La Planète Terre
Au centre du Système Livresque, la Terre est le lieu mythique où rêvent d’atterrir les auteurs de tout l’univers. C’est ici que se trouvent les lecteurs, les critiques et le succès tant convoité. Les habitants des différentes planètes la scrutent avec obsession, mais peu parviennent à y poser pied durablement.
Chez les Terriens existe une croyance fortement ancrée : "Le lecteur est roi". C’est lui, le lecteur (une espèce bizarre, en voie d’extinction), qui décide de la vie ou de la mort des livres. Et souvent, les peuplades des trois planètes (surtout deux sur les trois) ont tendance à oublier cette dure réalité terrestre. Pouce en haut, le livre passe et avance vers les Champs Elyséens. Pouce en bas, et c’est le Pilon.
La Planète NǾvis
La planète NǾvis est un amas chaotique de textes flottants, sans véritable structure. Elle se situe à "gauche" de la Terre. Le sol, composé de tous ces textes, est fort instable. Parfois, il arrive qu’on marche sur l’un d’eux et l’on s’enfonce si profondément qu’on se retrouve de l’autre côté de la planète. On a alors la tête à l’envers, ce qui n’est pas pratique pour continuer sa progression. Certains de ces livres sont des trous, d’autres des trempolines ou des toboggans, des tunnels, des terrasses.... Bref, on avance sans savoir. Les habitants, appelés les NǾvissiens, sont des êtres assez rêveurs et totalement dispersés. Ils ont chacun leur rêve littéraire, mais, la plupart du temps, ils pédalent dans la semoule, croyant que publier un texte suffit à faire d’eux des écrivains reconnus.
Nombreux sont les NǾvissiens à se croire seuls sur la planète, premier conquérant attendu par une foule en délire. Ils en oublieraient presque qu’ils sont bientôt 15 millions à avoir le même rêve. Ils en oublieraient presque qu’il y a plus de NǾvissiens dans le Système Livresque qu’il n’y a de lecteurs sur la planète Terre. Erreur de jugement ? Amnésie sélective ? A cette heure, personne n’a de réponse.
A quelques exceptions près, les NǾvissiens, assez évanescents par nature, ne semblent pas comprendre qu’il faut plus que la seule publication d’un texte sur leur planète pour capter l’attention des lecteurs de la Terre. Ils oublient résolument que leurs premiers lecteurs se trouvent précisément sur la planète NǾvis, leur planète fragile écosystème dont ils sont les principaux acteurs.
"Pédalons les uns avec les autres, les uns pour les autres" Précepte extrait du Grand NǾvis BoůK, dit aussi "Ze Holi BoůK".
Pourtant, il est une évidence que la planète NǾvis étant à propulsion humaine, elle ne peut se maintenir en orbite autour de la Terre, et tourner sur elle-même, qu’à partir du moment où tous les NǾvissiens pédalent ensemble et de concert.
Comme c’est loin d’être le cas, la planète NǾvis part en vrille, elle s’enfonce, rétrograde. Certains NǾvissiens, ne parvenant plus à être retenus au sol par la force d’attraction, sont éjectés de la surface de la planète, et dérivent pitoyablement dans les profondeurs cosmiques obscures zé glaciales.
La Planète ArtisẫnaX
En opposition à la planète NǾvis, la planète ArtisẫnaX (qui se trouve à "droite" de la Terre) est mieux structurée, bien que froidement instable. Les habitants, les ArtisẫnaXiens, sont convaincus que grâce à leurs procédures méticuleuses et à leur organisation ils parviendront à conquérir la planète Édiωon [terre des Germanopratins], ou même à détruire sa population pour s’y installer.
Pour la plupart, les ArtisẫnaXiens pensent que tout est question de méthode et de discipline. Ils suivent des règles, rédigent des manuels et sont persuadés que cette approche leur permettra de conquérir le marché littéraire.
Si certaines contrées de la planète ArtisẫnaX sont de plaisantes prairies, l’essentiel de cette planète est entièrement construit [genre Silicon Valley]. Ce sont généralement des villes très bien organisées, rationalisées. On y trouve, où que l’on soit, des plateformes de travail, où tous les ArtisẫnaXiens suent à grosses gouttes pour faire "monter leurs livres".
Comment faire "monter son livre" ?
