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Le 21 avr 2025

Romance : la révolution du cœur

Comment un genre littéraire longtemps moqué est devenu la star des librairies et le miroir d’une génération en quête de sens, de douceur… et de frissons ?
comment le genre préféré des lectrices qui "ne lisent pas" est-il devenu le moteur d’une révolution éditoriale ?comment le genre préféré des lectrices qui "ne lisent pas" est-il devenu le moteur d’une révolution éditoriale ?

Le retour en grâce d’un genre qu'on croyait voir disparaitre

Autrefois reléguée aux coins reculés des rayons des maisons de la presse, la romance est aujourd’hui le rayon qui déborde chez les libraires.
En 2024, le genre représente 10 % des ventes de livres en France, tandis que le marché global accuse un léger recul. C’est une vague progressive mais continue qui touche une génération qu’on croyait pourtant éloignée de la lecture.

Morgane Moncomble, C.S. Quill, Emma Green… Leurs noms circulent sur les lèvres, mais surtout sur les réseaux, où TikTok (via le phénomène Booktok) transforme des lectures en best-sellers. Une vidéo, un hashtag, et voilà un roman propulsé dans les classements, sans pub ni critique littéraire.

Une littérature qui pense et témoigne de son époque

Si la romance cartonne, ce n’est pas uniquement parce qu’elle fait palpiter les cœurs, elle parle du présent. Ses personnages, souvent jeunes, fragiles ou blessés, traversent les épreuves d'aujourd'hui : harcèlement, burn-out, estime de soi, questions de genre. Le tout se déroule au sein d'intrigues où l’amour est à la fois le moteur et le refuge.

Loin du cliché de la femme passive amoureuse, du milliardaire distant, d'un accident de voiture qui remet tout en question,( apanage des collections Harlequin), la romance contemporaine revendique des personnalités féminines, des caractères forts mais faillibles et complexes, parfois drôles. Leurs relations posent les notions de consentement, d’équilibre, d'indépendance et de respect.

La communauté est la clef du succès de ces nouveaux romans roses

L’un des secrets de ce succès ? La communauté.
Sur Wattpad, Fyctia, Instagram ou TikTok, les lectrices échangent, notent, recommandent, commentent. Elles se retrouvent dans des festivals comme le New Romance Festival ou des clubs de lecture en ligne. C’est un genre qui se vit autant qu’il se lit, avec une ferveur quasi militante.

Les maisons d’édition ont compris le message. Elles soignent les couvertures, proposent des éditions collector, développent des plateformes participatives, et créent une véritable relation de proximité avec les auteures… parfois elles-mêmes issues de ces communautés numériques

Une mutation littéraire en marche, en phase et même parfois en avance sur son époque

La romance ne se contente plus de reproduire ses anciens schémas. Elle innove, elle expérimente. New romance, dark romance, romantasy, feel-good, romance LGBTQIA+… Elle se décline, se croise avec d’autres genres, et invente même ses propres codes narratifs : tropes assumés, chapitres courts, formats feuilletons.

Et derrière cette modernité apparente, elle n’oublie pas ses racines. De Jane Austen à Anna Todd, le genre s’inscrit dans une lignée littéraire cohérente, qui a toujours mis l’amour au centre, mais jamais au détriment de la réflexion.

Un miroir amer de notre société ou la femme reprend le contrôle

La romance, bien plus qu’une littérature d’évasion, devient un laboratoire de la sensibilité et des traumas d'aujourd'hui.. Elle permet d’explorer des alternatives aux normes bourgeoises, de re-pimenter les relations, de questionner la place du désir dans nos vies.

Et surtout, elle redonne une voix à celles qu’on n’écoutait pas toujours : les femmes jeunes, les femmes marginalisées, les femmes lectrices, trop souvent ignorées par les canons littéraires traditionnels. Elle permet d’aimer autrement, de se projeter différemment, de rêver collectivement.

Et demain, que restera-t-il de la romance et des phénomènes de Société qui l'accompagnent ?

À ceux qui pensaient que ce n’était qu’une mode passagère, la romance répond par des faits. Elle grandit. Elle se transforme. Portée par des auteures engagées, un lectorat passionné et des maisons d’édition "surfeuses", elle s’impose comme un genre à part entière — populaire, féministe, inclusif et même littérairement ambitieux.

