Interview
Le 04 juin 2024

La "romance" : un sous-genre mal vu, mais bel et bien lu  ? Et d’abord écrit… Par Marie Berchoud

Et si l’on s’intéressait à la romance ? Catégorie littéraire la plus prisée des lectrices (des lecteurs aussi) de 15 à 44 ans comme le démontre l’étude Babelio Romance mars 2024. C’est Marie Berchoud qui se lance avec son esprit à 360°, sa verve et son humour. Accrochez-vous, ça va gîter !
la romance un genre majeur en littérature

 

Romance, une catégorie qui condamne à la nullité ?

Question à partir de mes sentiments sur la mauvaise romance. Ma cible première serait plutôt de type bouse et baise et sales sentiments, petites cruautés non exclues. Car la romance, même pimentée de sexe et objets afférents sur fond de paysages cinématographiques, est parfois pauvre et suscite l’errance vers les écrans ou une chair à disposition, et ça dépend qui est à disposition. Eh oui, la romance échoue parfois, elle se traîne ou se délite, elle peine à susciter un désir plaisir qui dure, avec stupeurs haletantes, cris et tremblements liés. Mais de là à dire que toute romance est nulle par le fait même de sa catégorisation, hum.

 

Ressorts et secrets de la romance

D’abord il faut compter avec l’inattendu. « La première fois qu’Aurélien vit Bérénice, il la trouva franchement laide. Ce sont des choses qui arrivent. Alors il convient de prendre la fuite avec grâce et un vernis de politesse, ce qu’A[1] fait sans doute en vrai, or les romans enjolivent (ou dévaluent) toujours ; il faut bien qu’existent des histoires d’amour afin d’éviter la prise de pouvoir tentatrice des “mots de la nuit” : cette formule a été employée par de nombreux auteurs, ici, je pense à Philippe S. Hadengue, l’écrivain-peintre avec qui j’ai un temps correspondu, est mort en 2021, il demeure son œuvre phare, Petite chronique des gens de la nuit dans un port de l’Atlantique nord (lecture conseillée) est ses toiles.  

Alors… Éviter ou plutôt tenter d’apprivoiser les mots de la nuit et leurs pouvoirs, ce serait le secret de la romance et de son succès ? (Recto de la carte envoyée par Hadengue pour me dire qu’il entrait à l’hôpital pour se faire “chirurgiquer le rachis”, sic.

 

 

Léopold Louis Mercier Accident à la gare de l’Ouest 1895 © RMN-Grand Palais [Musée d’Orsay]/Hervé Lewandowski

Alors au total, les mots de nuit sont un secret de sorcière, bien sûr, comme Aïcha Kandicha, sorcière du Maghreb. Comme sa couverture, cet ouvrage [éd. Publisud, Rabat] renferme des merveilles. Aïcha Kandicha est une bonne sorcière, mais il ne faut pas l’énerver : dans le port Atlantique d’El Jadida, elle aurait contribué à combattre et repousser les envahisseurs portugais, stupéfaits par son apparence animale et humaine, jambes et pieds de chèvre, seins pendants ; ensuite, la résistante devint aussi la femme tentatrice, parfois positive et parfois maléfique.

 

 

 

Trouvaille : les premiers écrits d’Aragon

Une opération vide-grenier sur les hauteurs de la Nièvre, commune au nom oublié — un composé à trois —, offrait aux rares chineurs attentifs un cahier jaunâtre tout déniapé [patois local, j’avais un guide] manuscrit et raturé qui se révéla composé par un Louis Andrieux [né en 1895 hors mariage et de père préfet, donc adolescent] qui deviendrait Aragon, j’en fis l’acquisition pour quelques pièces. Voici l’incipit, étonnant, déchiffré entre ratures et remords :

Bérénice a une toison qui m’épouvante. Sombre, épaisse et broussailleuse. Un relief mouvant d’algues et de mucus sur albâtre encore non statufié. […]”. Incipit écrit plutôt avant Le con d’Irène [1917], et donc ce serait du Louis Aragon à l’essai ? Quand il ne pouvait que signer Andrieux, nom-du-père.

Sur ces terres ventées, personne ne semblait s’intéresser à ce fin cahier sur papier jauni, datant de la préhistoire — la guerre de 14-18 ; sans doute ; à la rigueur, la mère du scripteur l’aurait feuilleté et emporté, mais l’hypothèse est plus surréaliste qu’elle en a l’air : on sait que la véritable mère fut la sœur aînée de Louis, et qu’il dut vivre ce trouble mensonge pour maintenir la respectabilité familiale. Après ça, essayez d’être normal. Si vous avez réussi, le test est simple : vous avez oublié, vous existez à votre façon.

