Lorsqu’il ouvrit les yeux, la nuit était épaisse et le ciel se lézardait sur l’horizon. La bourrasque paraissait apaisée, l’orage l’avait remplacée et une pluie froide lui fouettait le visage. Il toussa, cracha de l’eau et s’appuya sur les coudes pour regarder autour de lui. Il vit un homme assis non loin.
Il affichait de l’indifférence, dessinant des motifs sur le sable. L’averse ne semblait pas l’atteindre. Ses souvenirs refaisaient surface et l’inquiétude le gagnait à nouveau. Plaçant la main sur le côté de sa tête pour couper le vent, il s’adressa à ce curieux promeneur.
— Bonjour ! Vous êtes là depuis longtemps ?
– Assez, oui. D’ailleurs, je commençais à m’ennuyer. Vous en avez mis près d’une heure à reprendre connaissance. J’ai cru être arrivé trop tard.
— Trop tard ?
— Pour vous récupérer avant que vous vous noyiez.
— Mais… normalement… les rochers ?
— Oui ! Mais la prochaine fois que vous désirerez vous suicider, choisissez un autre moment qu’une nuit de tempête. Vous avez atteint les récifs en même temps qu’une grosse vague. Les flots ont amorti votre chute. Néanmoins, le courant vous entrainait vers le large, mon intervention devenait nécessaire.
— Vous prétendez m’avoir repêché. Vous n’êtes pas mouillé.
— Perspicace, pour un homme qui vient de réaliser une telle dégringolade. Effectivement, les éléments ne produisent guère d’effet sur moi.
Julien revit les scènes de cette épouvantable soirée qui l’avait mené jusqu’à cette falaise. Il laissa s’exprimer son bon sens, et en déduit qu’il devait être dans le coma. Ce n’était qu’un mauvais rêve.
Il profita du fait que des éclairs illuminaient l’horizon pour dévisager cette étrange personne : son regard semblait lire ses pensées.
— Vous baratinez ! L’océan m’a rejeté et vous vous promeniez dans le coin. Vous êtes vêtu comme si vous sortiez d’un concert.
— Bien ! Nous n’allons pas jouer aux devinettes toute la nuit. Je vais vous dire la vérité. Vous n’allez pas la croire : je suis Lucas, votre ange gardien.
Julien voulut rire, seul un gargouillement salé jaillit de sa bouche.
— Effectivement, je ne risque pas d’avaler votre fable. Vous m’auriez annoncé ma mort et que vous assuriez mon passage que je l’aurai gobé plus volontiers.
— C’est un peu ça, mais ce n’était apparemment pas votre heure.
— Et qu’est-ce qui vous fait dire ça ?
— Simplement qu’avant de vous jeter de la falaise, vous élaboriez des plans. Je suis là pour vous offrir d’achever ces démarches au lieu de périr insatisfait.
À partir de cet instant, Julien s’efforça de ne pas paniquer. Ce Lucas connaissait les causes de sa tentative de suicide, mais également les idées honteuses qui lui avaient traversé l’esprit.
— Que proposez-vous ?
— Moi ? Rien que je n’ai déjà évoqué. Je suis votre protecteur, pas votre conscience. Décidez-vous, sinon je repartirais en vous confiant à l’océan.
— Non, non. C’est entendu.
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« La séance est ouverte, veuillez-vous assoir ».
Les jurés avaient rejoint leurs places, le verdict tomba :
— Monsieur, pour avoir sauvagement assassiné votre femme et son collègue, vous aurez la tête tranchée. Avez-vous quelque chose à ajouter ?
— J’aimerais dire simplement que je ne pouvais pas deviner qu’ils se retrouvaient pour préparer l’anniversaire de mes cinquante ans. Je suis désolé.
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Au matin de son exécution, un prêtre lui proposa ses services.
— Non merci, mon père, j’ai déjà eu un aperçu de l’au-delà, je n’ai pas peur. De plus, je vois mal comment mes actes pourraient être pardonnés.
En avançant vers l’échafaud, il redressa la tête et regarda le religieux.
— Lucas… mais… que faites-vous ici ? Sortez-moi de cette abomination.
— Vous avez fait un pacte avec moi, vous devez l’assumer à présent. Ça marche ainsi.
— J’ai compris. Vous m’avez dupé, vous n’êtes pas un ange, vous êtes Satan.
— Eh oui ! Ma spécialité est de mentir et de jouer sur plusieurs tableaux pour arriver à mes fins. Vous êtes tombé dans le panneau. Votre désespoir vous a fait oublier la prudence. Les dictons ont souvent du bon sens :
« Le diable se cache dans les détails ».
Vous avez écrit un livre : un roman, un essai, des poèmes… Il traine dans un tiroir.
Publiez-le sans frais, partagez-le, faites le lire et profitez des avis et des commentaires de lecteurs objectifs…
@Ericvaast
J'adore... :D. Le Diable... Je me demande ce qui serait le plus terrifiant... Cet ennemi public numéro 1 millénaire serait-il une authentique créature démoniale? L'incarnation du mensonge et de la perfidie sur terre? Se délectant sans vergogne de supplicier nos âmes en nous piégeant par toutes ses ruses et apparences fallacieuses? Par cette vengeance sempiternelle infernale d'avoir été excommunié du Paradis? Ou bien incarnerait-il le plus grand des bouc émissaire? Par notre mental obscur le plus impitoyable livré à lui-même depuis des siècles par notre incompréhension des lois immuables de l'esprit et de l'univers, et conséquemment serait sans la moindre influence corruptrice spirituelle depuis le commencement des temps, à l'origine du chaos sur notre belle planète... Biblique ou allégorique, ce fameux Diable se cache inévitablement dans les détails, et nous amène à nous plonger dans les tréfonds de notre conscience pour y découvrir la vérité que nous possédons déjà j'en suis certain... Good job Eric! J'ai trouvé ça remarquable:).