Anatole France, le sceptique Anatole France, trop distant ...
>> Anatole France, dreyfusard convaincu mais modéré dans ses manifestations fut Prix Nobel en 1921. Son sens de la justice, accolé à ses talents de narrateur et de la recherche de la vérité apparaissent dans Les Dieux ont soif.
...Un jeune artiste révolutionnaire Evariste juge avec son cœur pendant la révolution et condamne toujours. Pour finir lui aussi à l’échafaud...
Les contradictions des destins humains sont le cœur des sujets d'Anatole France. L’irrésistible ascension vers le bien conduit parfois au malheur de tous.
Le crime de Sylvestre Bonnard montre un vieillard érudit bon, naïf et humain qui désobéit aux lois pour une cause juste : protéger un enfant
Il faut prendre le risque de vivre en marge des lois pour créer sa propre justice.
France (pseudo emprunté au commerce de son père : la librairie de France) fut poussé de la scène littéraire après sa mort par les surréalistes (certainement impatients d’occuper sa place).
Aragon critiquera son ironie et sa distance et Breton dénonce « le scepticisme, le réalisme, le manque de cœur » de l'auteur.
L'histoire dramatique du quotidien (contée par Anatole France) est banalisée par ces auteurs engagés et militants.
>> Les écrits d’Anatole France furent alors catalogués comme littérature bourgeoise d'un classicisme démodé. Qualifié de trop romanesque avec les enchantements qui s’en suivent. On considérait que le tableau vivant de l'humanité de l’histoire de la France, regardée comme il le fit avec distance, était décalé voire glacial.
Les jeunes poètes de l'époque prônant une expression spontanée pensaient qu'on ne pouvait pas atteindre des vérités intérieures avec ce ton et cette ironie distanciée.
« L'ironie que j'invoque n'est point cruelle. Elle ne raille ni l'amour ni la beauté. Elle est douce et bienveillante. Son rire calme la colère, et c'est elle qui nous enseigne à nous moquer des méchants et des sorts que nous pourrions, sans elle, avoir la faiblesse de haïr » déclarait -il
La concision, la clarté, l'ironie, le rationalisme donne de son classicisme une image surannée face aux recherches de modes d'expression nouveaux auxquels se livre la génération littéraire montante ».
>> Tout au long du 20 ème siècle, alors qu'une nouvelle conception du roman met au premier plan l'invention de nouvelles écritures, la plume d’Anatole France semble trop impersonnelle, presque clinique dans sa perfection.
Ce n’est pas en effet un déversoir d'égos blessés (Comme on en trouve beaucoup aujourd'hui). C’est une façon de montrer au lieu de se montrer. Une autre façon de s’approprier le monde réel et imaginaire.
Une manière d’écrire qui semble-t-il n’est pas porteuse aujourd’hui.
John Steinbeck, l'humaniste
Steinbeck, un simple écrivain de la condition humaine
>> Dans un genre radicalement opposé, John Steinbeck, prix Pulitzer, eut son heure de gloire et son retour de flamme.
Les Raisins de la colère (1939),est considéré comme son chef-d'œuvre et devient un livre référent.
Vendu à plus de 14 millions d'exemplaires. Le livre décrit la misère sociale des ouvriers qui détruisent leurs marchandises alors que les populations meurent de faim.
Il reçoit le prix Nobel de littérature en 1962 "pour ses écrits réalistes et imaginatifs mariant l'humour et une perception du social sans équivalent."
John Steinbeck excellait a décrire le cauchemar américain, celui qui affligeait autant les fermiers du Midwest (Les raisins de la colère) que les immigrants hispanophones (Tortilla Flat).
Avec eux, il a traversé le XXe siècle en décrivant son idéal social.
Véritable plaidoyer contre le racisme, la ségrégation, le rejet du handicap — Il pose un regard critique essentiel sur une Amérique qui, engendre un monde parallèle d'exclus, Steinbeck dépeint la misère pour faire prendre conscience des existences malheureuses mais ne milite pas, ne devient pas un partisan, n'agit pas.
