La déclaration de John Irving selon laquelle "l’auteur doit connaître la fin de son roman avant de le commencer" suscite un débat intéressant parmi les écrivains et les passionnés de littérature. Certains soutiennent cette approche structurée, tandis que d’autres préconisent une plus grande liberté créative.
Quand on sait comment travaille le maître, quand on lit ses Delicatessens, quand on plonge dans la verve du "Monde selon Garp", "L’œuvre de Dieu, la part du diable", "Une veuve de papier" (bref, nous n’allons pas citer toutes ces lectures jubilatoires), comment soutenir une autre thèse que la sienne ?
Connaître la fin dès le début permet à l’auteur de structurer son récit de manière cohérente. Cela aide à planifier les arcs narratifs, les points de tension et les résolutions de manière efficace, assurant ainsi une progression logique et captivante de l’histoire.
Avoir une fin en tête permet d’intégrer des éléments de présage et des thèmes récurrents de manière subtile tout au long du roman. Cela renforce l’unité narrative et donne une profondeur supplémentaire à l’histoire. De livre en livre les thèmes de Irving se déroulent : la lutte gréco-romaine, la prostitution, la ville de Vienne, les parents absents, les ours… l’œuvre devient une toile.
Une fin bien pensée et préparée peut offrir une conclusion satisfaisante et mémorable aux lecteurs, ce qui est essentiel pour un impact durable. Chaque œuvre lue de Irving reste ancrée dans la mémoire. Comme si l’auteur nous transfusait son univers d’écrivain.
- Stephen King — Stephen King est souvent cité pour sa méthode d’écriture organique. Dans son livre "On Writing : A Memoir of the Craft", il explique qu’il commence généralement avec une idée de situation et laisse l’histoire se développer naturellement sans plan préalable. King préfère découvrir l’intrigue et les personnages au fur et à mesure qu’il écrit.
- Haruki Murakami — Murakami est un autre écrivain qui adopte une approche similaire. Il a mentionné dans plusieurs interviews qu’il commence ses romans sans savoir où ils vont aboutir. Il écrit chaque jour et laisse l’histoire évoluer de manière spontanée.
- George R.R. Martin —L’auteur de "A Song of Ice and Fire", la série qui a inspiré "Game of Thrones", a parlé de deux types d’écrivains : les architectes et les jardiniers. Il se considère comme un jardinier, ce qui signifie qu’il plante des graines d’idées et les laisse pousser naturellement, sans plan précis.
- Ray Bradbury — Ray Bradbury, auteur de "Fahrenheit 451" , est connu pour son approche intuitive de l’écriture. Il croyait fermement à l’importance de l’écriture spontanée et se laissait souvent guider par ses émotions et son imagination.
- Toni Morrison — bien que Toni Morrison, lauréate du prix Nobel, a eu une grande maîtrise de la structure narrative, elle a également parlé de l’importance de l’intuition dans son processus d’écriture. Elle laissait souvent ses personnages et leurs histoires évoluer de manière organique.
Que l’on choisisse de connaître la fin de son roman dès le début ou de laisser l’histoire évoluer de manière plus spontanée, l’essentiel est de trouver une méthode qui correspond à sa propre vision et style d’écriture. En fin de compte, il n’y a pas de bonnes ou de mauvaises approches, seulement des chemins différents vers la création d’histoires captivantes.
Vous avez écrit un livre : un roman, un essai, des poèmes… Il traine dans un tiroir.
Publiez-le sans frais, partagez-le, faites le lire et profitez des avis et des commentaires de lecteurs objectifs…
Foxyne Moon
Je ne pourrais parler que de ma façon de faire bien évidemment et je pense que chacun a la sienne.