Aragon, ayant vu sur cette allongée de Bérénice [avant la lettre ou en version zéro] la toison de sa mère cachée, s’empressa de fuir vers les garçons sages. Et la guerre suivante survint. Il existe des personnes chez qui la guerre au-dehors révèle enfin celle du dedans. Quelle paix alors ! Et toute l’énergie pour la Résistance. 

 

La romance s’épanouit-elle mieux au noir soleil des grands conflits ?

Résistance et romance, couple d’urgence et de nécessité, ainsi disait Simone Veil de ses années de camp, dans Une vie, éd. Stock, 2007, 1ere partie. En clair, lorsqu’on est condamné, on aime, pour survivre, on cherche à aimer, ça sauve un temps.

La 1re Guerre mondiale a tué dix millions de soldats, parmi eux le créateur du Grand Meaulnes [Alain-Fournier], et aussi Guillaume Apollinaire, et tant d’autres gravés sur la pierre des monuments locaux. La 2e Guerre mondiale a eu la peau du poète Robert Desnos, et de beaucoup d’autres. Elle a aussi tondu des femmes qui avaient aimé un ennemi.

De nos jours, ce schéma de romance se trouve dans la littérature d’Asie. Mais les guerres se font plus proches, disent les journaux. Pour autant, la romance a-t-elle intégré cette donnée ?

 

Mais que cherche donc la romance ?

Il ne semble pas que, pour le moment, la romance a intégré le paramètre des guerres et conflits. Alors la romance serait-elle hors sol et hors Histoire, sauf vue de manière positive ? Et ce serait la raison de son succès ? Cela m’attriste, mais je me dois d’examiner la question sur pièces :

Sale petite crise de la quarantaine, une comédie romantique [dit la présentation]. Voici son incipit :

“Je vais suivre deux semaines de cours d’art, de yoga et de méditation dans l’espoir de me trouver, même si je suis terrifiée à l’ide de ce que je pourrais découvrir”, vous confie l’héroïne de ladite sale petite crise.

Pov’choupinette [on peut aussi rigoler, personne ne caftera], elle est réellement terrifiée !? Allez, on relit : elle voudrait “se trouver”, mais anticipe la peur d’un résultat… ordinaire/ou de malade psychique. Que préférerait-elle ? Hum… Dans quel rôle serait-elle la plus intéressante ? Voilà la vraie question — à laquelle répond toute romance ? Celle qui accroche les lectrices, qu’on présume plus nombreuses que les lecteurs, en tout cas pour un tel titre.

Extraits disponibles sur Amazon.

 

Dissection rapide d’une romance qui cartonne sur Amazon

Sale petite crise de la quarantaine : une comédie romantique à un âge plus avancé [“Les canons de Heart’s Cove” t. 1] 193 évaluations, 5 *

Comment ne pas craquer devant la formulation hypocrite et souriante “à un âge plus avancé” ? Bien sûr, le mec top, hypra -super-top arrive, œil velours sur épaules balancées, pectoraux tablettes de choc et hanches minces. Bien sûr il la dédaigne, et encore plus sûr il va tomber. Pour ?

Jouer le mec à fond, y croire, en être, et basta sur le cosy cosi Fan tutte. Surtout, ça tombe hyperbien, le beau mec est en cavale d’une qui veut sa pension et aux USA, on ne blague pas avec ça, tu as illico à tes trousses une armée d’avocats aux dents non limées. Et voilà, on a en prime la réponse à la question Comment il tombe, le bô.

Alors, elle se le tape ou non ? Pff… Bien sûr. Et ça dégouline. Et ça transpire. L’amour toujours et partout en tout lieu. Une lectrice dit en commentaire que son critère de choix consiste à déterminer si elle mouillera sa culotte. Sic. Envie de lui lancer la pub Pampers antifuite double épaisseur. Mais un marmot, même tardif, ne semble pas au programme des réjouissances. Vous vous ferez votre opinion. Lisez, lisons !

 

La romance survit-elle hors de son moule ?