>> Qualifié d’écrivain social il semblait en porte-à-faux avec une nouvelle génération d’écrivains, d’intellectuels et de militants actifs, particulièrement ceux qui étaient farouchement opposés à la guerre du Vietnam, Arthur Miller notamment.
Il ne souhaitait pas changer le système, mais le modifier. Les gens qui profitent de la misère des autres pour s’enrichir, cela l’indignait, et c’est un thème récurrent dans son oeuvre.
C'est plus une dénonciation, qu'une rébellion. Et s'il cherchait aussi à influer les politiques sociales de son pays, écrivant des discours pour certains présidents américains, ayant ses entrées à la Maison-Blanche, il ne voulait pas être pilote des changements, ni le centre de l'attention.. Beaucoup lui en ont voulu.
C’est un auteur en retrait, indépendant, voire discret. Son absence de charisme même après son Prix Nobel, l’a définitivement catégorisé dans son statut d’écrivain social. Il sait décrire et comprendre mais il ne sait, ni ne veut haranguer les foules.
Des idées mais pas d'action.
Et progressivement, le silence et l’ombre ont voilé son oeuvre pour la rendre opaque. Délicatement
(Ecrivains oubliés : la série continue 2 et 3)
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@Esther Van Gobseck. Tssssssst....
@Catarina Viti
Méfiez-vous, vous allez finir par apprécier la belle langue...
Thank you, @monbestseller. Depuis hier au soir, je suis en compagnie d'Anatole France ! Dommage de l'avoir fait passer aux oubliettes. Quel style léger, aérien ; quelle écriture élégante ; quel humour décalé !
Comment ne serais-je pas un loup des steppes et un ermite hérissé au milieu d'un monde dont je ne partage aucune des ambitions, dont je n'apprécie aucun des plaisirs. (...)
En revanche, ce qui m'arrive dans mes heures rares de jouissance, ce qui m'est émotion, joie, extase et élévation, le monde l'ignore, le fuit et le tolère tout au plus dans la poésie; dans la vie, il traite cela de folie. (Hermann Hesse, Le loup des steppes)
Ces auteurs disparus font pourtant partie de notre histoire. Steinbeck a été adapté au cinéma et les films resteront gravés dans ma mémoire, comme les livres. James Dean et Henry Fonda ont interprété des personnages inoubliables. Quant à Herman Hesse, ses ouvrages sont exceptionnels: Der Steppenwolf mérite plusieurs lectures. Anatole France est un modèle pour la pureté de son français. Il y a encore un autre auteur oublié que vous n'avez pas cité, il s'agit de Paul Bourget. Merci pour cet article car ces auteurs sont notre mémoire. @Sylvie de Tauriac
@Marie Berchoud
Pour ma part, j'ai toujours trouvé Hesse redoutablement chiant (ça, c'est de la critique de haute volée, non ?). De fait, je partage assez l'avis d'Alfred Döblin (l'auteur de "Berlin Alexanderplatz" - bouquin que je vous conseille, si vous ne l'avez pas lu), qui qualifiait toute l’œuvre du prix Nobel d' "ennuyeuse limonade"... Mais, bon, il paraît (aux dernières nouvelles du front) que tous les goûts sont dans la nature...
Et s’il ne tenait qu’à nous, les « anciens » de faire découvrir aux plus jeunes, ces écrivains, peut-être oubliés. Moins vendus, mais pas moins lus, surtout en ce qui concerne Steinbeck, mon écrivain préféré. Je relis régulièrement « les raisins de la colère » toujours, hélas d’actualité, intemporel. J’ai offert ce livre à mon fils qui m’a remerciée pour cette lecture (en approfondissant, il a découvert que Jim Morrison, poète et féru de Rimbaud, s’en serait inspiré pour l’une de ses chansons). Je conseille ce prix Nobel à mes connaissances au-delà des frontières et j’ai envoyé la version papier de ce roman à mon petit protégé djiboutien qui lui aussi est tombé dans la marmite. Depuis, à son tour, il fait découvrir son œuvre à ses amis au café littéraire, ça fait boule de neige. Il a pu dénicher « La perle » dans une bibliothèque et tout comme moi, il est resté admiratif devant ce petit bijou (reçu dans ma boite aux lettres !). Comme le souligne Catarina, sur les réseaux sociaux, les groupes de tous pays dédiés à la littérature sont très nombreux à partager sur Steinbeck et sur d’autres anciens écrivains. Et ses petits protégés le lisent aussi ! Alors ? Quant à Anatole France, merci à Philippe de m’avoir conseillé « La rôtisserie de la reine Pédauque », un régal de lecture.
