Si passé la soixantaine, tu te réveilles sans aucune douleur dans ton corps, c’est certainement que tu es mort, dit-on.
J’ai envie de rebondir : si passé la cinquantaine, tu crois encore vivre dans le monde qui t’a vu naître et grandir, c’est que tu te fais de graves illusions.
J’ai maintenant l’âge d’avoir des réveils gênés, voire douloureux. Le monde qui m’a vu naître était laborieux, assez rigide, borné de repères, inquiétant (guerres encore fraîches, Guerre Froide, Bombe ! déchirements sociaux, précarité de-ci, de-là, ceinture serrée, and so on), mais optimiste et déterminé.
Quand je suis arrivée à hauteur du grand CCP (Carrefour du Choix Professionnel) -début 80-, on m’a appris à tracer une ligne droite. Au bout de la ligne, auréolé de lumière : mon objectif. Entre moi et lui, des stratégies, des ressources, des objectifs intermédiaires, programmation, planification. Tout pour l’action !
Ça, c’était avant.
Dans le monde actuel, il en va autrement. La génération montante n’a plus les mêmes représentations, ni les mêmes croyances, valeurs, ressources ; et l’avenir, revêt une tout autre apparence : flou, changeant, jetable, hypothétique, vision à court terme, mondialisation, numérique, instabilité, qui-vive, genre, pas genre, autre genre.
Ce n’est plus l’âge de l’action mais de l’exploration ! Je ne pense pas que soit injure de dire que la jeunesse se cherche un peu partout : en différents endroits de la planète, dans la connaissance de soi, le développement personnel, etc. Le temps où prévalait le schéma observation => décision => action // objectifs-ressources semble un tantinet obsolète. De nos jours, c’est plutôt la méthode essais-erreurs qui prévaut.
On avance par petits bonds successifs, le suivant ajusté au précédent en fonction d’une validation partielle et temporelle : on avance en explorant, on essaie, on tente et si ça ne fonctionne pas, on recommence autrement.
Moi qui viens du monde de l’action, je me demande s’il ne serait pas bon que je m’invente un nouveau modèle de fonctionnement pour terminer mon petit stage ici-bas.
J’ai déjà trouvé son intitulé : l’exploraction. Reste plus qu’à inventer le modèle.
M.V.
Vous avez écrit un livre : un roman, un essai, des poèmes… Il traine dans un tiroir.
Publiez-le sans frais, partagez-le, faites le lire et profitez des avis et des commentaires de lecteurs objectifs…
Lorsque l’on sait qu’au XIIe siècle, Averroès prônait déjà la nécessité de ne pas cantonner les femmes aux rôles de la procréation, de l'allaitement et de l'éducation. Qu’il soutenait qu’elles devaient pouvoir travailler à l'instar des hommes, faisant ainsi écho à des textes encore plus anciens, ceux de Platon, sur la capacité des femmes à gouverner et à exercer les tâches habituelles des hommes, n’est-on pas tenté de dire que rien ne change vraiment ? Que nos contemporains n’ont rien inventé des difficultés des rapports humains ? De celles des hommes à renoncer à des privilèges dans un souci d’équité ?
Le siècle des lumières a introduit la notion d’individualisme. Ça ne date pas d’hier. De tout temps il y a eu des personnes plus déterminées qui savaient tracer leur destin tandis qu’une grande majorité subissait le sien, effectuant une vie durant des bons successifs, comme vous l’écrivez. De tout temps il y a eu des décideurs et des suiveurs, et il est rassurant de constater que ce ne sont pas eux qui ont marqué les esprits au travers des siècles, mais ceux qui ont su se comporter en passeurs humanistes.
« Dans le développement de l'humanité, comme dans celui de l'individu, c'est l'amour qui s'est révélé le principal, sinon le seul facteur de civilisation, en déterminant le passage de l'égoïsme à l'altruisme » a écrit Sigmund Freud. Le cœur de l’illusion se situe là. C’est la multiplication des manifestations de l’individualisme permises par la toile qui donne l’impression d’une évolution des mentalités qui n’existe que dans la façon dont l’interprètent nos esprits. Il est pourtant aisé d’imaginer quel spectacle auraient offert nos aïeux s’il avaient eu les mêmes moyens de communication. « Blanc bonnet, blanc bonnet » au rendez-vous, c’est pratiquement sûr ;-).
La masse des autoédités n’échappe pas à ces mécanismes. Elle est même un échantillon très représentatif, tant l’individualisme y règne en maître, tant chacun tend vers une vision limitée à son giron, ses préférences, ses avis ; tant l’inconstance, l’incohérence des idées, du propos suivent un positionnement dépendant directement et uniquement de l’intérêt personnel du moment.