J'ai écrit un livre sur le développement personnel et un conte pour enfants. A chaque fois, la phrase de fin m'est venue comme une fulgurance. J'avais bien évidemment la trame de mes deux ouvrages. Heureusement du reste. Cela m'a aidé de deux manières : afin de me motiver à aller jusqu'au bout de mon projet. En effet, il m'est arrivé très souvent de ne pas connaître l'issue de ce que je commençais et me projetant beaucoup moins, cela m'a semblé plus difficile ; la seconde est que cela m'a dirigé correctement et indiqué la trame de mes livres. Pour finir, pour ce qui concerne le conte, la suite s'est dessinée d'elle-même.
Voilà pour ce qui est de ma toute petite expérience d'auteure.
@je ne sais pas qui (impossible de trouver le nom de l'auteur.e de ce papier).
Bonjour à tou(te)s,
Ce qui me frappe c'est le nombre de commentaires (11) en seulement 3 jours : une performance doublée d'une grande diversité d'opinions.
A mon modeste niveau de philosophe-amateur autodidacte, j'aurais tendance à combiner 2 approches, tels que je l'appliquais dans ma vie active aux métiers variés. L'intuition et l'imagination naturelles m'inclinent à la spontanéité non planifiée (encore que pour des romans et intrigues c'est moins évident) suivie d'une planification structurée. Cette méthode ce n'est pas moi qui l'ai inventée) est de travailler en 2 étapes distinctes: 1) pas de contrainte = monde idéal; 2) ensuite, imposer des contraintes = monde réel. Cette approche a le mérite de ne pas brider l'a progression de son objectif, souvent annihilée en faisant le "tout-en-même-temps".
N'y voyez pas une quelconque allusion ... Amicalement de la part d'un Belge.
@je ne sais pas qui (impossible de trouver le nom de l'auteur.e de ce papier).
Oh John Irving, qu'est-ce que j'ai aimé! Je suis surprise qu'il connaisse la fin de ses romans en les démarrant (Le monde selon Garp par exemple... dont j'ai d'ailleurs oublié la fin ahah), hormis certains de ses récits comme "Une prière pour Owen" puisque tout est construit par rapport à un point d'orgue final qui va, rétrospectivement, expliquer toute la construction du récit, les éléments s'agençant peu à peu tels des indices (ah mais c'était donc pour ça que...).
Chez John Irving, c'est tellement fourmillant, grouillant et délirant que j'aurais imaginé un auteur se laissant entraîner dans le récit au gré de son imagination... ce que l'on ressent aussi avec Murakami qui, lui, justement ne connait pas la fin de ses romans quand il commence.
Bon, entre ce qu'ils disent et ce qu'ils font, les écrivains hein mon tintin...
Pour ma part, je me demande si c'est vrai de tous les romans d'un même auteur, de connaître ou non la fin : on peut bien imaginer que pour certains récits, oui, on en connait la fin, quand pour d'autres, eh bien on ne la connait pas?!
En quelque sorte, le en même temps de "la fin des romans" :)
Merci pour votre article en tout cas, cela m'a donné envie de relire ce bon vieil Irving!!
Bonjour, eh bien, personnellement (la gonzesse qui n'écrit plus une ligne depuis bientôt deux ans (MDR)), connaître "la fin" est une condition sine qua non. La super motivation XXXXXL pour savoir par quels invraisemblables tournants, tourments et tutti quanti faire passer mes personnages. "Sans destination, aucun vent n'est le bon vent", a dit un Grec, mais bon, hein... les Grecs...
Pourquoi connaître la fin se retourne forcément contre l'auteur ? Parce qu'à mon sens, l'auteur doit être le premier lecteur de son histoire.
Au début du récit, il ne connaît pas encore suffisamment ses personnages. Or, la condition sine qua non à une intrigue accrocheuse est que ceux-ci évoluent au cours du fil narratif. Si l'auteur anticipe trop en amont chaque étape de cette évolution, le récit peut vite devenir aseptisé et la fin prévisible.
Par contre, s'il découvre ces changements au fur et à mesure, quand la réaction du personnage surprend l'auteur, alors forcément elle surprendra le lecteur.
