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Le 02 jui 2024

Je vais créer votre langage de fiction…

La publication Facebook de Bruna Toffaloni (T.R.É.M.A.S) a retenu notre attention et a activé notre désir d’éclairer cette nouvelle offre de service aux auteurs. Si nous avions l’impression de comprendre ce qu’est un « langage de fiction », proposer d’en créer un pour le compte d’un auteur, nous semblait en revanche nébuleux. Nous avons alors pensé que le mieux était de donner la parole à Bruna Toffaloni.
Tribunes monBestSeller : créer un « langage de fiction » pour le compte d’un auteur

Écrivain public depuis près de huit ans, également correctrice, j’ai la joie immense d’accompagner des personnes, au quotidien, vers l’aboutissement de leurs projets, en prenant en charge la partie écrite, voire rédactionnelle, voire conceptuelle, des projets en question.

Lorsque j’ai fêté les sept ans de mon entrepriseT.R.É.M.A.S cette année, j’ai su que le moment était venu d’accentuer encore le pouvoir de mon petit grain de folie, celui que nacre jour après jour, au creux de sa vie intérieure, tout écrivain, tout créatif, que ce soit. Notamment, il était temps de faire la part belle à la fiction.

 

Préférez-vous apprendre à parler kinglon ou sindarin ?

Chacun sait qu’il en existe et qu’elles ont été conçues, notamment, par des scénaristes et/ou des auteurs, à plus ou moins grande échelle, et qu’elles ont enrichi considérablement des œuvres comme Le Seigneur des Anneaux ou Star Trek, pour ne citer qu’elles. En ce qui concerne la première œuvre précitée, d’ailleurs, son auteur, le professeur Tolkien, était linguiste et ses écrits découlent précisément de la volonté qu’il avait d’imaginer des peuples qui pussent parler les langages qu’il créait — pour autant que je sois bien renseignée.

 

Inventer une langue en plus des 6 700 langues parlées dans le monde

En parlant de qualité de renseignements, j’ai très longtemps ignoré qu’il y eût des langues de fiction parfaitement développées et construites. Je savais qu’il en existait des « extraits » ; j’ai appris que certaines étaient plus que cela il y a une quinzaine d’années, lorsque je me suis mis en tête… de concevoir la mienne. J’avais commencé la composition d’un récit (toujours en cours d’élaboration), et je savais que ses personnages, si vivants pour moi, ne pouvaient parler notre langue. Je devais leur en donner une et pour ce faire, j’ai rapidement découvert qu’inventer quelques mots ne me satisferait pas. C’est cette fameuse impression que vous avez quand vous peignez un tableau, que vous représentez une porte — celle d’un placard, celle d’une maison, qu’elle ouvre vers l’extérieur ou l’intérieur —, et que vous la dessinez fermée. Ne faut-il pas peindre ce qu’il y a derrière, les pots de miel et le pain frais, les fleurs des champs ou le foyer, pour que si jamais, un jour, par impossible, quelqu’un ouvrait la porte, il trouvât autre chose que le néant devant lui ? C’était tout pareil. Si mes personnages devaient parler leur langue, ce devait être une « vraie » langue. Je lui ai donné tout ce que j’ai pu : plusieurs milliers de mots de vocabulaire, un ensemble complet grammaire – orthographe – syntaxe ; un alphabet décliné en plusieurs graphies, une prononciation, et bien sûr, une genèse, des évolutions, avec légendes (notamment) à l’appui. Une période de création intense et absolument unique. 

 

Phénoménal pouvoir de création des mots

Lorsque j’ai créé ce langage imaginaire, je traversais une période de vie particulièrement douloureuse. Et riche. Si le projet était sûrement fou, il ne me paraissait pas aberrant, simplement parce que je vivais avec les mots pour meilleurs amis depuis toujours. Je racontais des histoires depuis toute petite ; j’ai commencé à les écrire aussitôt que j’ai pu. J’écrivais, mais j’écrivais tout et j’écrivais de tout ! Mes exercices et mes leçons, bien sûr, avec cette joie du tracé, mes carnets secrets, des poésies par dizaines, des contes, mais aussi, des bandes dessinées, des scenarii, des pièces de théâtre, des « magazines » entiers dont j’étais aussi bien la rédactrice en chef que la journaliste, avec des articles documentés, des comptes rendus d’enquêtes, que je menais sur tous les sujets ! J’inventais aussi des morceaux de langues, des codes secrets à n’en plus finir. Je codais, je cryptais, je décryptais et je traduisais à longueur de temps.

