Proposer une intrigue : attention les pièges En 2016, j'ai corrigé, remanié ou réécrit bénévolement plus de 5 000 pages pour aider des auteurs autoédités à optimiser leur « bébé ». Mais la tâche est immense, et tous les auteurs confirmés de l'indésphère n'y suffiraient pas
Consternée de rencontrer, sur Amazon ou ailleurs, tant de torchons bâclés qui pénalisent l'image de l'autoédition, et plus navrée encore de voir un excès de fautes d'orthographe ou de syntaxe amoindrir les chances de succès d'œuvres prometteuses, voire bourrées de talent, j'ai commis de très nombreux billets pour supplier les auteurs débutants (ou pas) de soigner la forme de leur prose. Voir par exemple ici, ou ici.
Il est temps d'évoquer un autre élément décisif pour le succès d'un livre : l'histoire elle-même, avec sa ou ses intrigues.
J'ai parcouru récemment l'extrait Amazon d'un thriller édité. Oui, vous avez bien lu : « édité ». Comme quoi, l'édition n'est pas toujours à donner en exemple. Amis autoédités, rengainez vos complexes !
Un autre ouvrage de cet auteur m'était déjà passé sous les yeux ; j'avais zappé, peu friande de cette invitation du genre « roulons-nous gaiement dans le sang, le sperme, la merde et tout ce qui effarouche le bourgeois » – ou parfois le fait vibrer, il est vrai, quand il lit ces choses-là bien au chaud sous sa couette.
(À l'inverse, quiconque s'est frotté aux réalités du monde aspire plutôt à l'évasion, à l'humour, bref à une légèreté qui n'exclut pas la profondeur. Rappelons-nous cette formule d'Alphonse Daudet, reprise à son compte par Alexandre Jardin :
« Il faut traiter les choses légères avec sérieux et les choses graves et sérieuses avec légèreté ».)
PS : suite à un commentaire sur facebook, je précise ma pensée. Par "légères", je ne fais pas du tout allusion à de la romance ou des écrits "bisounours".
Exemple : Monteilhet (Néropolis, etc) traite des sujets dramatiques et même passablement gore, mais il le fait sur un ton ironique, distancié, persifleur, provocant, bref, irrésistible – et avec une étourdissante (érudite, disons-le tout net) connaissance de son sujet.
Ce qui m'exaspère, ce sont ces jeunes auteurs qui se piquent d'enfoncer le nez du lecteur dans la merde : "Tiens, regarde, ignare, la vraie vie c'est ça." D'abord, la plupart du temps ils n'en savent rien – comme l'auteur dont il est question ici, et qui affirme avoir bourlingué, mais, vu l'innocent irréalisme de ses scènes, semble avoir seulement enchaîné les road trips d'un zoo marginal à l'autre, sans risquer sa peau autrement qu'en fumant des joints. De plus, la réalité intéressante, ce n'est pas le sang, etc. Ce sont les raisons pour lesquelles il coule, et sur ce point, nos auteurs en barboteuse se montrent d'une insoutenable vacuité.
Revenons à nos intrigues.
Alléchée par une chronique dithyrambique sur le dernier thriller de l'auteur en question, je me suis dit que j'avais peut-être raté une belle rencontre. Hélas, non.
Suis-je simplement de l'espèce des littéraires réactionnaires, ceux qui tirent à vue sur la production de nos écrivains en devenir, comme des octogénaires paranoïaques flinguent les délinquants juvéniles ?
Je suis persuadée du contraire, mais pour en avoir le cœur net, j'ai soumis l'extrait à ma fille – qui lit de tout et, encore postée à bonne distance de la trentaine, ne peut être qualifiée de vieux tromblon élitiste. Verdict : « C'est nul. On dirait de la mauvaise série télé. »
Pourtant, dans ce texte, aucune faute ne sautait aux yeux comme un canard sur un hanneton ; le style ne cassait pas trois pattes à notre copain palmipède, mais c'est l'usage dans ce genre de littérature : rien ne doit y freiner la course du lecteur, cavalant après l'intrigue avec le souffle court et la boule au ventre, genre Mémé Juliette quand Julien Lepers, avec sa mine bouleversante de gentil garçon propre sur lui, lui balançait en pleine poire ses questions existentielles, fût-ce par tévé interposée. (C'est là que…Lepers se prend la porte au profit de Samuel Étienne, le moteur cale, la mayonnaise tourne, l'arme s'enraye et le lecteur dépité se crashe sur sa descente de lit. Vous avez compris l'idée générale : y'a un os dans la moulinette.)
