Interview
Le 30 sep 2023

Le point : comment s'en dépêtrer

La ponctuation lui doit son nom. C'est bien la preuve que le point n'est pas affaire de jean-foutre ; ce n'est pas un petit garçon ; ce n'est pas non plus un godelureau de la dernière averse qu'on peut traiter avec dédain. Non, non, le point est vénérable, il remonte aux temps les plus anciens, il date même de la Grèce antique, autant dire qu'il ne nous a pas attendus pour batifoler.
série ponctuation sur mBS : Le point : comment s'en dépêtrerGuide, manuel, précis, vade-mecum… ? On ne sait plus quel but ébaudissant poursuit Émilie B. Ne serait-elle pas tout simplement en train de constituer pour monBestSeller.com la plus inouïe des encyclopédies de la ponctuation ?

On raconte, en effet (et c'est très plausible), que ce seraient trois zigotos de l'époque (*), responsables successifs de la Bibliothèque d'Alexandrie, qui auraient inventé, sans doute parce que leurs occupations leur laissaient trop de loisirs, le point d'en haut, le point médian et le point d'en bas, chacun d'entre eux marquant une pause plus ou moins longue dans le texte. Le progrès ne cessant de faire rage, et l'homme montrant toujours un pur et joli génie à se compliquer l'existence (**), on a depuis perfectionné tout ça dans le courant des âges, pour aboutir à la ponctuation telle qu'on la connaît aujourd'hui, ou plus exactement telle qu'on devrait la connaître – ce qui, si j'en juge à ce qui se pratique sur le site, n'est pas gagné – poil au nez ! – d'avance – poil à la panse !

 

(*) Qu'importent leurs noms ; tout le monde s'en fout. Pour briller en société, mieux vaut savoir marcher sur la tête, chanter la Madelon en bas-saxon (ça fait toujours son petit effet), prétendre et démontrer que la théorie du genre n'est qu'une variation licen-cieuse de celle des cordes ou s'envoyer la maîtresse de maison entre la poire et le fromage.

(**) C'est d’abord à cela que la zoologie distingue l'être hu-main de la tortue (skilpadde en norvégien et breshkë en albanais), de l'escargot de Bourgogne, du rhinolophe, de la chèvre des Car-pates, de la tondeuse à gazon et de Christophe Lucius.

 

Le pédagogisme n'est pas la panacée

De tous les signes de ponctuation, le point est sans doute celui qui se révèle le plus aisé à manipuler. Ceci expliquant cela, c'est peut-être la raison pour laquelle, sauf chez les handicapés dysponctuationnels sévères, les auteurs en remplissent leurs livres (*) ; c'est certainement pour la même raison qu'on en trouve jusque dans les instructions de montage des meubles Ikea et sur les listes de courses (en tout cas, sur celles de Marianne, la jolie maman de Maxine (**), qui est une femme d'ordre et à qui on ne fait pas prendre les messies pour des feux arrière).

 Mais – parce qu'il y a toujours un mais et qu'il serait dommage de l'occulter (que deviendrait la littérature ?) – ; mais il existe, dans l'emploi du point, et surtout à l’oral, une difficulté qu'on aurait grand tort d'ignorer. Je m'explique. Et, pour ce faire, je me per-mets une anecdote que je crois révélatrice. Figurez-vous que, pas plus tard qu'il y a quinze ans, j'aidais mon jeune neveu Théophraste, alors élève de primaire, à préparer une dictée. (C'était une époque où le pédagogisme faisait rage et où des cervelles dûment diplômées avaient conçu l'idée que la meilleure manière de remonter le niveau des élèves en dictée était de leur délivrer celle-ci à l'avance, afin qu'ils puissent l'étudier sous tous les angles, l'apprendre par cœur au besoin, un peu comme on fait pour une prière qu'on est ensuite capable d’ânonner sans même savoir ce qu'on raconte. Brèfle, c'était magnifique.)