Enfant, les mots m’avaient convaincue qu’il suffisait d’eux, d’eux et de rien d’autre que la ferveur — ou l’acharnement — d’un cœur qui veut vivre… pour créer et recréer un monde. Je recréais le nôtre en permanence. Grâce à eux. Pour saupoudrer de magie, avec leur pouvoir transformateur, ma réalité. Je n’ai jamais cessé.

 

Les langues de fiction à l’appui des œuvres créatives & créatrices

Tout est parti de là. De ces langues fictives dont je chantais les sons étant gamine, de ce langage que j’ai créé et que je suis la seule à pouvoir déchiffrer aujourd’hui. Mon envie première était de proposer aux artistes un appui dans ce sens. Aux écrivains, aux auteurs et autrices en premier lieu, pour émailler, enraciner, ou aider à distinguer, leurs récits de fiction. Je pensais aussi aux auteurs compositeurs-interprètes qu’un voyage en terre « fictive » pourrait intéresser.

Bien sûr, je pense toujours à eux et je danserai la danse de la joie le jour où l’on me dépêchera pour une mission de ce type ! Seulement, l’écriture est si profondément ancrée dans mon quotidien, dans ma réalité, que je n’ai pu faire autrement que de franchir le pont, une nouvelle fois, qui les lient à l’imaginaire. Ou le contraire. J’ai fait ce pari il y a des années, quand j’ai rangé la plume de la fiction pour aiguiser celle de la vraie vie, où je voulais écrire aussi les retournements de situation, les argumentaires, les fins heureuses.

 

Le plaisir de manipuler des mots neufs

On n’aime pas toujours parler d’écriture comme d’« outil thérapeutique », à combien plus forte raison si ces mots résonnent froidement dans notre vécu, dans notre perception. Pour la plupart d’entre nous, sur monBestSeller, l’écriture se vit, c’est tout. Jour après jour, cependant, j’interviens auprès de personnes qui ont besoin de son pouvoir, parfois un besoin crucial, et qui recherchent un truchement.

Me concernant, écrire, ce n’est pas une thérapie au sens propre, c’est une vie, et c’est aussi une guérison. C’est une guérison parce que c’est un chemin, vers moi-même, vers celle que je veux devenir, vers les autres. C’est une voie, c’est même un art de vivre. De ce rapport étroit que j’ai à elle, intime, inaliénable, et de l’expérience que j’ai auprès de mes clients, toujours bouleversante, je tire et je nourris la conviction que l’écriture est guérissante et guérisseuse.

Depuis longtemps, je sais que ce parcours au corps-à-corps avec l’écriture "dure", l’écriture de la rue, l’écriture du vécu, me conduira à animer des ateliers au cours desquels une personne s’appropriera, ou des personnes s’approprieront, l’écriture. Leur écriture, à leur manière, unique et sublime. Or, en créant la langue dont je parlais plus tôt, j’ai découvert quelque chose de vertigineux et d’extraordinaire : le plaisir, la chance, et la force d’impact, de manipuler… des mots neufs. Tout neufs.

 

Une langue fictive est-elle un vrai langage ?

J’entends bien. Passionnée par l’expression et par la communication, je m’accorde moi-même à dire qu’un langage est consacré par l’usage qu’on en fait. Sa valeur sacrée vient précisément de ce qu’il sert à communiquer, à faire se coïncider, se rencontrer, des pensées, déjà, des idées, mais aussi et surtout, des émotions, des ressentis, des désirs profonds. Des cœurs. Inventer de nouvelles langues quand on en laisse mourir certaines, inventer de nouvelles langues quand, plus encore, on a tellement de mal à communiquer dans celles qui existent ! Bien sûr, ce n’est pas parer au plus urgent. Le plus urgent, j’y pare tous les jours. Et je sais à quel point les mots, chaque mot, que l’on utilise, est l’écrin d’une ou plusieurs émotions, elles-mêmes rattachées à un spectre subtil de vécus. C’est cela qui complexifie l’exercice de la communication, chacun ayant ses propres écrins, et ses propres joyaux, lumineux ou ténébreux. Et encore, si on voyait clair au fond de nous-même ! Un langage de fiction n’est pas un langage vivant, mais il peut le devenir, car il a le mérite de nous renvoyer l’image neutre, et pure, d’un miroir sans trahison, sans jugement, sans idées préconçues. Un miroir d’enfant.