Voilà une vraie question : une romance, un peu décalée, ça peut passer ? J’ai tenté avec ASINA LOLA — la fille qui voulait être bête. Ah oui… romance décalée = romance pas dans le moule attendu. C’est risqué j’ai voulu tenter. Cette romance a des atouts, elle fait voyager d’Europe vers l’Argentine, on peut aussi la nommer récit de voyage et roman d’apprentissage. La photo de couverture a été prise à Salta, au pied des Andes, sur les murs de l’École des Beaux-Arts. Et alors, en la relisant, je me suis dit qu’il me fallait la reprendre et l’enrichir. Au boulot ! Et en attendant…

 

 

 

 

 

 

 

 

Comment définir la romance ?

La romance fait rêver.

C’est son but et parfois c’est réussi. Tout dépend du public visé : j’ai été peu séduite par la romance conformiste pour quadragénaires qui dégouline de stéréotypes ; mais le public américain et au-delà est peut-être conquis [voir le nombre d’étoiles]. Les événements, les portraits, tout m’a semblé vraiment attendu, et sans surprise : c’est un confort, mais aussi une source d’ennui, alors les lectrices concernées vont lire les premières pages et si elles sont séduites par une lecture de confort et avec quelques surprises, elles achèteront.

La romance détend

après une rude journée… parfois plus : aider à aimer. Pourquoi pas.

D’autres personnes recherchent des situations analogues à celles qu’elles ont vécues, mais en mieux ; autant dire que le public est majoritairement féminin, mais il y a aussi des romances en univers gay et lesbien, bien sûr.

 

Pour conclure… Les romances de qualité existent :

Sylvie Étient, Rose, et même sa suite. Vous la connaissez, Sylvie, monBestSeller l’avait primée.

 

Secundo, c’est à nous de nous orienter : alors quels critères ?

Cette question va nous amener à faire un petit détour en forme de questions :

-       Ce que je cherche dans un roman ? dépaysement, surprise, belle histoire, écriture prenante (à compléter…………………………………….

…………………………………………………………………………………………………….

-       Est-ce que le genre littéraire est important pour moi ? Thriller/polar/romance/roman d’apprentissage/roman exotique et/ou de voyage/écriture intime, de type journal…………………………………….. ………………………………………………………………………………………………………..

-       Est-ce que le thème d’un roman compte, en rapport ou pas avec votre vécu ?....................................................................................................

-       Est-ce que le “mélange des genres” vous plairait (romance et polar par exemple), défendu par Victor Hugo dans la Querelle des Anciens et des Modernes, avec des exemples forts, tels que le Don Quichotte de Cervantes ?

 

…/….   (à suivre)

Marie Berchoud

 

L’enquête Babelio Romance mars 2024

 

Cet article a été écrit par une auteure monBestSeller.
Les articles sont une des manières les plus efficaces de faire connaître ses livres, son style, sa personnalité d’auteur. Une des meilleures invitations à la lecture.
Vous aussi, publiez un article en lien avec vos thèmes d’écriture et prenez contact avec mbs@monbestseller.com

 

 

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11 CommentairesAjouter un commentaire

@Sylvie Etient. Grand merci pour ton commentaire équilibré, en fait tu as tout compris, mais je m'en doutais à l'avance ! Pour mon roman biscornu Asina Lola (que Vanessa Springora, éditrice alors chez Fayard avait apprécié, mais ... jugé un peu trop trop foutraque). Cela m'a donné envie de le reprendre, oui, des années après, et je m'y colle en ce moment. la version neuve sera évidemment sur MBS en premier.

Publié le 09 Juin 2024

@Marie Berchoud
Quand on a écrit un roman intitulé « Rose » (prénom de l’héroïne) et qu’on répète à l’envi mon roman Rose par-ci, mon roman Rose par-là, il ne faut pas s’étonner d’être répértorié dans la catégorie romance. Mais, comme le souligne Marie Berchoud, il y a romance et romance, et vous aurez le sentiment, si vous lisez son roman Lola Asina, supposé être une romance hors du moule (je confirme), d’avoir pris carrément une navette spatiale qui vous aura conduit aux confins de la galaxie Romance, et peut-être même aurez-vous un doute sur la destination affichée sur l’ordinateur de bord, mais vous serez content de l’erreur en votre faveur. Un jour quelqu’un m’a dit que mon roman (Rose)lui avait fait du bien, alors je me suis dit que j’écrivais sans doute des feelgood sans le savoir alors que je croyais écrire des comédies contemporaine avec des femmes et des hommes en chemin. Je m’appelle Sylvie mais souvent on m’appelle Sophie, pas grave, je comprends qu’il s’agit de moi. Pareil pour mes romans, du moment que j’ai des lecteurs qui s’y retrouvent et y trouvent leur compte. Merci Marie pour le label Qualité !

