir. Aussi, je me demande, à moins que cela ne soit déjà possible, si il serait envisageable de retrouver les romans parus sur « monBestSeller », sur des liseuses ?

 

Question: 

Il y a un débat qui anime monBestSeller depuis quelques semaines sur la notion de site démocratique / littéraire / pour tous, vs séparer le grain de l’ivraie / ne pas devoir être Fédérer pour aimer jouer au tennis devant un public. En étant sélection de mars pour le Prix Concours, en ayant donc un livre qui va être présenté aux éditeurs du jury 2022, vous rentrez sur le court central, à quoi pensez-vous ?

Réponse: 

J’ai pratiqué le tennis et la compétition (à un petit niveau). Je connais bien la sensation de se retrouver devant à un adversaire, mais surtout face à soi-même. L’on doit alors puiser dans nos forces mentales, dans notre agressivité tout en restant « fair play ». Mais étant donné que nous ne maîtrisons pas les valeurs de notre rival, nous devons faire, pour ne pas tomber de trop haut, abstraction de toute condescendance. Pour toutes ces raisons, je me dis que je suis déjà très satisfait d’avoir été retenu pour ce concours et que le premier prix reviendra au meilleur, et que je respecterais, avec philosophie, la décision du jury.

 

Question: 

Le mCL de monBestSeller sélectionne un livre chaque mois qui est ainsi nominé au Prix Concours de l’Auteur Indépendant que nous organisons chaque année. Depuis sa création, 25 auteurs ont ainsi été repérés par les éditeurs membres du jury et édités. Si vous deviez défendre votre livre devant un jury d’éditeurs, que leur diriez-vous en quelques lignes ?

Réponse: 

Je leur dirai que j’ai bien compris les difficultés auxquelles ils se heurtent, au moment de choisir dans l’avalanche des textes proposés, tel ou tel roman et prendre le risque de l’éditer. Je leur dirai que je reste conscient de l’investissement financier, intellectuel, chronologique que peuvent représenter la parution et l’accompagnement d’un roman. Je leur dirai que j’ai bien saisi que les exigences des lecteurs ne demeurent pas moindres sous prétexte qu’ils achètent un livre autoédité. Mais je leur dirai aussi qu’ils doivent redoubler de confiance en allant les chercher de nouveaux auteurs au cœur d’une communauté grandissante. Je leur dirai enfin qu’ils devraient, peut-être, revoir leurs critères de sélection, modifier leurs algorithmes afin de découvrir, plus aisément, les bons écrivains, ceux d’aujourd’hui, mais également ceux de demain !

 

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