Dans le cas susdit, manque de bol, il n'y a pas qu'un gros fémur décidé à faire obstruction (genre, un ton narratif faussement dégagé qui pue l'artifice de bout en bout), mais aussi une belle collection d'osselets non moins perturbateurs : des clichés à gogo, des répliques qui sonnent faux et des combats hautement comiques sans le vouloir, tirés tout droit – ma fille avait raison – d'une série télévisée pour machos du dimanche et ménagères en manque d'adrénaline.
D'accord, je tape dur, alors qu'au fond, je n'ai rien contre lesdites séries et leurs admirateurs. En revanche, je suis très contrariée de voir des auteurs gâcher leur potentiel en se laissant aller à la facilité, et des blogueurs leur rendre le bien mauvais service de les encenser sans discernement.
Voici donc quelques éléments de réflexion pour les perfectionnistes désireux de s'informer, voire de se remettre en question.
Qu'est-ce qui fait qu'une intrigue tient la route ? Quelle en est la recette ?
« … Et d'abord, peux-tu affirmer qu'il en existe une, toi qui nous donnes si volontiers de leçons ? » m'interpellerez-vous peut-être, les poings sur les hanches.
>> La réponse est oui. Je ne vous livrerai pas de recette miracle, mais des règles de bonne conduite qui ne s'arrêtent pas à la recherche d'originalité, traitée ici.
Pas non plus de méthodes toutes faites, ces fameux moules dans lesquels l'édition industrielle coule sans vergogne ses produits de grande consommation ; seulement quelques pistes assorties de petits conseils qui, je l'espère, vous seront utiles.
• Avant de vous mettre aux fourneaux, prenez soin de vous entourer d'une brigade – non pas de commis de cuisine, encore moins de sapeurs-pompiers, mais de BÊTA-LECTEURS.
En goûtant votre manuscrit, ces précieux auxiliaires vont vous permettre de vérifier que tout baigne. Ils pourront peut-être même vous conseiller, ou, qui sait ? vous tirer d'une impasse. En tout cas, ils « essuieront les plâtres » avant que vous ne risquiez votre bébé à portée de fusil des lecteurs-acheteurs.
>> Choisissez ces bêta-lecteurs de formations culturelles et inclinations littéraires très diversifiées : chacun verra des fautes, des défauts, des incohérences que le reste de l'équipe n'aura pas remarquées.
Attendre les retours vous larde d'impatiences ? Tenez bon ! Vous n'espérez pas participer au prochain Goncourt, ni n'avez besoin de sauter dans le train de la rentrée littéraire.
En revanche, la bêta-lecture est une étape cruciale.
(Je sais : « faites ce que je dis, pas ce que je fais. » Ben oui. Lorsque, me risquant pour la première fois dans la littérature fantastique, j'ai utilisé la case micro-édition, l'une des vertus de mon éditeur – handicapé par une équipe minimaliste – fut de m'encourager à prendre des bêta-lecteurs. C'est grâce à eux, et à son propre avis de lecture, qu'EELA est passé du stade de vade-mecum pour initiés au stade de roman publiable. Aujourd'hui, ils me manquent.)
Au cas où, malgré un racolage intensif parmi vos proches et sur votre lieu de travail, vous n'escompteriez qu'une dizaine de ventes de votre chef-d'œuvre, vous aurez peut-être l'impression de compromettre votre classement au Top 100 Amazon en transformant certains d'entre eux en pré-lecteurs gratuits.
Là aussi, faites-vous violence : ces avis préliminaires vous éviteront sans doute des réactions moins diplomates émanant de lecteurs payants.
Rappelez-vous : l'enjeu consiste à publier un ouvrage aussi abouti que possible et qui séduira le plus possible son lectorat.
Le temps perdu (raisonnablement) avant publication est TOUJOURS du temps gagné.