Publié le 08 Juin 2024

@Marie Berchoud
Jusqu'à vous, j'ignorais qu'il fût si crucial d'ajouter de la mauvaise littérature à la mauvaise littérature déjà existante. Merci de m'ouvrir les yeux.
PS : Je paraîtrai dans ma superbe auto...

Publié le 08 Juin 2024

@Moll Flanders. Essentiellement un profil de critique. Pas d'oeuvre. Triste....
je vous attendrai à la porte du garage... :)

Publié le 08 Juin 2024

@Moll Flanders, Je ris, je ris je ris avec le balouchistanais. Un grand MERCI

Publié le 08 Juin 2024

Que voulez-vous, il faut se répéter souvent pour que les choses finissent par entrer dans les caboches rétives.
PS : lsiantr vous-même, espèce de malapprise !

Publié le 07 Juin 2024

@ à pseudo Moll F : j'aime aussi beaucoup dans vos propos le surréalisme en vie "traduite du balouchistanais en passant par le hottentot, le bas normand et (peut-être) le balto-slave et le vieux prussien; j'imagine que vous parlez urdu après un passages aux langues'0 (où je passai aussi). le secret d'un texte qui parle, c'est d'aimer le composer et d'avoir à dire. C'est mon cas et le texte entier est écrit. mais en vous lsiantr, ça me donne de nouvelles idées pour une suite ! Vous, apparemment, ce n'est pas le cas puisque vous vous répétez. Je vous souhaite une meilleure santé.

Publié le 07 Juin 2024

@ Moll Flanders alias "La Planque". Que de venin ! défoulez-vous donc autrement, faites des chroniques !
Cela dit j'aime beaucoup "la plume dilacérée d'un dépressif en fin de droits" :)
Votre venin est sans effet car je sais où je veux en venir et d'ailleurs c'est déjà bien avancé. Faites-vous du bien : écrivez à l'encre solaire !!

Publié le 06 Juin 2024

@Marie Berchoud
Au cas improbable où cela vous aurait échappé, j'écris déjà en parfaite liberté (au moins tant que je ne tombe pas sous le couperet de M. Monbestseller, lequel monsieur, parfois, est piqué par une mouche atrabilaire excitée par de méprisables sycophantes). Et me croirez-vous si je vous assure que je sais parfaitement que le hottentot n'est pas une langue, mais que je m'en bats assez allègrement les flancs ? Cela posé, je ne retire rien à ce que j'ai dit du plaisir que j'ai eu à vous lire. Je nourris, en effet, depuis l'adolescence, une attirance suspecte pour ce que les esprits faibles nomment surréalisme, parce qu'ils ne savent rien du surréalisme qu'ils invoquent ainsi plutôt légèrement. Bref, j'attends avec impatience la suite de votre rubrique. J'imagine volontiers que sa lecture me comblera d'aise.

Publié le 06 Juin 2024

@ Moll Flanders, pseudo évidemment, c'est pratique mais attention à ne pas se surévaluer ! Ne vous en déplaise, je sais tout à fait où je vais en venir, car la suite est déjà écrite (pas encore la fin ;) Attention, le hottentot n'est PAS une langue ! (pardon, il se trouve que je suis aussi linguiste).
Sur "la logique interne du texte", pourquoi vous triturer les méninges, laissez-vous aller, c'est un gage et vous aurez le fin mot... à la fin. Allez, écrivez en liberté !

Publié le 06 Juin 2024

Étrange rubrique, qu'on croirait traduite du balouchistanais en passant par le hottentot, le bas normand et (peut-être) le balto-slave et le vieux prussien, le tout sous la plume dilacérée d'un dépressif en fin de droits. Remarquez, la chose n'est pas sans un certain charme, qu'on pourrait sans doute qualifier d'exotico-pantouflard, encore qu'on ne comprenne pas très bien où Mme Berchoud veut en venir - mais le sait-elle bien elle-même ? On peut en douter, surtout si l'on s'attache à la logique interne du texte, laquelle ressemble plus à un tour sur le grand huit qu'à une promenade de santé. Quoi qu'il en soit, tout cela n'a aucune importance, car, au final, c'est un plaisir de lire cette balade en dehors des couloirs piétonniers : cela nous change agréablement des pensums que nous infligent tous ceux qui s'ébahissent d'avoir réinventé l'eau tiède.

Publié le 06 Juin 2024