Bien sûr, l'auteur ne doit pas lâcher complètement la bride au risque de perdre la maîtrise de ses thématiques et de la cohérence globale, mais je suis persuadé que s'autoriser à l'improvisation est le meilleur moyen de garder un rythme efficace et donc d'obtenir la seule conclusion qui s'impose, car relevant de la logique induite par l'arc narratif.
N'avez-vous jamais connu ce sentiment jubilatoire que vos personnages vous prennent au dépourvu ?
Merci beaucoup pour l'article inspirant
Merci pour cet article inspirant. Quand j'écris un livre, souvent j'ai une idée de la façon dont je veux le conclure, un ou deux points étapes intermédiaires. Je passe ensuite en mode jardinier en me demandant comment je passe du point A au point Z et je me laisse porter. Je dois être un bébé Irving-King ! LOL
John Irving se montre bien tranchant en évoquant son point de vue comme un passage obligé... Enfin ! "Que l’on choisisse de connaître la fin de son roman dès le début ou de laisser l’histoire évoluer de manière plus spontanée, l’essentiel est de trouver une méthode qui correspond à sa propre vision et style d’écriture. En fin de compte, il n’y a pas de bonnes ou de mauvaises approches, seulement des chemins différents vers la création d’histoires captivantes"... Voilà qui conclut agréablement cette tribune et me va mieux ;-) !
Merci pour ce billet. Amicalement,
Michèle
Tout le monde ne procède pas de la même façon. Personnellement, j'ai besoin de tout planifier. Oui, même la fin. Mais on sait tous comment ça fonctionne, l'idée de départ est souvent à milles lieux du résultat final.
Je pense que chaque cas est un cas particulier. Mais de là à partir sans idées préconçues...
Une vision Claire pour une narration cohérente me semble plus courante chez les auteurs.
J'imagine qu'Agatha Christie devait construire ses romans à suspense en ayant soigneusement imaginé et élaboré la fin avant de développer les rebondissements de sa trame.
Un auteur fonctionne comme un architecte. On imagine mal un architecte construire un édifice en improvisant à chaque étape. Si tel n'était pas le cas, les édifices les plus anciens n'auraient pas traversé les siècles.
De même, je me suis toujours fait la réflexion que les romans de Victor Hugo, d'Alexandre Dumas, de Balzac, pour ne citer que ceux-là, avaient fait l'objet d'un plan très structuré, pointilleux. Balzac poussait même le détail jusqu'à modeler les figurines de ses personnages.
Les exemples sont bien choisis pour illustrer la diversité de procédés et faire débat. Merci à cette auteure. MC
Votre article est passionnant mais vous avez oublié une autre hypothèse, celle où l'auteur laisse le lecteur libre de choisir la fin. @Sylvie de Tauriac
J’ai un peu de mal à imaginer qu'un roman soit terminé avant même d'avoir commencé. À moins de considérer le romancier comme un être rigide et planificateur, n’ayant nul besoin de suspense et d’inspiration en cours de route. Je n’imagine pas davantage un peintre commençant une toile en sachant déjà où chaque coup de pinceau doit aller.
Murakami construit son intrigue au fil de l’écriture sans en connaître la fin. D’où un foisonnement d’idées et de situations, de digressions, parfois de longueurs voire d’égarements. Mais une indéniable richesse ! Irving est bien-sûr tout à fait justifié à penser différemment. La seule chose gênante dans son propos est l’injonction impérative selon laquelle il « doit » nécessairement en aller ainsi. On a le droit de croire qu’un roman s’écrit comme on monte un meuble IKEA : en suivant le manuel pas à pas, sans dévier d'un centimètre.
Mais on peut aussi penser qu’il suffit que le lecteur connaisse la fin de l’histoire avant d’en commencer la lecture. Cela fera gagner du temps à tout le monde !