Pour tout le reste, c'est simple, demandez à votre oncle Jean-Bernard, cuistot à l'« Auberge du Poney Fringant », place Toussauze à Bree. Il vous révélera ce qu'il faut pour tortorer une bonne mitonnée de bouquin sauce lauriers bien goûtue :
• UTILISEZ DES INGRÉDIENTS DE QUALITÉ.
Ce qui exclut les clichés, lieux communs et autres expédients frelatés ou qui sentiraient trop le réchauffé. Vous n'êtes pas un gâte-sauce tricheur ou trop pressé, que diantre ! (Cette dernière expression est un hommage à La joueuse de théorbe de Patrice Salsa, un auteur qui ne mâche pas ses mots – je l'avais prié de quitter l'un de mes groupes, c'est dire – mais qui manie la langue française comme un chef, si bien que depuis lors, je l'ai invité dans un autre.)
CONSEIL N° 1 : Ne cessez jamais de lire.
Le plus grand tort que puisse s'infliger un auteur, surtout non confirmé, c'est de penser qu'il doit consacrer tout son temps et son énergie à écrire.
Même un athlète de haut niveau continue à s'améliorer en observant les autres. Pour quelqu'un qui veut faire de l'écriture son métier, c'est encore plus incontournable.
>> Lisez de bons livres en abondance. Des livres qui ont des choses à vous apprendre, de préférence : riches et bien construits. Et lisez-les avec votre esprit d'analyse, en vous intéressant aux moyens mis en œuvre par leur auteur.
>> Laissez tomber les classiques si vous y êtes allergique (dommage, mais c'est affaire de goûts). De remarquables romans sont parus au XXe siècle, si, si ! Et ce n'était tout de même pas la préhistoire…
Ces auteurs-là, les romancières anglo-saxonnes et les poètes de mes vertes années ont fait le plus gros de mon éducation.
>> Délaissez aussi les écrits « littéraires » si, à tort ou à raison, vous les jugez prétentieux, alambiqués, abscons. La bonne littérature dite « de genre » est tout aussi fréquentable. Si vous ne savez où en trouver la quintessence, demandez conseil à un libraire ou bibliothécaire passionné.
NB : (Je ne suis plus très à la page, mais il y a eu des romans de genre magnifiquement écrits. En SF/fantastique, je révère Theodore Sturgeon ; dans le polar, m'ont marquée : Hubert Monteilhet, Sébastien Japrisot, Boileau-Narcejac ; et même si cela peut sembler dater, l'épopée d'Albertine Sarrazin, délinquante tôt incarcérée, prouve avec brio que l'on peut mêler l'argot et des sujets triviaux, à une prose virtuose.)
>> Il vaut parfois mieux, surtout quand on débute, lire avant tout des ouvrages relevant du genre dans lequel on écrit. L'important, c'est leur qualité. N'allez pas à la facilité, colletez-vous avec le talent, voire le génie des autres. Cet exercice (gratuit, au contraire du coaching ou des ateliers d'écriture) rend lucide, évite bien des ridicules et permet de progresser vers l'excellence.
>>Parcourez aussi les sites et blogs d'aide à l'écriture.
>> Tapez dans votre moteur de recherche les mots « clichés », « lieux communs », « poncifs », « truismes », « tropes scénaristiques », pour découvrir les articles consacrés à la banalité en écriture.
Vous y trouverez une foule d'exemples à ne pas suivre et affûterez votre clairvoyance en la matière.
• CONCOCTEZ DES SAVEURS AUTHENTIQUES…
… de celles qui réjouissent le palais et grâce auxquelles le dégustateur ravi retrouve ses souvenirs d'enfance, quand Papi lui faisait lécher la casserole, ou qu'il volait à la petite voisine un premier baiser parfumé à la fraise Tagada.
En clair :
>> Vos dialogues doivent être crédibles.
>> Recherchez le naturel ; ne vous contentez pas de répliques stéréotypées ou, pire, invraisemblables.
>> Soyez particulièrement attentif si vous employez de l'argot, des grossièretés ou autres originalités : quand on sort des sentiers battus, il est facile de se tromper ou de produire un rendu artificiel.
