Bonjour Éric,
J'ai pu lire votre livre (au calme ;)) aussi je vous fais un retour le plus objectif possible, sur la forme et le fond.
D'une manière générale, mes plus vives félicitations. Votre livre me fait penser à mes plus jeunes années, fan que j'étais de la SF d'Asimov et de Herbert que je dévorais. L'univers, la trame de l'histoire, les personnages, les dialogues, je trouve que l'ensemble est très bien conçu, avec plusieurs histoires dans l'histoire qui se recoupent harmonieusement, avec un message sous-jacent profond tout en restant visuel comme un film, ce qui est une gageure.
À mon sens, votre livre est, dans cette trame dystopique, encore meilleur que 2048, pourtant premier, car il démontre avec plus de brio où nous mène une science aveugle sans conscience. Du point de vue de l'écriture, il est, je trouve, par exemple mieux écrit que les miens, pourtant au-dessus en termes de classement. Je n'ai pas lu tous les autres, aussi je ne puis me prononcer sur eux, qu'ils ne m'en veuillent pas en disant cela. Je ne suis pas d'accord avec Philippe. Les échanges entre les protagonistes sont certes profonds, mais vous parvenez à casser le caractère lourd que tout type d'enseignement induit dans un roman par des ruptures de ton humoristiques bienvenues. De plus, c'est un raccourci de penser que la culture est dévolue au costume trois-pièces à col blanc. Si l'on interrogeait nombre de SDF, nous serions surpris de leur niveau de culture. Ce sont assez souvent des personnes cultivées, mais plus sensibles et donc fragiles, qui rejettent ce monde pour ce qu'il est. Aussi, nous vivons dans un siècle où jamais l'information n'a autant circulé. Il est alors parfaitement normal que le débat puisse être élevé au sein de cercles de personnes qui finissent par être en rupture de ban de la société. Enfin, à mon sens, le but d'un livre ne doit pas être de niveler par le bas, mais d'apprendre quelque chose, idéalement, tout en divertissant.
C'est probablement la raison pour laquelle vous ne serez jamais édité (tout comme moi d'ailleurs), car les éditeurs sont devenus avant tout des vendeurs et ils recherchent des romans courts, vulgarisés, très accessibles à toutes et à tous, s'adressant au grand public, où il ne faut pas trop réfléchir, mais surtout divertir. Mais bon, il faut savoir ce que l'on veut, dire quelque chose de consistant ou édulcorer son message pour le rendre plus grand public et plus vendeur. Vous avez fait le premier choix et à mon sens vous ne devriez pas vous renier et continuer sur cette voie.
Pour ce qui est du fond, je dirais qu'il m'inspire immédiatement 3 choses :
En premier, les différentes notions que vous évoquez et qui, toutes, convergent vers une origine commune, cette religion universelle que vous évoquez (que j’appelle la religion ésotérique de Titan), sont des notions essentielles que tout un chacun devrait connaître pour pouvoir faire un choix éclairé.
En deuxième, cela m'inspire une profonde tristesse. Votre livre me fait toucher du doigt du cœur la détresse dans laquelle est au fond plongée l'humanité, par exemple au moment de la mort de Joana ou à la maladie de Keira, de ne pas avoir la bonne réponse à ses questions, savoir pourquoi la souffrance, la mort et jusqu'à quand. Et quel réel espoir y a-t-il derrière lorsque l'on perd un être aimé ; la vraie tristesse n'étant assurément pas celle de notre propre finitude, mais celle bien plus dure à supporter de voir partir les êtres que nous aimons.
Troisièmement, je pense qu’il manque à votre réflexion des éclairages pour prendre aussi en compte le "deuxième son de cloche" complet de la deuxième chapelle, celle du judéo-christianisme primitif, le seul à être en totale opposition avec l'enseignement de fond de toutes les autres religions. Par exemple l’un de vos personnages dit que la notion de faute originelle est uniquement le propre de l'Ancien Testament, alors même que la mythologie en est totalement imprégnée ! (voir le mythe de Perséphone, Eurydice, Proserpine, Pandore, etc.) la différence étant plutôt qu'elle ne fournit pas le même traitement pour revenir au paradis perdu (sacrifice d'ego, de soi ou sublimation ; au lieu de la rançon de christ)...
Une chose est certaine, même si votre livre ne présente que l’angle de vue du monde que j’appelle le monde ésotérique, tout en divertissant, il aide à construire une réflexion en posant de nombreuses questions essentielles, lesquelles, arrivés en ce XXIe siècle, se doivent maintenant d'être définitivement tranchées.
Alors, oui, un grand Oui ! Un livre à lire, assurément.
Publié le 18 Octobre 2021