Je vous remercie pour ce billet qui a le mérite de nous inciter à transmettre aux générations futures, de sortir de l’ombre ces écrivains, de débattre sur leurs motivations, leurs engagements ou pas. C’est un choix qui n’appartenait qu’à eux ; tous n’étaient pas Zola. Écrire, n’est-il déjà pas un engagement en soi ? Je souhaite un bon dimanche à toutes et tous. Fanny
@Esther Van Gobseck.. . Je vous offre un désamour qui persiste à être souligné par Word dans mon correcteur, sans l'affubler d'un tiret bizarre, mais qui est bien dans le dictionnaire... Bon été
Hello @monbestseller. C'est bien ce que je remarquais dans mon commentaire. Pas plus tard qu'hier, un gosse de 24 ans (un auteur que j'accompagne) m'a sorti "Tortilla flat" et "Rue de la Sardine" quand je lui ai rappelé la bonne vieille règle : "show, don't tell".
Je lui ai assitôt recommandé "Des souris et des hommes" qui fait partie des livres que tout aspirant auteur se doit d'avoir lu plusieurs fois.
Mais je pense que la source doit prendre en considération les ventes de livres. Et il est vrai, qu'aujourd'hui, ce genre de classiques se lisent énormément en numérique, versions gratuites.
@tous. Ces auteurs (dont on va parler) sont des Pulitzer, des Nobel, des Goncourt... Il ne s'agit pas de dire que ce sont de mauvais auteurs ou qu'ils ne sont plus lus. Il s'agit de dire qu'ils ont été référents absolus à une époque donnée et que pour des raisons variées : époques typés, combats politiques et sociaux intégrés, disparition des programmes éducatifs, apparition de nouveaux genres littéraires... ils s'effacent doucement. Rappelons que 1% des bacheliers qui ont passé leur épreuve de Français sur Anatole France avaient entendu son nom ...(et croyaient pour la plupart que c'était une femme)
Mais tant mieux que cette rubrique suscite des rebellions, elle est aussi conçue pour cela...et que ces auteurs soient remémorés et défendus pas auprès de nous mais auprès des 18/ 40 ans...
Mon nom ? Belphegor (Ne m'oubliez pas...)
@Philippe De Vos :Je vous le concède pour Miller :-)
Les reproches faits à Steinbeck , c'était de ne pas avoir mis sa notoriété et sa puissance de feu au service d'une action politique concrète et d'être resté en retrait derrière les grands notables politiques. Il en a perdu un certain crédit auprès de ses soutiens les plus vifs. On l'a taxé de "manque de charisme" parcequ'il est resté dans les coulisses alors qu'il avait tous les atouts pour se mettre sur le devant de la scène.
Son rôle de dénonciateur de la misère sociale était corrélée à une attente politique auprès du peuple, et au delà de son rôle d'écrivain, il n'a sans doute pas répondu à cette attente.
@qui a écrit cette chronique. je suis stupéfaite des choix. Herman Hesse ! Qui peut l'oublier ? Pas moi ("le jeu des perles de verre" un régal). Quant à Anatole F, il tapisse encore nombre de bibliothèques... vous direz : ça évite de changer la tapisserie ou de la voir jaunir au soleil, c'est Anatole qui se décolore. Quant à Steinbeck !! Non, il est encore bien vivant. Les vrais oubliés et oubliées sont toutes ces personnes dont on a même perdu le patronyme : exemple, cette Bretonne de Quimper qui fut une star après la Grande Guerre et le resta durant des décennies. Oubliée. Impossible même de retrouver son patronyme.