Les livres sont posés au sommet de pisvis [espèces de pistons qui peuvent soit monter/descendre comme un piston, soit monter, comme une vis sans fin, jusqu’à atteindre un niveau optimal]. Quand le pisvis atteint le niveau optimal, un bras mécanique récupère le livre arrivé à sa hauteur et l’insère automatiquement dans un tube pneumatique qui le propulse vers la Terre [là où sont les lecteurs]. Pour que le pivis arrive au bras mécanique, ArtisẫnaXien doit pédaler comme un malade pour éviter au pivis de repasser en mode piston et redescendre, ce qui arrive fréquemment. On dit à ce moment-là que L'ArtisẫnaXien yoyotte.
La Planète Édiωon
La planète Édiωon, habitée par les Germanopratins est une toute petite planète de 28,2 ha, qui se situe à 48° 51′ 16″ nord, 2° 19′ 59″ est du centre de la Galaxie GAïagrasseuil. Petite, minuscule, ridicule même par ses dimensions, mais extrêmement puissante, elle roule pour elle-même dans le Système Livresque et aveugle les trois autres planètes de ses incomparables lumières.
Nul ne peut se targuer de connaître les pensées des Germanopratins, nul n’en pénètre les arcanes. Les sont, en quelque sorte, les Dieux de l’Olympe Littéraire. Éloignés, adulés, ils sont inatteignables et se drapent dans leur dignité en peau lystère [quintessence du tissu infroissable, intachable et inusable].
Leur planète est l’endroit où seuls les auteurs sélectionnés peuvent espérer poser les pieds, et encore, après de longues épreuves qui font d’eux des demi-dieux.
Les Germanopratins se considèrent d’ailleurs eux-mêmes comme une race supérieure au-delà des lecteurs terrestres, au-dessus des NǾvissiens et des ArtisẫnaXiens, qu’ils observent parfois avec un brin de mépris.
Longtemps seuls résidants du centre de l’Univers Livresque, ils ont été assez récemment repoussés en orbite par la génération spontanée des deux planètes NǾvis et ArtisẫnaX.
Toutefois, les Germanopratins croient encore fermement que leur système est intouchable, sans réaliser que la planète ArtisẫnaX est en train de transformer en profondeur les attentes des lecteurs terrestres, même si ce changement est encore chaotique et mal compris. Leur isolement et leur morgue les prive de comprendre les mouvements sous-jacents qui animent les autres planètes.
"Et le bonheur dans tout ça ?"
Le Système Livresque ne pourra vraiment tourner en rond que lorsque ces trois planètes comprendront qu’elles sont différentes et complémentaires.
Quant aux NǾvissiens, il serait bon qu’ils fassent le tour de leur planète pour en découvrir les merveilles. S’y promener, ne serait-ce qu’un peu, leur permettrait de réaliser que NǾvis non seulement regorge de ressources, mais qu’elle compte à elle-seule plus de lecteurs potentiels qu’il n’y en a sur Terre. Et que…
Si chaque NǾvissien est un lecteur potentiel, il en est un lui-même.
Le Bonheur est peut-être bien sur NǾvis si chaque NǾvissien fait pour les autres ce qu’il attend qu’on fasse pour lui.
Bon, mais ça, c’est ce que disent les Grands Pandits un peu naïfs (ils crèchent sur la planète m42B/S de la Galaxie Trӫ-ᶇyὄn).
Mais vous-même, comment voyez-vous la chose ?
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Il convient de préciser en passant que le temps n'est pas de nature phénoménologique
Tout ça est assez exact, oui la planète novice est un lieu d'échange et d'entraide, oui la planète édition est un lieu fermé, oui, oui tout ça.
Mais quand je vais sur la planète édition, je trouve des ouvrages de haut niveau.
Alors c'est peut-être de l'entre-soi, mais quand ça produit de la qualité, j'ai rien à y redire.
Beaucoup de déchets aussi, direz-vous.
Oui mais le ratio bonne production / production totale est-il supérieur aux autres planètes ?
Oui je pense.
Quand la planète édition publiera plus d'ouvrages de mauvaise qualité que la planète novice, je n'aspirerai plus à y entrer.
En attendant elle met la pression, elle est très sélective, elle est aussi très injuste. Mais c'est quoi l'injustice ? C'est la chance qu'on n'a pas su mettre de son coté.
