Interview
Le 26 avr 2024

Les Méandres de la Folie : Exploration Littéraire d'un Thème Énigmatique

A la suite de ses articles sur la frontière entre le réel et la folie, sur la manière de décrire la psychose en littérature, ou encore de transcrire l’angoisse dans un récit, Natalia Clément-Demange, infirmière puéricultrice en pédopsychiatrie, autrice du roman "La folie de l’exil", vous propose maintenant de faire une "pause littéraire" afin d’aborder plus précisément la manière dont sont écrits certains récits en lien avec le thème de la folie.
Tribune monBestSeller - Exploration Littéraire d'un Thème Énigmatique : Les Méandres de la Folie D’après Pierre-Paul Rubens, Miracle de saint Ignace de Loyola, 1618-1619.

 

Un thème littéraire captivant, intriguant et dérangeant

En littérature, ce thème de la folie, captivant, intriguant mais aussi dérangeant, percute le lecteur à travers les âges. Des anciens mythes aux romans contemporains, la représentation de la folie a toujours fasciné les écrivains et les lecteurs, offrant un terrain fertile pour explorer les recoins les plus sombres de l’individu. Aborder la folie permet de caractériser des personnages excentriques ou instables mais aussi d’apporter au lecteur une profonde réflexion sur la condition humaine et les limites de la réalité.

L’écriture de la pathologie psychiatrique dans un roman permet également au lecteur de vivre par procuration, le temps d’un instant, ce que le malade psychique peut ressentir. Comme le précisait Anaëlle Touboul "La littérature réfléchit la folie au sens où, à la fois elle la reflète et permet de la penser".

 

L'une des premières manifestations de la folie dans la littérature remonte à l'Antiquité

où les dieux grecs infligeaient des maladies mentales à ceux qui osaient les défier. Les tragédies grecques (Œdipe, par exemple) explorent le thème de la folie en tant que destinée humaine, ou façonnée par des forces incontrôlables et parfois divines. La folie y est représentée comme un châtiment ou une malédiction.

Au fil des siècles, la représentation de la folie dans la littérature a évolué pour refléter différemment les préoccupations et les perceptions de la société.

 

Le théâtre shakespearien et la folie

Shakespeare a donné vie à certains des personnages les plus emblématiques de la folie, Hamlet, dont le tourment intérieur et les doutes existentiels ont captivé les lecteurs et les spectateurs pendant des générations.

Shakespeare déploie plusieurs techniques ingénieuses pour mettre en scène les sentiments complexes de son personnage et les basculements de la réalité, notamment les monologues introspectifs qui traduisent les pensées d’Hamlet avec ses luttes intérieures et ses tourments ; Les dialogues ambigus entre les personnages ; la présence des hallucinations d’Hamlet avec le spectre du père ; Les actes du personnage qui sont souvent imprévisibles et énigmatiques ; enfin la description de la perte de contrôle émotionnel. À plusieurs reprises, Hamlet perd le contrôle de ses émotions, exprimant des sentiments de colère, de désespoir et de tristesse de manière intense et parfois irrationnelle.

 

Le XIXe. Siècle des paradis artificiels et de la plongée dans les abysses de l’être

A partir XIXe siècle, l'émergence de la psychologie moderne a donné naissance à des portraits plus nuancés de la folie dans la littérature. Des auteurs comme Edgar Allan Poe et Dostoïevski ont exploré les méandres de l'esprit humain, plongeant dans les abysses de la psychose et de l'aliénation.

 

XXe siècle : la grande exploration littéraire… qui continue au XXIe siècle

Dans "La Métamorphose", Kafka explore les implications métaphysiques de la transformation physique et mentale de son protagoniste. Beckett, dans "En attendant Godot", utilise l'absurdité et le non-sens pour mettre en lumière les luttes existentielles de ces personnages.

La folie continue d'inspirer les écrivains contemporains. Dennis Lehane dans son livre "Shutter Island" donne le ton en décrivant un univers sombre et inquiétant. La majeure partie de l’histoire se déroule au sein d’un hôpital psychiatrique. La double lecture permet de mener le lecteur sur les dérives de la pathologie mentale. L’auteur créé un portrait complexe du personnage avec des sentiments tumultueux, des comportements irrationnels pouvant être interprétés comme des signes de folie. L’ambiguïté quant à la véritable nature de la santé mentale du protagoniste laisse place à l'interprétation du lecteur. Les accès émotionnels et les hallucinations contribuent à renforcer l'image d'un personnage aux prises avec des troubles mentaux. Pour certains personnages la folie devient à la fois une stratégie de survie et une expression de leur lutte intérieure contre l'injustice, la trahison ou encore le traumatisme.

Ce thème que j’ai tenté d’inscrire dans mon roman « La folie de l’exil » permet au lecteur de naviguer entre des éléments perçus, des faits qui semblent délirants, des questionnements et cela dans un jeu d’écriture parfois à la première personne, parfois à la troisième personne du singulier. Les phrases décrivant certaines scènes sont courtes et saccadées, voulant provoquer une tension chez le lecteur, mieux encore une respiration saccadée, ce que j’aimerais nommer "la respiration saccadée du récit" ou encore "l’hyperventilation du récit".

Dans « La folie de l’exil » pourrez-vous relever les éléments qui font basculer un des personnages dans la folie ? Saurez-vous faire la distinction entre les éléments réels et ceux imaginés par mon personnage ?

Natalia CLEMENT-DEMANGE

 

Cet article a été écrit par une auteure monBestSeller. Les articles sont une des manières les plus efficaces de faire connaître ses livres, son style, sa personnalité d’auteur. Une des meilleures invitations à la lecture.

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@Natalia Clément -Demange. Grand merci de votre explication. En fait, les jeux d'écriture (au-delà de l'OULIPO et du "cadavre exquis") ne m'intéressent que très modérément

Publié le 30 Avril 2024

@Marie Berchoud Bonjour,

Dans mon roman, il s'agit d'un jeu d'écriture qui permet de laisser le lecteur avec des questionnements sur la véracité de ce que vit le personnage.

Publié le 29 Avril 2024

@Natalia Clément-Demange : il me semble assez fallacieux de chercher à distinguer réel et imaginaire quand, précisément ceux-ci s'entremêlent. En outre, quel est l'apport ? Lire c'est rêver avec 1 auteur...

Publié le 29 Avril 2024

Un thème passionnant ! On oublie souvent que la folie individuelle reflète et répète celle du monde.

Publié le 28 Avril 2024

Peut-être une lecture conseillée aux lecteurs : "Un lit de ténèbres" de William Styron.

Publié le 27 Avril 2024