Demain, elle parlera sans doute de relations poly-amoureuses, d’intelligences artificielles amoureuses, de couples queer … et toujours, de cœur, de liens humains, de vulnérabilités offertes comme les cadeaux de la vraie vie.

Parce que dans un monde qui va de plus en plus vite, la romance prend le temps. Le temps d’aimer, malgré tout.

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@michelcanal
Merci Michel pour votre commentaire inspirant. Vous m'avez fait réfléchir : lorsqu' on a grandi bercée par des histoires d'amour (et moi, rêveuse et grande dévoreuse - du moins pendant une certaine période - de romans fleur bleue), ont croit presque naturellement que l'inspiration suivra cette voie sans surprise...
Et pourtant, comme vous le montrez si bien, rien n'est automatique ! Vous, passionné d'Histoire, avez commencé par une "histoire sentimentale", et moi par une autofiction sur fond de thriller psychologique avant de glisser peu à peu vers le roman historique.
Finalement, l'écriture nous emmène souvent là où on ne l'attend pas. Merci encore pour vos mots, et pour cette belle occasion d'échanger !

Publié le 27 Avril 2025

Merci @orsini sylvie, pour mon commentaire éclairé… je suis flatté !
Comme auteur, je ne m'attendais pas, en ayant publié une "histoire sentimentale" (je préfère cette appellation française à celle, anglo-saxonne, de romance) pour mes tout premiers écrits, à ce que ce genre connaîtrait un regain d'intérêt en littérature, porté par les réseaux sociaux, notamment TikTok, et un marketing savamment dosé par les maisons d’édition pour attirer les lectrices.
Voilà que ce qui n'était dû qu'au hasard des circonstances, qui ne devait rien à l'imagination d'un auteur en mal d'écriture (ni à l'inspiration qui a été la vôtre par des autrices telles qu'Agatha Christie et Mary Higgins Clark notamment), se rangeait dans un genre qui se renouvelait. Naturellement, je ne boude pas ce plaisir. D'autant plus heureux que mon âme d'historien y trouve son compte, ce genre s’inscrivant dans une longue tradition littéraire née au XIXe siècle en reprenant les codes du roman historique et sentimental.
Je suis surtout heureux de son évolution dans l'opinion, après avoir été sous-estimée, moquée pour sa relation avec la collection Harlequin. Longtemps associée au roman "à l'eau de rose" — ce qui n'était pas flatteur —, la romance s'est diversifiée en une multitude de sous-genres plus adaptés aux jeunes générations : romance policière, romance érotique, romance historique, dark romance, new romance…
Il y aurait tant à dire ! Je me réjouis de l'audience de cet article.
MC

Publié le 26 Avril 2025

@MichelCanal
Merci Michel pour votre commentaire éclairé à propos de cette tribune. Il met en lumière, avec justesse et passion, toute la richesse historique et littéraire d'un genre trop souvent sous-estimé.
En écho à ce que vous évoquez, je me suis rappelé "Jane Eyre" ou "Les Hauts de Hurlevent" de Charlotte et Emily Brontë : deux romans du XIXe siècle qui abordaient déjà des thèmes de passion, d'émancipation, de transgression... La romance d'aujourd'hui, telle qu'elle est décrite dans l'article, est peut- être construite elle aussi sur ce type de fondations : des personnages complexes, des émotions profondes, des relations qui racontent bien plus que l'amour.
C'est beau de voir que ce genre continue d'évoluer, tout en gardant cette capacité à toucher à l'essentiel.
Merci encore pour ce regard qui redonne à la romance toute sa profondeur et sa légitimité littéraire.