>> Si vous voulez pousser plus loin le perfectionnisme, veillez à faire s'exprimer vos personnages dans les différents registres qui leur conviennent. C'est du travail, mais cela en vaut la peine. Rien n'est plus dommage qu'un livre prometteur où tout le monde s'exprime de la même manière, au mépris des réalités.
CONSEIL N° 2 : Lisez vos dialogues à voix haute devant des tiers. Choisissez des répliques isolées (si vous lisiez des morceaux plus étendus, vos auditeurs pourraient être pris par l'histoire et se montrer moins vigilants).
Demandez-leur si cela leur paraît sonner juste.
L'avis des bêta-lecteurs est, là aussi, inestimable.
– Les passages « techniques », notamment les scènes d'action, ne doivent pas avoir l'air d'une parodie ratée.
CONSEIL N° 3 : Amis auteurs, ne vous fiez pas au cinéma et à la TV pour vos scènes d'action !
À de rarissimes exceptions près, il ne s'agit là que de bidouillage.
>> La plupart du temps, l'action dans un film n'a rien à voir avec le réel, mais alors, rien du tout… Les malheureux qui ont vraiment cru qu'ils pourraient sauter du haut de leur immeuble, envoyer valdinguer d'un ch'ti coup de volant le chauffard qui leur prenait la tête, ou projeter trois sièges plus loin, d'un coup d'un seul avec leurs soixante kilos tout mouillés, le grand balèze qui leur bouchait l'écran, ont fini à l'hôpital ou à la morgue.
Si vous voulez approfondir le sujet de façon plus ludique, les vidéos de Suricate : Movies vs Life sont une amusante illustration de cette erreur fondamentale.
>> Bref, l'objectif au cinéma est de « faire comme si », de leurrer les spectateurs sans recourir à de nombreuses prises ni mobiliser un budget faramineux. Surtout qu'une scène réaliste est rarement spectaculaire, souvent trop longue, et toujours difficile à filmer de façon convaincante. Curieusement, du « comme si » chorégraphié avec soin fait beaucoup mieux illusion !
Moyennant quoi, le prestidigitateur, pardon : le metteur en scène, nous fourgue vite fait bien fait une interprétation très approximative, le plus cinégénique possible, et les non-initiés n'y voient que du feu.
Vous me direz que dans un thriller ou un polar, le but est le même qu'au cinéma : emballer le spectateur à peu de frais. Telle une belle-de-nuit retroussant sa minjupe sur un bout de cuisse évocateur, l'auteur n'aurait donc qu'à trousser une scène pas trop absurde pour que le tour soit joué, le « client » convaincu.
Vous n'avez pas tort : la plupart du temps, ça marche.
Oui mais… êtes-vous prêts à recevoir des tomates pourries dans le cas contraire ?
• NE LÉSINEZ PAS SUR LE LIANT QUI VA HOMOGÉINISER LE TOUT.
En l'occurrence, nous aurons : d'une part, une tasse de maïzena – la vraisemblance générale –, d'autre part un gros jaune d'œuf – ce surcroît d'agrément et de densité qui bétonne l'ouvrage en y diffusant votre bonne connaissance du sujet.
Bien répartir et faire réduire à petit feu, le temps de prendre du recul sur l'ensemble de votre travail.
– La vraisemblance, d'abord.
Elle ne dépend pas seulement des éléments cités plus haut (absence de tropes scénaristiques éhontés, dialogues « justes », scènes réalistes). Eh non, ce serait trop facile ! Elle dépend aussi de l'intrigue, qui, en plus d'être réaliste, doit aussi être distillée de façon subtile, logique et bien rythmée.
Rien ne tue plus sûrement un roman qu'une intrigue bancale, mal ficelée, avec des maladresses psychologiques à foison, des longueurs par-ci et des passages trop évasifs par-là. A fortiori si elle est également incohérente, bourrée de contradictions, voire d'erreurs.
Un petit florilège de ce qu'il ne faut pas faire ? Allons-y.
La fin en queue de poisson qui donne l'impression que l'auteur ne savait plus comment s'en sortir, ou qu'il avait décidé de boucler son livre ce jour-là pour pouvoir partir à la pêche.
Exemples.
On court après un assassin pendant 200 pages, et à la dernière, ô surprise : c'était un parfait inconnu, parachuté in extremis comme un GI sur le bocage normand en 44, pauvre homme.