Mais je connais des personnes qui me réconcilient avec l’humanité. Parmi elles, des autoédités, bien sûr ; beaucoup de jeunes aussi. Même si elles sont plus discrètes et moins nombreuses que la masse qui fait des feux-de-paille sur le net et dans les médias, je suis rassurée à l’idée que ce sont elles qui marqueront notre époque et décideront de l’orientation de notre monde, au final… N’en a-t-il pas toujours été ainsi ?
À tous, bonne journée !
Michèle-Zoé
Voui. C'est plus le fossé intergénérationnel, c'est la Fosse des Mariannes ! C'est dur pour les vioques qui ne veulent pas finir v*** c***. Oh ! pas aux yeux des autres, parce que là, on sait qu'on est frits comme des ablettes, mais pour soi, *in petto*, comme on disait autrefois dans les pages roses du Larousse. Ce qui me lacère le plus le cortex préfrontal, c'est le grand écart entre le discours et les actes, en tout cas, ce que mon vieux disque dur analyse comme tel. Paraîtrait que j'hallucine, que ce sont des artefacts générés automatiquement par mon système d'exploitation obsolète. Votre exploraction, je la trouve sympa. Quand vous aurez accouché de la formule, n'hésitez pas à m'en faire part. En fait, grouillez-vous... ça urge !
NB : Vraiment désolée pour ceux qui ne parlent pas italien, mais cette scène fameuse du film de Nanni Moretti résume avec humour votre billet dans l'air du temps @MV : "faccio cose, vedo gente" https://www.youtube.com/watch?v=vAOsC8zL95E.
D'ailleurs, la réplique de la jeune fille "je fais des choses, je vois des gens" est devenue une citation en Italie.
Une analyse pertinente, @M.V.
Oui, la société a évolué. Oui, notre génération avait ses codes, sa stratégie, ses valeurs... et tout a changé. Le besoin devient immédiat, l'horloge semble avancer plus rapidement, les jeunes veulent tout, tout de suite.
Oui, j'ai passé la cinquantaine, et je sais que je ne vis plus dans le monde qui m’a vu naître et grandir.
La jeune génération déjà, a fortiori celle qui approche l'âge adulte, ne reconnaît plus ce qui avait été nos codes, nos valeurs. Elle se cherche, nous accusera certainement de la situation qu'on lui laisse en héritage. D'autres valeurs émergent qui deviennent des exigences. De mauvaises décisions ont été prises, le sont encore, qui seront bien pires par leurs conséquences dans les décennies à venir.
Avec mon regard lucide que l'expérience me permet de porter, je confirme que le schéma "observation => décision => action // objectifs-ressources" a été remplacé par "la méthode essais-erreurs" qui est de mon point de vue celle d'apprentis sorciers... celle que vous nommez : l'exploration. Les conséquences sont déjà dramatiques. Nous en avons, hélas, un aperçu avec les crises sanitaire, économique, énergétique, environnementale... et la décrépitude de toutes les Institutions régaliennes qui ne sont plus en mesure de répondre aux besoins, de remplir tout simplement leurs missions.
Merci pour ce partage. La réflexion est ouverte. La vraie question serait : quand serons-nous dans le mur ? Qui pourrait arrêter cette spirale destructrice ? Cette course folle qui manque de réflexion ?
MC
Il y a quelques temps aussi, le monde de l'édition donnait à peu près sa chance à tous, et n'était pas aussi standardisé que maintenant.
Aujourd'hui, si on n'est pas issu d'une grande famille, d'une grande richesse, si on n'a pas su se créer un "réseau", si on n'a pas léché assez de bottes dans le milieu, on a peu de chance d'être réellement édité (à moins que le livre soit réellement une pépite au potentiel de rendre son éditeur millionnaire, de pouvoir en faire des films et des produits dérivés).
Un jour j'ai vu un jeune homme vendre son livre sur un marché. J'ai admiré son courage et sa détermination. A l'époque et même à l'heure actuelle, je ne m'en sentirais pas capable.
Les jeunes générations se cherchent et ont du mal à se trouver, dans un monde où tout est et doit être monnayable.
Alors que, justement, tout ce qui apporte de la vraie richesse à l'être humain n'est pas monnayable : le bien-être individuel ou collectif, l'art, la spiritualité.
Il faut chercher une voie médiane en effet ;-)
J'aime bien ce mot "exploraction"
Merci pour cet article.