 

(*) En particulier les auteurs qui n'usent jamais que de phra-ses de trois ou quatre mots, ce qui donne l'impression qu'ils écrivent, par courtes rafales, avec une kalachnikov – le problème pour le lecteur étant de se garer des balles perdues.

(**) Rappelons que Maxine est la donzelle blonde et limpide comme une Augustiner Edelestoff (encore qu'elle n'ait aucune attache au-delà du Rhin), dans les bras de laquelle l'amour m'a laissée plus fondante qu'un esquimau à la cyprine abandonné sous un soleil sentimentalo-tropical

Une grave erreur qu'il serait habile d'éviter

Mais qu'est-ce que je disais ? Ah, oui. Je dictais donc le texte à Théophraste (5) : Et Pierre, virgule, qui était un garçon raisonnable, virgule, jura qu'il ne le ferait point, point. Il y eut alors un instant de silence, puis Théophraste, un chouia goguenard, demanda : T'es sûre de sûre qu'il faut deux points, maintenant, pour terminer une phrase ? Car c'est là où je voulais en venir, et il serait bien, je pense, que vous tous, auteurs souvent égarés dans le maquis de la ponctuation, vous preniez bonne note de la chose : il ne faut pas confondre, sous aucun prétexte, point (nom commun) avec point (adverbe de négation, synonyme de pas) (6).

 

(*) En réalité, mon jeune neveu ne s'appelait pas et ne s'appelle toujours pas comme ça, mais je lui ai promis de ne pas révéler qu'il se prénomme Nicolas comme vous et moi ; il tient à son anonymat et, quand je fais une promesse, je ne suis pas femme à ne pas l'honorer, croyez-moi.

(**) Point, nom commun, ex. : Faisons le point, dit la Marquise ; vous m'avez baisé cul et vagin. Seriez-vous à présent tenté par mon oreille ? Point, adverbe de négation, ex. : Non, non, cher Alexandre, n'insistez pas, je ne vous ébourifferai point le poireau ! Voit-on bien la différence ?

 

Particularité étonnante du point final

Une dernière chose avant de prendre congé (car il me reste encore ma stridulante amie Maxine à aimer –  et, si je ne le fais pas moi-même, ce n'est pas vous, n'est-ce pas ? qui allez me remplacer) : le point final, lequel possède un statut bien particulier. En effet, comme son nom l'indique (ce qui est pratique), le point final intervient à la fin d'un texte, auquel il met, juste-ment, un point final. Est-ce clair ? Dans le cas d'un livre (*), ce point final signifie donc à l'auteur qu'il est parvenu à l'instant où il peut retourner battre son épouse sans manquer à la littérature et au lecteur qu'il est arrivé au moment où il peut oublier tout ce qu'il vient de lire. Dès lors – et que les auteurs de la plate-forme s'imprègnent bien de la chose – il n'est pas du tout convenable d'ajouter quoi que ce soit après lui.

Et c'est pourquoi je le mets ici (car je n'ai pas non plus que ça à faire).

 

(*) Car des témoins crédibles rapportent qu'il leur est arrivé d'en trouver en d'autres lieux : un lettre du Pape Marius XIII à sa femme, une publicité vantant le cercueil en balsa (qui facilite la tâche des porteurs), l'horaire des trains Buda/Pest (ça se passait en Hongrie), que sais-je encore, une convocation au tribunal pour y répondre du délit de blasphème (lequel n'existe pas, ce qui rend l'affaire encore plus considérable), un poulet adressé à une certaine Juliette (c'est un certain Roméo qui s'inquiétait des menstrues de sa belle) ou la lettre de réclamation d'un monsieur Pattefol qui s'était vu livrer un pilon en polystyrène plutôt qu'en carbure de tungstène (il n'était pas content). 

 

Émilie Bruck, née Brack

(manucure polyvalente)

 

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Incrémentation de notre monBookTime...

Publié le 09 Octobre 2023

@émile bruck
Serait-ce parce que l'alambic permet d'extraire la fragrance des points ordinaires ?