Ou bien : on ne saura jamais qui c'était, parce qu'en fait, ben ça devait pas être tellement intéressant. En tout cas, pas pour l'auteur, qui avait des prétentions plus métaphysiques. Je vous jure, cela existe !
Le ressort d'intrigue qui ne tient pas la route.
(Le ressort d'intrigue, c'est comme sur un piège à souris, avec le lecteur dans le rôle de la proie.)
Exemples.
« Sigismond, ivrogne invétéré, s'envoie dix bouteilles de vodka qui le poussent à tuer sa voisine. » Hélas, chargé à ce point, il n'encourt pas le passage au crime, mais seulement le coma éthylique terminal.
Ou encore : le coupable était en réalité la cousine Martha. Hélas, un lecteur qui n'avait encore sombré dans le coma s'aperçoit qu'en vérité, ça ne tient pas debout, parce que Martha, clouée à son fauteuil roulant, n'aurait pas pu parcourir dix kilomètres à travers bois à l'allure d'un TGV.
Le personnage secondaire qui meurt au chapitre 3 et ressurgit au chapitre 20,
Probablement parce que l'auteur planifiait sa partie de pêche, avait trop bu, était tombé dans le coma (rayez la mention inutile). Ou, pire : prend les lecteurs pour des cons et se satisfait de pisser du jus de navet à la cadence infernale de cinquante pages/jour. Mais vous, heureusement, vous ne mangez pas de ce pain-là, sinon vous ne seriez pas en train de me lire. Etc, etc.
Dans ce domaine, je suis désolée, seule l'expérience acquise avec de bonnes lectures peut vous guider. Agatha Christie était un maître en la matière ; d'autres écrivains célèbres n'attendent que votre visite pour vous délivrer leurs inappréciables enseignements.
S'il est trop tard pour les lectures édifiantes, si votre manuscrit est déjà prêt à poster, déchirez l'enveloppe à belles dents et soumettez d'urgence son contenu à des avis autorisés : bêta-lecteurs au regard implacable, coach qualifié, enseignant, auteur d'expérience.
Enfin, la vraisemblance dépend également de la qualité des personnages : si le lecteur y adhère, il collera à l'histoire comme un diptère sur un papier tue-mouche (à cette différence près que le lecteur, lui, doit survivre à cette expérience pour resservir ).
Mais les personnages méritent un billet à part entière, aussi, nous en reparlerons une autre fois.
– La connaissance du sujet est indispensable.
Rappelez-vous : il s'agit de notre « jaune d'œuf » qui contribuera à épaissir la sauce. Cet œuf-là est rarement pondu en plein air – si fallait n'écrire que sur ce que l'on a vécu, ce serait moins drôle –, mais la lumière d'un écran ou d'une lampe de bureau fera très bien l'affaire.
Si vous ne maîtrisez pas les éléments de votre histoire (époque, décor, contexte, personnages, etc), n'espérez pas vous en tirer au bluff, en vous présentant aux lecteurs comme un spécialiste : ça ne fonctionne pas, en tout cas pas avec ceux qui savent, et cela finirait par vous discréditer.
Documentez-vous plutôt avec sérieux. Internet vous facilitera grandement la tâche ; si cela se révèle insuffisant, n'hésitez pas à solliciter des experts et à courir les bibliothèques. Ce travail est un passage obligé, à moins que vous ne décriviez qu'un univers 100 % imaginaire. (Et encore… Gare aux aberrations, notamment d'ordre scientifique, en SF et même en fantasy : sauf indication contraire – crédible, attention ! –, les lois de la physique devront s'appliquer aussi à vos Plutoniens ou à vos Orcs.)
Vous avez peut-être choisi l'autre solution de sécurité : camper votre roman dans un contexte qui vous est familier. S'il s'agit de la vie de tous les jours, ne perdez pas de vue que, certes, les lecteurs aiment pouvoir s'identifier aux personnages, mais ils aiment aussi rêver et être dépaysés.
Dernière option, plus risquée : rester vague, ne faire qu'esquisser le décor. Ça fonctionne si l'ambiance psychologique est très réussie, mais attention à ne pas laisser au lecteur l'impression de rester sur sa faim ou d'avoir été escroqué.