Rassurez-vous j'aime bien la planète novice. Parce qu'elle est plutot positive. Sinon ce serait la planète nocive :)
Il y a aussi plein de personnes intéressantes sur cette planète, Zoé Florent, toujours positive, Catarina Viti, toujours de bon conseil...
@vous de la tribu MBS. Que pensez-vous de cette première ébauche de "familles"?
NOVISS ----- Bon filon
------- Copiage
------- Commérage (gossip stars…)
--------- Éros hard
--------- Thriller saignant comme le steak bavette
ARTISANAX ……… ou la rencontre de la grande et la petite Histoire ; on diffuse comme on peut, sociétés intéressés, associations, salons, etc., sans parler de la galaxie MBS
……… Récit de vie (voir le Que-sais-je dédié)
……… Histoire locale, et éditeurs de même ;
€DITION……… Commande d’un patron : c’est du vécu, mais on fait pas trop de qu’on veut, un peu déjanté, c’est tout ; mon meilleur souvenir est deux, 15000€ d’à valoir (avaloir aussi car il faut trimer pour produire les 900000 signes attendus, espaces non comprises… et j’en profite pour signale qu’en typographie, le nom espace est féminin)
……… rewriting, réécriture mais c’est moins chic en français, de même que rewriter est très supérieur à *nègre (lequel est en plus frappé d’indignité et de black discrimination ; hé, Alexandre Dumas, lui-même bien coloré, en utilisait :)
................................................Et qui, quoi d'autre ? Des contenus, par exemple :
.... règlement de compte en terres d'enfance"
....../ "Couples et découples"
........./ "la mort vous va si bien au teint'".
You-ouh, ça me donne des idées, Anda !
aux grandeeeees prêtresses MBS: je pédale sérieusement pour sortir mon jeu des 7 familles d'auteurs; mais ne pas compter sur moi pour les dessins, je suis nullach... Rendez-vous d'ici 24 heures... s'il ne fait pas trop beau, pask'alors ne pas sortir est une torture!
La planète édition ne m'intéresse pas : suis-je un extraterrestre ?
@Michel LAURENT
Les shadoks racontés par l'inimitable Claude Piéplu, que de souvenirs !
Cette tribune pourrait en effet être un bon point de départ pour une série du même genre :
"À l'origine, la planète NǾvis était un petit astéroïde autour duquel s'étaient regroupés quelques auteurs catapultés jusque là par le bouclier infranchissable d'Édiωon. Comme ils avaient tous des textes avec eux, ils décidèrent de les répandre à la surface de l'astéroïde pour voir l'effet produit.
Petit à petit, de plus en plus d'auteurs passant au voisinage de NǾvis y déposèrent leurs textes, parce que décidément, ça faisait joli. Si bien que NǾvis se mit à grandir de plus en plus, jusqu'à devenir une planète avec des habitants permanents, les NǾvissiens. Et en grossisant, elle attirait toujours plus de monde : des auteurs renvoyés par le bouclier d'Édiωon, mais aussi des ǾvNis provenant de régions encore plus reculées de l'espace, qui passaient par là par hasard. Certains arrivaient comme des comètes et disparaissaient presque aussitôt, d'autres s'installaient en orbite ou atterrissaient.
Entre temps, les premiers NǾvissiens s'étaient aperçus qu'un sol fait avec des textes, ça n'était pas très solide ni très stable, et que si on ne trouvait pas un moyen de maintenir tout ça ensemble, des bouts pouvaient s'en détacher et s'éparpiller dans le vide spatial. Ils inventèrent donc le système PP (pédalage participatif) dans lequel chaque NǾvissien devait pédaler autour de la planète en lisant les textes des autres. De temps en temps, si un NǾvissien s'arrêtait de pédaler pendant trop longtemps, il n'était plus retenu par le champ gravitationnel de la planète et retournait se perdre dans l'espace, pendant que son texte plongeait dans les strates les plus profondes du sol à mesure qu'il était recouvert par d'autres.
Et les NǾvissiens pédalaient, pédalaient, pédalaient..."
@mBS
Je soupçonne la Galaxie Trӫ-ᶇyὄn d’avoir absorbé le système solaire où régnait jadis la tribu des Shadoks, celle qui avait pour Déesse Pompée. Elle nous a laissé des pensées essentielles comme :
Je pompe donc je suis.
Il faut pomper pour vivre et non vivre pour pomper.
Il vaut mieux pomper même s'il ne se passe rien, plutôt que de ne pas pomper et de risquer qu'il se passe quelque chose.
