Mélodie Ducoeur a décliné son roman pour trois publics différents. Inhabituel !

Je dois tout d’abord préciser que je n’ai rien décidé et qu’au départ, j’écrivais juste une petite histoire pour un concours de nouvelles et que ce sont les lecteurs qui m’ont demandé de l’adapter en album jeunesse et en roman. Et puis de fil en aiguille, en découvrant que les ados étaient nombreux à vouloir lire mon roman, j’ai édité une nouvelle version pour eux parce que j’estimais que celle pour les adultes n’était pas adaptée à un jeune public.

On n’écrit pas de la même manière pour un enfant, pour un ado ou pour un adulte.

Tout d’abord au niveau des sujets, on ne les traite pas de la même manière en fonction de l’âge du lecteur. Le royaume de Séraphin aborde des thèmes douloureux, souvent tabous. Il est donc essentiel d’être attentif à la manière dont les lecteurs, et en particulier les plus jeunes, vont s’approprier l’histoire et la leçon de vie. Ensuite, on ne captive pas des adolescents de la même manière que des adultes. Il faut se mettre à leur place, replacer l’histoire dans un contexte qui leur parle. Les jeunes d’aujourd’hui n’ont pas les mêmes centres d’intérêt que ceux du siècle dernier. Leur permettre de s’identifier à un petit héros qui leur ressemble facilite l’intérêt pour le livre ; de même aborder un sujet qui les concerne a plus de chance de les inciter à lire et de les captiver. L’humour est également important quand on écrit pour des enfants ou des ados. Pour les jeunes, ne pas oublier des scènes avec des « méchants » car la vie n’est pas toujours rose et la réalité, ce n’est pas tout blanc ou tout noir. Par contre, écrire pour des adultes donne plus de liberté car on doit moins se censurer. Pourtant, j’ai pris énormément de plaisir à retravailler mon roman pour les jeunes, en y ajoutant plus d’actions, plus d’imaginaire, plus d’effets spéciaux, plus de rire.

A chaque fois que j’ai écrit un de ces livres, je me suis toujours mis dans la position du lecteur en imaginant sa réaction et le bienfait qu’aurait la lecture de cette histoire sur sa vie. Je pense que c’est primordial de se projeter ainsi. Quel est le but ? Quel est le sens de ce que j’écris ? Quel est l’impact que je souhaite sur le lecteur ? Est-ce que je veux qu’il s’instruise, qu’il se détende, qu’il pleure, qu’il se mette à rire, qu’il frissonne, qu’il se sente mieux ? Imaginer la réaction du lecteur permettra de trouver la bonne façon d’écrire pour arriver à ce but. On ne fait pas rire un enfant de la même manière qu’un adulte.

 
Par exemple, pour la version ados, j’ai changé de narrateur en me plaçant dans la peau d’un jeune garçon de 10 ans qui souffre en raison de sa différence (TDAH) et qui subit des moqueries. Ce jeune adore les jeux vidéos et comme il déborde d’imagination, il invente des drôles de monstres avant de leur donner vie dans un royaume imaginaire.

Même si au départ, je n’ai pas eu l’idée d’adapter mon texte pour tous les âges, je dois bien reconnaître que cela présente pas mal d’avantages.

Quel intérêt pour le public ?

Tout d’abord, puisque mon roman répond à un besoin particulier dans le cadre d’un deuil, cela permet d’avoir un outil pour tous les membres de la famille touchés par la perte d’un proche : les enfants, comme les adultes. Idem, dans le cadre du harcèlement qui entraîne beaucoup de suicides chez les jeunes, cela permet d’aborder le thème en famille et de libérer la parole. Ensuite, plusieurs parents m’ont expliqué que c’était chouette pour eux de pouvoir discuter d’une lecture commune, sans devoir passer par la lecture d’un livre pour enfants…ce qui est somme toute plutôt rare dans la littérature. D’autres m’ont avoué avoir pris beaucoup de plaisir à relire la version ados malgré le fait qu’ils connaissaient déjà l’histoire ; preuve qu’on peut réussir à captiver différemment son public avec deux versions différentes de la même histoire.

Quel intérêt pour l’auteur et l’éditeur ?

Un parent qui aura lu l’histoire à son enfant pourra être tenté de lire la version adultes, qui est plus détaillée. Ou inversement, un adulte qui a aimé le roman pourra avoir envie de lire l’album illustré à ses enfants. Donc, pour l’auteur, cela lui donne plusieurs manières d’obtenir des lecteurs, et de conquérir un public plus large. Par ailleurs, un enfant qui grandit peut avoir envie de lire la version ados, puis adultes ensuite. On fidélise ainsi ses lecteurs. Tout comme en écrivant une suite, on augmente les ventes, car les lecteurs du premier tome peuvent être tentés de lire le deuxième. C’est d’ailleurs ce qui se passe actuellement avec ma version pour les ados et celle pour les adultes.

Mélodie Ducoeur

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