"La poésie est acte de résistance de la langue à la barbarie du prêt-à-penser et au siège de la bêtise." Extrait de Les Prisons mobiles, Jean Hansmaennel. Vraiment ? Qu’est-il donc ce siège de la bêtise ?
Est-ce la cage où reposent les élèves attendant l’office, le moment espéré où le sage sort son livre et de son verbe érudit transmet la culture ? Est-ce l’endroit si commun que l’ange poète ne s’y rend qu’à tâtons, sinon à reculons ?
Un autre moyen de cloisonner celles et ceux qui savent de celles et ceux qui n’ont pas cette chance, car il est bien commode d’exciter la bêtise afin d’accéder à l’élite pour soi-même ?
Cette superbe poésie ne se prête guère aux jeux immondes du préétabli, du prêt-à-penser, du commun qui dévoie la beauté en l’amputant de sa rareté, évidemment : la poésie est toujours un sublime monument érigé à la gloire des mots, des idées, et non des Hommes. Elle se doit de s’élever, de se soustraire à la masse immonde de notre monde mortel et ainsi accéder par son essence à l’éternité. Il n’existe heureusement jamais de clichés, de raccourcis, de chemins tant choisis qu’ils en sont devenus les plus aisés à emprunter, jamais de fautes ni d’idioties, pas l’ombre d’un sens commun, à la glorieuse graine donnée par le poète héros, ce fabuleux mystère appelé poésie.
Foutaises, et élitisme mal placé.
La poésie est acte de prêt-à-penser sous couvert de résistance à la cruauté du monde commun, acte d’égocentrisme assis sur le siège de la suffisance endormie dans le lit de la bêtise. Acte de mots, actes en pensées, jamais acte de fait, car le poète est un froussard patenté doublé d’un orgueilleux lyrique ampoulé. La poésie se définit elle-même comme un art supérieur connecté au divin, flottant avec l’allégresse d’une fausse candeur sur l’ondée monologuée d’un personnage pompeux.
La poésie est un leurre usité par l’égo pour convaincre les gens de sa prétendue haute valeur.
Quant au fameux poète, valeureux guerrier de la beauté loué par ses propres muses : infatigable narcisse emmuré dans la tour d’ivoire qu’est devenu son esprit, il abreuve son monde de sa prose sotte et molle avec l’espoir un peu fou d’un jour voir son nom partout écrit en lettres d’or. Affabulateur malicieux, éternel égotiste, il se sait désigné par un doigt venu des cieux.
Devenu obséquieux par la force des choses, le rhapsode autoproclamé radote et ergote sans arrêt, attentif à l’éloge que lui doit le bon peuple, cet idiot endormi, égoïste paresseux. Et patiente des années en quête de ce butin attendu, ce trésor de louanges plus rêvées que méritées. Sans doute vaut-t-il mieux flâner et se perdre dans un cimetière un soir de pleine lune, peut-être que les mânes des morts sauront encenser le marcheur, et le combler des pouvoirs mystiques attribués aux poètes maudits.
Il parle des fleurs, qu’elles sont belles ; de sa vie, de sa mort, qu’elles sont ennuyeuses. Spectateur solitaire de son univers invisible, il soliloque sur les arbres, les rivières, les maisons.
Il rime sur son âge, son époque, son jardin, son voisin, sans raisons. Le lecteur subit l’horreur avec peine, se demande si ce chantre des mots n’a pas perdu la raison. Ses rimes vont et viennent, toujours les mêmes, cette piteuse ritournelle sans saveur est morne, plate, inutile, laborieuse.
Le pénible insiste pourtant, persuadé d’appartenir à l’éthéré, au divin, à l’inaccessible univers. La porte interdite s’est fermée depuis bien longtemps aux ignorants : ceux dont l’esprit déserté par les lettres sont dénoncés comme indignes d’un seul regard, même fugace, ou de la plus insignifiante once de considération, tandis que le félicité félibre est seul gardien de la clé.
Il s’agit là, c’est évident, du poète de gare fréquemment rencontré : le mauvais, le versificateur spécieux, le pédant, le frustré qui s’ignore. Celui qui ose croire que porter un chapeau et brandir une plume d’oie lui confère le talent de ses auteurs favoris.
Hélas il peut croire et rêver, et languir en silence de se voir enfin justement glorifié ; approuvé par les maîtres des mots, ceux-là même qui décident du mérite de tel texte, le vouent à la lumière éternelle et jettent dans l’abysse celui qui ne trouve grâce à leurs yeux experts, les parangons du bon vocable synonyme de bons goûts, ardents gardiens de la belle formule écrite à l’hydromel sur un tissu d’or ; ce même or que l’on ne trouve qu’en Eden, sous les pieds du Seigneur et géniteur du poète.