 

La langue de fiction, une idée à l’épreuve de la vraie vie

Au début du mois, j’ai eu le plaisir d’être invitée par un ami cher à participer à un salon du bienêtre. Ce n’était pas la première fois, mais c’était la première fois, en revanche, que j’allais proposer une activité. Un atelier. « Laissez votre cœur parler son propre langage ». C’était l’intitulé dudit atelier. Dans un cadre idéal, j’ai eu la chance de tenir cette table deux jours durant, les 1er et 2 juin derniers. Les visiteurs étaient assez surpris par mon idée. Décontenancés. Quand on m’interrogeait, j’exposais. 

"Les mots ont un pouvoir créateur immense ; le plus grand des pouvoirs créateurs, juste après les intentions, et les idées. Ils en sont la première matérialité ! Tous ceux que l’on utilise, au quotidien, même dans nos pensées conscientes, sont cependant des mots hérités, que l’on nous a transmis — pour autant qu’on les aime —, chargés d’émotions, d’impressions, de connotations. Et on les a chargés nous-mêmes, par la suite, de nos vécus. Aujourd’hui, vous avez peut-être un message à délivrer. À un proche. À quelqu’un qui vous manque. Un être absent. Un être disparu. Peut-être voudriez-vous avoir des mots neufs, pour leur parler. Des mots qui représentent exactement — et seulement — ce que vous ressentez. Vos intentions. C’est ce que je vous propose de vous aider à trouver".

Parce qu’en vérité, c’est ce que je fais, au quotidien. On dirait que j’écris mais en fait, je traduis… Je traduis ce que ressentent les personnes, ce qu’elles éprouvent, en un message qui doit vivre et atteindre son but.

Et ça a marché. Des gens ont franchi le pas. Au gré de rencontres extraordinaires, qui m’ont valu frissons et larmes, des personnes m’ont confié leurs messages. À transmettre dans un langage tout neuf, et exclusif, que je devais créer, dans les jours qui suivaient, rien que pour elles. Rien que pour ces messages. Modeler ces langages, incarner ces messages, et les remettre à leurs détenteurs, a été et restera quelque chose d’indescriptible.

Je n’oublierai jamais ces journées et le sentiment d’avoir donné, par cette entrée dans la « vraie vie », via la grande porte des relations, des émotions, des douleurs et des amours, une autre légitimité aux langages de fiction — qui ne m’ont pas attendue pour en avoir et ne m’ont rien demandé. En tout premier lieu, c’était un cadeau pour moi, et c’est un petit insigne, un blason que j’ajoute à leurs armoiries. Avoir créé une langue de bout en bout ou presque, car on n’invente jamais rien totalement, m’a tant apporté : pour me connaître, me faire comprendre comment je réfléchis et associe les choses, comment je peux les associer différemment, quel sens je leur donne, comme je peux recréer ces sens ! Cela a tellement enrichi ma nature première de créatrice, je ne pouvais concevoir de ne pas mettre à profit cette… propension, dirons-nous, pour d’autres.

 

Comment et pour qui créer une langue de fiction

Aujourd’hui, le projet se développe. Doucement, à l’allure de son propre printemps. Il embaume. Des chansons, en préparation, d’autres ateliers, des évènements. Je ne suis pas linguiste. J’aime notre langue, et toutes les langues, infiniment ; je voudrais les remercier pour ce qu’elles nous offrent et exploiter bien mieux tout ce que l’on en néglige. Je vis de ma passion, je l’incarne à l’équilibre entre son sel de folie artistique, son décalage permanent, et la réalité crue, brute, celle dans laquelle il est le plus difficile de déployer et de faire vibrer les fragiles ailes des récits merveilleux. Je sais que ce qui fait le plus mal, toujours, c’est l’interruption du dialogue. Parfois, il faut qu’un dialogue s’interrompe, sous une forme donnée. Parfois, souvent, on subit son interruption. Une relation qui se dégrade. Des intérêts, des désirs qui divergent. Des opinions qui se heurtent. La mort qui frappe. Mais notre cœur, lui, n’a jamais fini de dire ce qu’il ressent. Ce qu’il souhaite, ce qu’il porte, ce qui l’anime. Si nous pouvions l’exprimer bien mieux, bien plus fort, plus facilement, tant de maux en seraient évités et tant en seraient guéris ! C’est à nous d’inventer et de réinventer nos codes, nos interprétations, nos messages eux-mêmes, pour ne jamais laisser s’éteindre la communication. Pour dire encore et encore, afin de générer le beau, le meilleur. Quitte à inventer des langages pour retrouver la joie immense de parler le cœur nu.

