Lorsque en 2012, je commençais de rédiger mon roman autobiographique, la première chose que je me suis dite était celle-ci : « J'écris pour me faire du bien ! » Qu'est-ce qu'il y avait de mal à cela ?
J'avais vécu jusqu'à mes cinquante ans dans le refoulement. Un lourd secret avait traversé quatre générations et empoisonné mes relations familiales. Ma tante avait tenté de percer le mur du silence et ouvert son cœur à sa mère qui l'avait rejeté et sommé de ne rien dire. Ma tante avait révélé ce terrible secret à ma mère qui avait décidé de ne rien dire à mon père, fils du monstre. Mon père avait ainsi vécu dans l'ignorance du comportement de son père envers qui il éprouvait une immense admiration. Ma mère fit preuve d'un amour sans borne et nous surprotégea, mon frère et moi. Nous vivions dans le déni et rien d'essentiel n'était évoqué dans nos échanges familiaux. Lorsque qu'un jour, je parlais de mes « angoisses » à mon père qui me semblait alors la personne la mieux à même de me comprendre, il botta en touche et me répondit : « C'est parce que tu grandis ! ». J'en conclus que je grandissais bien mal et j'enfouis dans ma conscience ces « angoisses » que je ne comprenais pas. Je pris ainsi l'habitude de me murer dans le silence et un jour mon fils, très introverti, après que je lui eus révélé ma trans-identité, m'écrivit qu'il avait toujours eu l'impression que je portais une armure dissimulant ma véritable nature. Quelles seront les conséquences de toute cette histoire sur les générations suivantes, je ne peux bien évidemment pas le prévoir mais je suppose qu'elles seront réelles.
Si j'évoque rapidement et à grands traits ces aspects de mon passé* familial c'est pour montrer l'utilité, je dirais même la nécessité, de libérer la parole. Quel aurait été mon destin si ma tante avait été écouté, si ma mère avait parlé à mon père, si mon père avait cherché à comprendre mon malaise profond, si j'avais parlé plus tôt de ma particularité à mes compagne et à mes enfants. Vous me direz, avec des si, on mettrait Paris en bouteille. En effet, mais j'ai la faiblesse de penser que la vérité vaut toujours mieux, même si cela peut faire très mal, que le silence. Avant que je me sépare et que je commence ma transition, j'entrepris en 2010 la rédaction d'un roman resté inachevé qui racontait l'histoire d'un homme, marié et père d'un petite fille, non maître de son existence. Bien entendu, il y avait beaucoup de moi dans ce livre. C'était en quelque sorte un livre aveu et le début de bien plus amples révélations. Je le fis lire à ma compagne et à ma meilleure amie (à l'époque), mais ni l'une ni l'autre ne comprirent de quoi il s'agissait. Peu importe finalement car ce livre représentait mon premier acte de libération et rien ne pourrait plus arrêter le flot de ma parole !
Que des individus racontent leur vie dans des livres et/ou que les médias leur permettent de s'exprimer au grand jour, si cela est traité avec respect et délicatesse en écartant exhibitionnisme et sensationnalisme, je trouve cela plutôt utile, réconfortant et rassurant. C'est le signe que la société regarde en face ces réalités et ne fait plus l'autruche. De grandes œuvres littéraires, comme l'Amant de Marguerite Duras, sont d'ailleurs en grande partie autobiographiques. C'est un lieu commun que d'affirmer que dans chaque mode expression, l'artiste s'investit corps et âme, ses œuvres étant ainsi le reflet de son moi profond.
L'écriture a été un élément essentiel de ce long travail de résilience que j'ai pour ma part effectué, sans lequel je n'aurais sans doute pas trouver mon équilibre et ne serais plus de ce monde.
C'est la raison pour laquelle j'apprécie toujours les œuvres auto-fictionnelles car elles me parlent et cette parole est remarquable bien au delà de sa supposée valeur littéraire ou plus largement artistique.
Elles méritent à mon sens une attention bienveillante et active.
Vous avez écrit un livre : un roman, un essai, des poèmes… Il traine dans un tiroir.
Publiez-le sans frais, partagez-le, faites le lire et profitez des avis et des commentaires de lecteurs objectifs…
Bonjour @Armonia Zyra et merci pour cet article. Si l'auto-fiction est un format qui accompagne bien la résilience chez un auteur, c'est aussi pour les lecteurs le moyen de vivre une tranche de vie et d'émotions, d'explorer une autre vision du monde, de soi, un autre parcours, un autre vécu. J'apprécie beaucoup la lecture des auto-fictions pour ce voyage dans l'intimité de ceux qui dévoilent une partie d'eux-mêmes, sans que cela ait pour autant un goût de voyeurisme. Je vois cela comme un partage d'expérience, une belle opportunité de mieux se comprendre soi-même, mais aussi les uns les autres. Je vous découvre à la lecture de cet article, et comme j'ai bien aimé votre manière d'aborder le sujet, je vais mettre votre écrit dans ma BV pour en faire la lecture une fois celles en cours terminées. A bientôt sur votre page et bon courage pour la suite :-)
En revoyant la photo de T. Robbins issus de "Shawshanks redemption" je n'ai pas pu m'empêcher de penser qu'avant de lever les bras au ciel lors de son évasion il avait dû ramper dans les canalisations de toilettes de la prison... :) J'espère qu'il n'y a là aucun message subliminal à propos de l'auto-édition:D
Comme Lamish, je vous découvre via cette tribune, et elle m'a donné envie de vous lire. A bientôt donc..
Un témoignage délicat et émouvant qui montre que l'écrit est au delà du plaisir qu'il procure une forme de thérapie tant pour l'auteur que pour ses lecteurs