Il attendra, ce barde félon, de là à ce que ses favoris lui couvrent le visage par les années de confiance ; sans jamais reconnaître poindre au loin, telle la lueur d’un phare faisant corps contre l’océan, qu’il a beau abreuver son entourage d’écrits désuets, de prose fatiguée et de vers malheureux : jamais il ne sera élu, ni même l’égal d’un dieu.
Vous avez écrit un livre : un roman, un essai, des poèmes… Il traine dans un tiroir.
Publiez-le sans frais, partagez-le, faites le lire et profitez des avis et des commentaires de lecteurs objectifs…
Merci pour votre pamphlet, petite merveille de méchanceté et de vérité sur une pratique de la pouésie de basse cour zé cour bête. J'en connais un de par chez moi, un de ces poètes autoproclamés que vous dénoncez tous ici, un "Clameur de mots" enfantin et prétentieux. Il en est à peine croyable : Gérard Guiot, au volant de son camion, affabulateur malicieux et éternel égotiste ET de surcroit voleur de mots d'autres qui ne sont plus là pour s'en protéger.
Facebook, pour les videos et textes mis en ligne, ne prend pas en compte les messages d'alerte des non ayants droit, meme si le plagieur ,lui, peut interdire tout commentaire et même l'acces à celui qui essaierait de l'en dénoncer.
Tout cela ressemble à une très mauvaise blague : "Dis camion ... camion ... pouet pouet."
Je ne sais pas si votre article me fait pchitt ou poet poet Brian, mais il me régale par sa maestra! Je n'ai hélas que très peu d'avis sur la poésie, n'en lisant jamais personnellement. Mais sur les suffisants nombrilistes, les rimeurs pédants et les penseurs universels auto-proclamés, nettement plus! Merci de cet article subtil, à la dérision jouissive!
Bonjour Jean ! Effectivement ça a fait pchit, mais comme le disait Victor Hugo dans ses Contemplations : "on peut pô plaire à tout le monde" :-)
Bonjour Anna :-)
C'est cela (entre autres) qui est ici critiqué, le fait de s'autoproclamer "poète"... Pourquoi ? Le statut vient nécessairement avec l'oeuvre, à mon humble avis ! Se dire "poète" me semble tellement inutile...
Ça ne transparaît peut-être pas assez dans ce texte (qui n'a pas ému grand-monde... sob) mais j'éprouve énormément de respect pour les petites mains qui s'affairent en silence et écrivent de la poésie, quelle qu'elle soit, mais ne le font pas pour en tirer une quelconque gloire.
Je lirai avec joie vos poèmes (il ne sera pas dit que je reste un jeune con prétentieux ! Ah, trop tard ? Bon tant pis^^), comme cela a été fait avec ceux de M. Anthelme que j'ai grandement apprécié.
Merci de votre compliment qui ne fait pas pouet-pouet à mes oreilles ;)
En vous souhaitant excellente continuatio, et, bien sûr, le succès !
La poésie peut être tout ce que vous décrivez...mais elle peut être bien plus encore...
Qui a encore la prétention de s'autoproclamer "poète" ? C'est en toute humilité que certaines petites plumes se livrent, s'apaisent ou se réparent, sans besoin de reconnaissance ou de pompeuses formules. J'ai beaucoup aimé votre article et votre raisonnement monsieur Merrant, même si, je l'avoue, j'ai écrit bon nombre de poèmes. Et permettez-moi de vous dire, sans ironie, que vous maniez mots et tournures avec brio...tel un poète !
Si les poètes font pouët pouët, cet article a fait pschitt pour citer un de nos plus célèbres poète contemporain corrézien...
@Colette : très heureux de lire votre commentaire :-) Nous sommes bien d'accord... Et d'accord aussi pour dire que les poètes qui font parler leur coeur à travers leurs écrits, et qui par là même s'effacent derrière leurs écrits, ont évidemment notre soutien et notre respect. Quant aux autres, les spécieux, eh bien... qu'ils restent dans leur tour d'ivoire... ;)
@Khris : Effectivement, un grand silence ! C'est étrange. Peut-être certains se sont-ils sentis concernés ? C'est bien dommage dans ce cas de ne pas échanger les points de vue, à moins qu'ils ne désirent pas mêlanger leur prose à cet insipide feu de paille :-)
Nul besoin de Scud mBS, il n’y aura pas de conflit, il suffit d’observer ce que nous dit le silence. La poésie est souple comme un océan, vague mais profonde dans laquelle pour la énième fois un feu de paille s’y noie emportant dans son tourbillon le cercle des éditeurs !