@monBestSeller Ah oui, au temps pour moi, j'ai mal lu.
Steinbeck était un type réservé; pour autant, est-ce cela le manque de charisme ?
Pour Miller, oui il était mari trompé par Marylin, mais la dame en faisait une habitude avec ses autres maris et amants.
Si que j'avais le malheur d'être auteur (je me dispense du e final, que je trouve aussi inesthétique que le tiret dont vous affublez bizarrement "désamour"), je serais tout à fait ravie d'être aussi peu lue, dites-vous, que Steinbeck et d'avoir écrit "Des souris et des hommes"...
Bonjour @monbestseller. Je suis très étonnée de voir Steinbeck oublié aux côtés d’Anatole France.
Pour Anatole, il est une évidence que « plus personne », de nos jours, ne pourrait le citer comme une source d’inspiration. En revanche, Steinbeck revient en permanence dans les échanges entre auteurs sur les réseaux. Il est toujours un exemple vivant, une référence et une source d’inspiration. Voilà bien un mystère puisqu’on ne saurait remettre en question la source que vous citez.
« Il sait décrire et comprendre mais il ne sait, ni ne veut haranguer les foules.
Des idées mais pas d’action. »
N’est-ce pas là le propre de l’écrivain ? De son engagement ?
Ceci est une réflexion.
Quel est le rôle de l’écrivain dans sa société ? Je suis justement en train de creuser cette question en compagnie de deux écrivains africains (de la diaspora), issus chacun d’une société en convulsion, plongée dans le chaos. Ce sont des hommes de « plume engagée » (comment l’imaginer autrement d’ailleurs) et leur ligne est radicale : à nous l’observation, la réflexion, la révélation ; à ceux qui en ont les capacités — politiques — l’action.
Ils sont, comme Steinbeck, des écrivains-témoins d’une société torturée à laquelle ils n’essaient pas de se soustraire (même si, physiquement, ils ont fui//ce qui, sans doute, au vu de la répression exercée par leurs gouvernements respectifs, facilite la construction de leur œuvre).
Et d’ailleurs, ne serait-ce pas là un thème de réflexion sur notre propre production actuelle littéraire ?
Merci pour le sujet !
@Philippe De Vos
Cher Philippe,
Ce type d'articles est évidemment plus que subjectif. C'est un papier d'humeur. C'est l'exercice qui est interessant pas la valeur de l'auteur (qu'on ne saurait mettre en question). Sachez que l'ensemble de cette série repose sur les fonds des libraires et le volume des ventes sur 10 ans sur 500 grands classiques.
C'est pourquoi l'exercice a du sens même s'il peut paraitre fantaisiste. A vous d'en trouver un si vous ne souscrivez pas aux quelques points qui vous sont soumis...Et là je serais ravi de vous apporter mon point de vue critique :-)
PS : Le manque de charisme est prêté à Steinbeck pas à Miller.
En revanche et là j'en profite (Si vous l'attribuez à Miller), le charisme n'est pas l'arme absolue des grands dragueurs, ni des grands esprits, ni des époux trompés.
PPS : j'espère comme vous qu'ils sont et seront lus encore et toujours et que même ils trouveront un regain de popularité...
Steinbeck tombe dans l'oubli ? J'ai vu et lu de nombreux reportages sur son entrée dans la Pléiade en… 2023 ! C'était l'année dernière. J'aimerais être oublié de cette façon !
Anatole France : ma recommandation est "La Rôtisserie de la Reine Pédauque", une sorte de roman pastiche et pour le moins loufoque. Un régal !
Arthur Miller : son manque de charisme, comme vous l'écrivez, l'a amené à épouser Marylin Monroe ! Il devait en posséder un peu, non ?
Ces auteurs sont-ils encore lus ? Je crois que oui. Il sont dans les bibliothèques privées de chacun d'entre nous et lus par ceux qui passent devant, s'arrêtent et s'intéressent…