Publié le 05 Octobre 2023

@émilie bruck
Pourquoi insistez vous tant sur ce point ?!

Publié le 05 Octobre 2023

Votre réponse arrive à point nommé. Dieu et le diable se cachent, oui, dans les détails. Ce dernier aime cependant nous voir passer tout notre temps, en ces temps troublés, à filtrer le moustique tout en avalant le chameau (toute référence à un quelconque prophète est évidemment purement fortuite). Sinon, même si votre concept typographique comme votre proposition de recette me semblent très au point, je me vois néanmoins contraint de décliner votre dernière proposition. Ne me demandez pas pourquoi...

Publié le 02 Octobre 2023

@ émilie bruck
Si vous me permettez, et pour être très sincère, je me contrefous de l'intérêt ainsi porté à d'aussi plates considérations que celles afférentes à la virgule, au point virgule ou au point, en matière de littérature française ou autre. Ce n'est vraiment pas ma tasse de thé, que je prends d'ailleurs toujours avec un nuage de lait, s'il vous plaît ; merci. Posez-là ici s'il vous plaît. Voilà, donc, dans ma superbe, je disais quoi ? Oui ! Que je respecte, comme vous pouvez l'observer (allez-y observez... voilà... c'est bon ?) la ponctuation, ce, par simple égard pour la société à laquelle je m'adresse, mais je ne m'y attarderai pas plus d'une milliseconde sous cet angle ; en aucune façon. Le faire, serait un peu comme, même si ce n'est que mon immodeste point de vue (!), non seulement respecter les feux rouges, mais en plus descendre de sa voiture pour les admirer en pleine heure de point(e) (?!) Pas sûr qu'il n'y ait pas action plus sensée. Ceci dit, j'aime bien votre chronique devenue chronique elle aussi d'ailleurs. Vous savez que j'aime votre style donc bon, mais je n'irais quand même pas non plus jusqu'à vous encenser ! Un peu de tenue ! Non. L'objet de ce commentaire est d'attirer plutôt votre attention sur un point, plus exactement sur LE point, car il s'avère qu'en symbolisme, il est excessivement important. Sauriez-vous pourquoi ? Parce qu'il représente dans la conception, disons, ésotérique (je parle ici de la vision non chrétienne de la divinité et du monde) la fusion de tous les contraires, contraires que représente usuellement le cercle. Un simple cercle avec un point en son centre était ainsi le signe par excellence de la grande divinité immanente, de la divinité suprême d'un panthéon, en symbole du fait qu'elle était, de manière innée, le centre, la fusion de tous les contraires. Si on veut vraiment faire le point (!), il est aussi l'emblème de la divinité suprême, de manière différente, en ce sens qu'il représente ce vers qui tout revient et dont tout procède. Un simple point était ainsi le symbole du grand Tout. Après, sans parler nécessairement de conception religieuse, et même si tout ce que nous savons n'est pas forcément encore très au point (!), il est admis que l'univers a été à son commencement aussi petit que le point au bout de cette phrase, avant d'ensuite connaître son extraordinaire inflation, pour finir par être ce qu'il est aujourd'hui. Un peu comme nous lorsque nous étions contenus à notre conception dans un point dans la matrice de notre mère. C'est hallucinant, quand on y pense, à ce que peut alors dire et contenir un seul point, non ? Voilà, je souhaitais juste mettre un point d'honneur (!) à illuminer votre chronique chronique de mes illustres réflexions métaphysiques (dont, je le sais, vous ne pouvez pas vous passer, que vous réclamez à corps et à cris), celles-là même où m'emportent bien plus aisément la rêverie sur ce point : .
Un point, c'est Tout !

Publié le 01 Octobre 2023

Un intérêt sur un point. j'aime moi aussi striduler point d'exclamation.

Publié le 01 Octobre 2023

Tant que ce n'est pas là le point final de vos chroniques...

Publié le 30 Septembre 2023

Que du plaisir ! Point d'exclamation à suivre ?

Publié le 30 Septembre 2023