Mais la grande devise, toujours d’actualité, de cette tribu reste pour moi :
Il est beaucoup plus intéressant de regarder où on ne va pas, pour la bonne raison que là où on va, il sera toujours tant d'y regarder quand on y sera.
Bonjour à vous, chers NǾvissiens. Eh oui, elle est belle votre planète.
Sachez que lorsque vous êtes plusieurs à pédaler ensemble, c’est à dire vous lire les uns, les autres, et vous laisser au moins un cœur [dont la signification est MERCI], la planète NǾvis émet un rayon qui parvient jusque sur Terre et, de là, est réfléchie en direction de la Galaxie Trӫ-ᶇyὄn... ce qui permet à la planète m42B/S de recevoir un minimum de jus pour pomper. Car, chers NǾvissiens, si vous devez pédaler pour vous maintenir en orbite, souvenez-vous que la planète m42B/S doit sérieusement pomper pour éviter de se faire emporter dans le Trou Noir qui se trouve à gauche du centre de la Galaxie Trӫ-ᶇyὄn.
Ainsi, l’hymne de notre singulière collectivité pourrait être (en tout cas, pour le refrain)
Pédalez, nous pompons
Pompez, nous pédalons.
Enfin, vous voyez l’genre.
Dites donc, miss @Marie Berchoud, auriez-vous l’amabilité de pédaler un peu plus vite, votre message, bien qu’alléchant, n’est arrivé sur m42B/S que par bribes... Développez, Marie, développez, au besoin changez de braquet.
Bonjour,
et merci à l'auteur de cette savoureuse visite guidée du système livresque !
En effet, les habitants d'Édiωon ont entouré leur belle planète d'un bouclier répulsif très efficace qui la rend peu engageante. Le champ gravitationnel de NǾvis est infiniment plus accueillant.
Dans un autre registre, l'idée de @Marie Berchoud de constituer un jeu des sept familles mBS est brillante. J'ai hâte de la voir se concrétiser :-)
Ce qu Ediwon n'ose avouer, c'est qu'elle se contracte - jour après jour - implorant de ne pas imploser en un trou noir, sous le champ gravitationnel de ses propres pensées impénétrables.
Le comble de désespoir pour Ediwon, sensée par essence rayonner, serait de terminer invisible...
La sérénité ne serait-elle pas sur NOvis, pour celles et ceux qui prennent leur yoyottage livresque avec philosophie ?
"Ne nous prenons pas au sérieux, il n'y aura aucun survivant." (Alphonse Allais)
"Il y a ceux qui écrivent, histoire de.
Et ceux qui en font toute une histoire." (Majead At-Mahel Art’felinat)
Toutes les expériences d'écriture se ressemblent, à quelques nuances égotiques près. Le ton léger de ce billet me plaît. Son rédacteur (ou sa rédatrice) a su faire le tour de la situation avec humour.
Il serait temps de réaliser qu'en dehors de rares élus qui surfent en yacht, nous sommes embarqués sur le même boat-people des mots. Alors oui : "Le Bonheur est peut-être bien sur NǾvis si chaque NǾvissien fait pour les autres ce qu’il attend qu’on fasse pour lui."
Bonne journée à tous. Amicalement,
Michèle
Réflexion faite mais pas parfaite, oui, c'est bien résumé, merci. J'aimerais ajouter un grain de sel, et pour préciser disons une idée : imaginez le jeu des sept familles ?, vous connaissez tout le monde y a joué, enfant... et si, sur le modèle de ce jeu on élaborait des "familles" MBS... à ne pas confondre avec les genres-sous genres et autres billevesées des libraires; quelque chose qui serait doté d'un contenu, et pas seulement d'un forme littéraire contraignant ensuite à tel ou tel contenu, comme la romance ou le thriller ou encore la SF(j'ai commis une ou deux chroniques là-dessus cet été). Exemples de "familles": "règlement de compte en terres d'enfance" / "Couples et découples" / "la mort vous va si bien au teint'"....
De douze millions, voilà que nous en sommes à "bientôt à quinze" en quelques semaines... Alors comment voir la chose ? Ben finalement, on n'est pas si mal en petit comité sur la planète m42B/S de la Galaxie Trӫ-ᶇyὄn, non ;-) ?
Merci pour ce billet sympatoche et bonne soirée,
Michèle