 

Bruna Toffaloni

 

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@Élizabeth M.AÎNÉ-DUROC Contente de vous retrouver ici, Bruna.
J'avoue pour ma part avoir été peu convaincue par votre long billet. Peut-être manque-t-il quelques exemples qui aideraient les lecteurs de cette tribune à mieux comprendre l'intérêt d'une démarche, qui, au prime abord, permettrait de mieux communiquer avec soi-même ou d'exprimer plus facilement ses ressentis à des proches en contournant ses blocages.
Dans le genre SF, j'ai eu l'occasion de lire des romans émaillés de mots nouveaux, mais si ceux-ci définissaient personnages, lieux ou objets, jamais ils ne contribuaient à mieux véhiculer quelque sentiment complexe, comme en sont capables des écrivains dans notre belle langue, par la fouille, la précision, l'image, le symbole, le jeu de mots... Enfin, ce n'est que mon humble avis ;-)...
Bon week-end, chère Bruna. Amicalement,
Michèle (ex-Lamish)

Publié le 06 Juillet 2024

@Michel LAURENT
C'est une drôle d'idée que de vouloir priver le français d'une moitié de son vocabulaire, une langue justement réputée pour offrir une palette subtile, un nuancier extraordinaire pour peindre les idées et les sentiments, la pensée et l'amour, la vie dans sa complexité et sa poésie. De toute façon, n'est-il pas malheureusement remarquable que la chose est déjà mise en pratique, si l'on en juge par la pauvreté lexicale d'un grand nombre d'écrits sur ce site ? Une moitié du vocabulaire ? Je crains fort que de trop nombreux auteurs aient déjà opéré pour leur compte une amputation des trois-quarts - sinon plus...

Publié le 03 Juillet 2024

@Bruna Toffaloni Pensez-vous qu'il serait possible de créer une langue, qu'on appellerait par exemple français vernaculaire, où il faudrait deux fois moins de mots pour exprimer une pensée ou écrire un article ?

Publié le 03 Juillet 2024

@Élizabeth M.AÎNÉ-DUROC
Tout d'abord, merci pour votre réponse, encore que je ne sache plus très bien à qui je m'adresse, à une Bruna ou à une Elizabeth. Mais j'imagine que cette double identité illustre onomastiquement votre désir de donner aux mots, fussent-ils des noms propres, une peau neuve. Bref, je vous ai lu et force m'est de vous dire que vous ne m'avez guère convaincue. Certes, je conçois assez volontiers le plaisir (solipsiste ?) qu'on peut prendre à créer de toutes pièces une langue, mais, si le maître mot reste la communication (ou la transmission), je comprends mal pourquoi on ne se contenterait pas de la poésie, qui, elle, en usant d'un vocabulaire connu de tous, parvient à traduire dans le meilleur des cas ce qui, sans elle, resterait sans doute dans le domaine de l'indicible, tout en laissant à interlocuteur une chance d'entendre et de comprendre ce que le poète lui confie. Parce que le poète, justement, ne parle pas une langue étrangère (ou "fictionnelle") ; il offre seulement au langage une manière nouvelle de traduire une réalité. Prenez par exemple les poètes dadaïstes et surréalistes. D'un côté «Les dents affamées de l’œil/ couvertes de suie de soie/ ouvertes à la pluie/ toute l'année/ l'eau nue/ obscurcit la sueur du front de la nuit/ l’œil est enfermé dans un triangle» (Tzara) et de l'autre "Les guêpes fleurissent vert/L’aube se passe autour du cou/ Un collier de fenêtres/Des ailes couvrent les feuilles/ Tu as toutes les joies solaires/ Tout le soleil sur la terre/ Sur les chemins de ta beauté". (Eluard). Sans passer par l'artifice un peu vain de créer une langue incompréhensible à tous, ne parviennent-ils pas , en usant de mots simples, accessibles à chacun, à offrir au langage une dimension nouvelle, cette peau neuve qui semble vous tenir tant à cœur ?
Bon, j’arrête ici ; je pourrais vous tenir sur le sujet pendant des heures ; malheureusement, le temps me manque ; il faut encore que j'aille fesser ma jeune nièce Colombe qui a commis la faute de pondre encore une fois en dehors de son nid. Sans compter qu'il faut que je bine avant l'aurore mon parterre de synovies.
Bien à vous, à votre descendance et à vos ancêtres.

