Actualité
Le 21 fév 2017

Rencontre new-yorkaise : Alain Mabanckou ou la tri-continentalité

Pascale Richard vit à New York où elle est directrice du Centre Culturel du Lycée Français de New York. Journaliste, elle a écrit dans de nombreuses publications en France et aux États-Unis où elle était rédactrice en chef de France-Amérique. Pour monBestSeller, elle y a rencontré l'écrivain Alain Mabanckou, phénomène de la littérature française.
 Il a remporté en 2006 le prix Renaudot pour " Mémoires de porc-épic." Alain Mabanckou a remporté en 2006 le prix Renaudot pour "Mémoires de porc-épic."

Alain Mabanckou, chouchou de l’édition française

Alain Mabanckou est l’un de ces rares écrivains à faire l’expérience de la tri continentalité. « C’est le circuit des esclaves, mais avec la mission d’expliquer qui nous sommes » explique l’auteur, né au Congo, venu en France à l’âge de 22 ans, et installé aux Etats-Unis depuis 2002 où il est aujourd’hui professeur à UCLA en Californie.
Il était de passage à New York, invité par Olivier Barrot pour participer à l’une des rencontres littéraires organisées plusieurs fois par an à la Maison française de l’Université de New York par le journaliste écrivain français, dont on notera au passage l’exceptionnel don d’ubiquité. En plus petit comité, à l’hôtel Sofitel, Barrot réitère la rencontre de la veille. Après Jean-Michel Ribes et Elizabeth Roudinesco, avant Raphaël Enthoven en mars, c’était au tour d’Alain Mabanckou, chouchou de l’édition française depuis le succès mondial de son roman Verre Cassé en 2005, membre de l’Institut depuis 2016, classé par le magazine Vanity Fair à la 24ème place sur la liste des cinquante Français les plus influents dans le monde, de venir s’entretenir avec le public new-yorkais. Il est vrai que les livres de Mabanckou sont tous traduits en anglais – autre fait exceptionnel - par l’Anglaise Hélène Stevenson, et son dernier roman Petit Piment (2016) sortira en anglais aux Etats-Unis en avril.

L’identité éclatée au cœur de l’œuvre de Mabanckou    

Rieur et séducteur, on sent l’homme parfaitement à l’aise ici ou là, racontant des histoires de caïmans, de pirogue et de forêts en feu pour faire diversion lorsque l’on évoque l’état du monde ou la politique américaine. Ici ou là ?
L’identité éclatée est justement au cœur de l’œuvre de Mabanckou. De qui est-il vraiment le fils ? Il y a ces deux mères dont il a hérité et qu’il évoque dans les Lumières de Pointe Noire, sa mère biologique et la deuxième femme de son père, et ces deux mères auxquelles il s’est attaché : la mère patrie et la partie adoptive, le Congo et la France. À quel continent appartient-il ?

         "Je me promène dans cette singularité de la trinité : grand frère en Afrique,
             auteur reconnu appartenant à la grande famille littéraire en France."
                                     Enfin, Africain en Amérique,
"la famille la plus difficile à intégrer car elle est composée d’une superposition d’ethnies,"

précise Alain Mabanckou qui a préfacé l’édition française du livre de Ta-Nehisi Coates Une colère noire, et confronte volontiers les African Americans, les Noirs américains, à leurs illusions sur le statut des Africains en France. 

Cette identité serait alors "un monstre à trois têtes avec l’Afrique qui domine, le continent des battements de cœur, celui de la liberté d’ expression". "Je reste Africain" dit Mabanckou qui ajoute : "C’est le territoire dans lequel je vais la nuit creuser pour y trouver l’énergie de mes déplacements." Des allers retours qui ne l’empêchent pas d’"écrire tout le temps" toujours en quête "du bon refrain, du bon flot" pour finir au printemps son prochain roman. 