Publié le 25 Avril 2025

Je signale, à toutes fins utiles, l'excellent article d'Aurélie Depraz : « La romance : Histoire d'un genre », dans lequel elle retrace la naissance et l’évolution de la romance, du XVIIIe siècle à nos jours.
C’est en 1740 qu’apparaît une première œuvre de l’Anglais Samuel Richardson «  Pamela ou la Vertu récompensée », présentant les principales caractéristiques de ce qui devait devenir le genre le plus populaire de la littérature moderne : la romance. Pamela avait connu le plus gros succès de librairie de son temps… au point qu'on la recommandait aux jeunes gens dans le cadre de l’apprentissage de la vertu, de la chasteté et de la religion, qu'on la lisait en groupe, qu'on l’intégrait à des sermons, qu'elle a connu cinq rééditions en moins de onze mois…
C’est avec Jane Austen au siècle suivant qu’elle obtiendra ses lettres de noblesse avec « Orgueil et Préjugés », « Raison et Sentiments », « Emma », « Northanger Abbey », « Persuasion » et « Mansfield Park », mêlant romance et gothique, réalisme et moralisme, humour et ironie à l’anglaise, devenant l’une des auteures britanniques les plus lues, appréciées, et étudiées encore aujourd’hui. Elle inspirera de très nombreux auteurs de romances après elle, notamment la Britannique Georgette Heyer puis Barbara Cartland (encore une Britannique), phénomène à l’accoutrement excentrique rose bonbon, romancière compulsive qui a produit 724 romans en 76 ans de carrière… et environ 160 titres inédits découverts à sa mort !
En France, on a eu « Angélique, marquise des anges », d’Anne et Serge Golon, qui a cartonné en version livresque et télévisuelle dans les années 50 et 60. Mais le genre, s’il avait trouvé ses lectrices (en cachette parce que ça faisait tache de lire des romances dans le métro) au cours de la deuxième moitié du XXe siècle, restait plutôt méprisé par les critiques littéraires. Puis quelques maisons d’édition ont tardivement commencé à lancer des collections correspondant à ce goût prononcé du public ; mais 95 % des titres dans les rayonnages des librairies, des traductions d’auteurs anglais… sont l’apanage des traducteurs d’Harlequin et de J’ai Lu…
Un temps enseignante en littérature pour la préparation d’élèves au baccalauréat, Aurélie Depraz est depuis 2018 autrice indépendante de romances historiques et de réflexions en matière d’Histoire et de littérature (notamment amoureuse).
Que ce genre soit reconnu à sa juste valeur est donc une bonne nouvelle !
Merci @monBestSeller pour cet article qui fera plaisir aux auteurs de "romance", plutôt appelée "histoire sentimentale" par les Français.
MC

Publié le 24 Avril 2025

Votre article est très bon et instructif, mais je voudrais vous donner mon avis sur ce genre littéraire qui m'ennuie depuis ma jeunesse. La romance est un genre féminisé, exclusivement construit sur des émotions et sur l'amour, sujet abordé avec naïveté. En d'autres termes ces romans à l'eau de rose sont d'un vide abyssal. Les jeunes filles négligent les lectures qui pourraient leur apporter quelque chose en meublant leur esprit, pour se farcir le cerveau d'histoires sans intérêt. Cela dit, ce genre littéraire fait vivre les maisons d'édition et si tout le monde était comme moi, la romance ne se vendrait pas, ce qui serait un préjudice pour l'édition. @Sylvie de Tauriac

Publié le 24 Avril 2025

Moi aussi je conjugais romance au passé, mais c'était sans doute une erreur !

Publié le 24 Avril 2025

Un genre de littérature dont j'avais entendu parler, mais qui me semblait, à tort, réservé à un lectorat de jeunes filles. Cet article permet de découvrir un univers nouveau et me donne des pistes pour mieux l'appréhender. Merci !

Publié le 23 Avril 2025

Un article éclairant qui réussit à déconstruire les clichés persistants sur la romance tout en soulignant sa formidable capacité à évoluer avec son époque. C’est un genre qu’on a longtemps regardé de haut, alors qu’il est aujourd’hui l’un des plus vivants, des plus sincères. J’aime cette idée que la romance parle du monde, des failles, des doutes, des blessures… et qu’elle le fait avec cœur, avec humour parfois, et une lucidité désarmante. Ce n’est plus une lecture légère pour rêver, c’est une manière de se reconnecter à soi, aux autres. Et franchement, ça fait du bien. Merci pour cet article !

Publié le 23 Avril 2025