Publié le 03 Juillet 2024

@Henrietta Savernake

Chère Henrietta,

Bonsoir ! Je suis ravie de vous trouver encore vivante à la fin de la lecture de cet article, il est si long ;) ! Ça alors, une langue de fiction rien que pour moi, je souris, je ris, même, mais je suis très touchée. Les sonorités que vous avez créées, volontairement ou non, sont superbes !
Aucune récurrence dans ces quinze mots, c'est un indice ! Si j'ai besoin d'inspiration et que je suis en manque, je viendrai vous trouver, faites attention.

Pour le reste, je veux bien croire que vous en trimballez une sacrée couche (si vous le dites !), mais vous n'êtes assurément pas la reine des andouilles. Je crains que la place soit déjà prise. Sérieusement, j'adore votre question, vous verriez ma mine réjouie ! C'est excellent, et même génial, comme remarque. En fait, la "lutte contre le déficit en communication", je la mène au quotidien, dans mon engagement personnel et, en prolongement de cela, dans l'exercice de mon métier. Par l'accompagnement en création de langues de fiction, je propose surtout aux personnes... de se réapproprier leurs propres messages, en se réappropriant d'abord leurs émotions — celles que véhiculent notamment les mots —, par le truchement d'un vocabulaire qui n'est pas déjà marqué. C'est surtout à cette expérience de la "place nette", du silence, d'une certaine virginité, que je pense, et c'est elle qui, je pense, peut faire levier pour véritablement débloquer des choses en communication ; pour retrouver de la confiance en soi, de la motivation, de la créativité. Il est paradoxal de penser que guérir la communication passe par l'appropriation d'un vocabulaire que personne ne comprend mais, cela nous place face à plusieurs réalités : qu'est-ce que "comprendre",d 'abord ? Et puis, nous sommes responsables des messages que nous transmettons, de leur qualité, et nous sommes seuls face à eux, au départ, car nos émotions et nos intentions ne sont connues que de nous, et les mots que nous employons pour les transmettre ont, en fin de compte, une résonance intime et unique. Plus nous serons en mesure d'admettre et d'assumer cela, plus nous valoriserons nos mots, leur choix, leur emploi, plus nous intensifierons le pouvoir de ce qui les motive, et moins nous serons choqués ou déçus s'ils ne sont pas reçus tel que nous l'avions imaginé. Nous serons alors en position de recommencer, de réessayer, de reformuler... ainsi de suite. De créer un passage, toujours.
Enfin... je n'ai pas réellement dit que seules les personnes détentrices des langues fictives telles que je les pense, pouvaient les connaître et les maîtriser. Elles sont faites pour être partagées, précisément ! Avec des êtres chers à qui on voudrait parler à l'aide de mots neufs, purs, et qui n'expriment QUE nos intentions, avec des proches, des amours, des amis. Et, oui, aussi, avec des absents et des disparus, mais cela... c'est un souhait que j'ai des raisons de porter.

Voilà, chère Henrietta, j'espère que votre lanterne aura reçu cette huile sans tousser et, s'il vous reste des questions, n'hésitez pas à les poser !
Je vous souhaite une très bonne soirée.

Publié le 02 Juillet 2024

@Bruna Toffaloni
Debriv vabachem, mel othepaz na goubrite, debo xte arcrodacite varkoru. Brekopate, solinarpredaceù, vroudaq o coritora.
PS : En votre honneur, je viens de créer une langue "fictionnelle". Vous n'y comprenez rien ? Peu importe ; au fond, c'est même plus beau que si mon message vous était compréhensible.
PPS : Je ne voudrais pas me montrer plus idiote que je le suis en réalité (je vous assure pourtant que je m'en trimballe une sacrée couche), mais, si je vous ai bien comprise, vous envisagez de lutter contre un certain déficit de la communication par l'invention d'une langue que le locuteur est le seul à comprendre. Il y a là-dedans quelque chose qui m'échappe. Mais c'est très certainement que je suis la reine des andouilles. Pourriez-vous m'expliquer ?

Publié le 02 Juillet 2024