Pascale Richard

Alain Mabanckou est né en 1966 à Pointe Noire en République du Congo. Il a étudié le droit à Brazzaville puis en France à l’université de Paris Dauphine avant de se consacrer à l’écriture. Son premier roman "Bleu-Blanc-Rouge" paraît en 1998 et lui vaut le Grand Prix Littéraire de l’Afrique Noire. Il part aux Etats-Unis en 2002 ou il enseigne d’abord à l’université d‘Ann Harbor au Michigan pendant trois ans avant de rejoindre l’université de Californie à Los Angeles. Il vit à Santa Monica. Il a publié de nombreux romans, poèmes et essais dont "Verre Cassé" en 2005, "Black Bazaar" en 2005, "Demain j’aurai vingt ans" en 2010, "Le sanglot de l’homme noir" en 2012 et "Lumières de Pointe Noire" en 2013. Son dernier roman "Petit Piment", paru en septembre 2015 aux éditions du Seuil, a été classé parmi les vingt meilleures ventes en France, sélectionné pour le prix Goncourt 2015, finaliste pour le prix Goncourt des lycéens. Les œuvres d’Alain Mabanckou sont traduites dans une quinzaine de langues. 

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Alain mabanckou ,vous faites la fierté de mon pays et de notre continent.

Publié le 14 Décembre 2018

Merci Pascale Richard pour cette rubrique qui me donne très envie de plonger dans l'oeuvre de cet auteur "tri-continental". Mais, du coup, j'ai commencé par Coates, toujours sûr des avis de @Hubert-P LETIERS .
Quel livre puissant que Colère noire ! Colère froide, chirurgicale et didactique.
Remarquable préface de Mabanckou, en effet, avec peut-être un petit bémol quand il dit : "[Le] passé d'esclave est souvent érigé en élément constitutif de l'identité noire-américaine, bien au-delà de l'appartenance à la nation américaine. Nous autres Noirs de France ne pouvons revendiquer ce passé et nous recherchons encore ce qui pourrait définir notre lutte collective au-delà du fait que nous venons tous d'Afrique".
Il oublie une communauté importante, celle des ultra-marins installés en métropole depuis plusieurs générations, qui ont fait "une traversée de plus" en quelque sorte. Ils peuvent aussi "revendiquer ce passé d'esclave", selon les termes de Mabanckou. Et ils côtoient, particulièrement en région parisienne, les Africains de France. Quelle est leur identité ressentie, peut-être plus complexe de celle des afro-américains.
Au passage, il est frappant de constater dans Colère noire, la vision assez idyllique que Coates a de la société française au sujet du racisme, lors de son séjour à Paris.

Publié le 17 Mars 2017

Merci beaucoup Pascale Richard.Vous avez sû nous donner ce dont on avait besoin.J'aimerait que vous metiez en contact direct avec Mabanckou pour je lui dise combien ses écrits rétentissent en moi.Je suis aussi un écrivain débutant mais je veux être Mabanckou ou rien!Merci

Publié le 28 Février 2017

Merci, chère @Pascale Richard, de nous donner une urgente envie de lire Alain Mabanckou. Et un grand bravo à monBestSeller pour ce si bon choix de Chronique.

Publié le 27 Février 2017

Oui, merci Pascale Richard pour cette rencontre inattendue ici. Et rafraichissante. Message universel d'Alain Mabanckou que vous rappelez à propos. Bravo aussi à monbestseller d'avoir créé ce pont entre ces deux rives.

Publié le 22 Février 2017

Merci @Pascale Richard, de m'avoir permis de connaître Alain Mabanckou, à côté duquel je me sens infiniment petit. Je suis en admiration devant sa culture, sa capacité d'adaptation et sa réussite. Il est effectivement un bel exemple de multi-identités. Je le salue au passage !
Naturellement, merci aussi (j'ai l'impression de me répéter, mais c'est tellement normal de le faire) à monBestSeller pour l'utilité de cette rubrique.

Publié le 21 Février 2017

Merci @Hubert-P LETIERS pour cette rectification. C'est corrigé.

Publié le 21 Février 2017