Comme celle des lectures formatrices, l'étape de la documentation est à accomplir de préférence avant de vous lancer.
Si vous avez déjà rédigé votre manuscrit sous le coup de l'inspiration, prenez quand même tout le temps et donnez-vous tout le mal nécessaires pour vérifier que vous n'avez pas écrit de monstrueuses inepties.
Gros bonus : vous vous apercevrez que les informations glanées en vous documentant vous permettront d'enrichir votre histoire de détails vivants et intéressants qui feront toute la différence.
En résumé, la littérature n'est pas du cinéma : une ambiance en trompe-l'œil n'abusera pas les lecteurs avisés ; ils se sentiront arnaqués.
Il n'appartient qu'à vous de « faire le métier » pour réussir votre mitonnage (à ne pas confondre avec le « mythonage », une ragougnasse que l'on abandonne de grand cœur à ceux qui s'en contentent).
Ne vous découragez pas devant l'ampleur de la tâche ; prenez les problèmes à bras-le-corps l'un après l'autre, faites-vous aider, et tout ira bien.
Chers amis auteurs, j'espère avoir pu vous rendre service avec cet aperçu des éléments d'intrigue à soigner impérativement.Que les lecteurs me pardonnent : ils ne sont ni des souris, ni des mouches, mais des interlocuteurs bien-aimés auxquels nous ne rêvons que de complaire, dussions-nous exécuter la danse du ventre avec notre plus belle plume fichée dans le fondement.D'ailleurs, ne sommes-nous pas tous des lecteurs, nous autres auteurs ?…
Excellente écriture et lecture à toutes et à tous !
Elen Brig Koridven
Vous avez un livre dans votre tiroir ?
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Vous avez écrit un livre : un roman, un essai, des poèmes… Il traine dans un tiroir.
Publiez-le sans frais, partagez-le, faites le lire et profitez des avis et des commentaires de lecteurs objectifs…
@Elen Brig Koridven
De votre article très intéressant dans le fond et dans la forme ressort une bonne part d'altruisme. Vous dites avoir aidé bénévolement des auteurs auto-édités, c'est une démarche remarquable, coûteuse en temps et en énergie, qui met en exergue la solitude extrême d'auteurs qui arrivent à l'édition sans bêta lecteurs, ni aucun filtre. Qui dit auto-édition dit liberté absolue, dont celle de se planter en beauté.
Parvenir à finaliser son roman, c'est enfin se donner le droit d'exister -un peu plus- (les tirets ne sont pas indispensables).
Je retrouve cet esprit de partage dans le fait de lire d'autres auteurs auto-édités, d'écrire un billet après coup, ou une chronique, mais il me semble qu'en général les échanges sont limités, l'essentiel n'est pas exprimé, par exemple on pourrait être amenés à souligner dans le style trop de redondances, ou des fautes d'orthographe à répétition, ou autre, faire des suggestions dans un bon esprit afin d'améliorer et de construire plus précisément, puisque nous sommes dans le même bain, mais cela ne se fait pas, faute de sollicitations dans ce sens et de communication plus privilégiée après lecture. Dommage.
PS. Cela me disait bien quelque chose, je retrouve Koridwen dans un manuscrit au fond de mes tiroirs : déesse celte des Ténèbres, alliée à Brig ou Briga, hum, et vais m'aventurer avec plaisir du côté de vos écrits. Cordialement.
Maryline Stan
@Anastassia Miss
Merci à vous pour votre commentaire :-)
@LR
Merci à vous pour ce commentaire. J'ignore ce que vous écrivez, mais ne vous sous-estimez pas : les auteurs capables de se remettre en question et de chercher à s'améliorer sont rarement de mauvais auteurs !
Bien amicalement
@Michel CANAL
Je vous en prie, cher Michel. L'expérience sert à être transmise !
Merci pour ces nombreux conseils. Je tacherais de m'en souvenir pour mes prochains écrits. Je ne compte pas me faire publier, n'ayant pas le talent pour ça. Mais j'aime lire de belles histoires qui nous transportent, c'est pour cela que vos conseils m'aideront, à peaufiner de plus belles intrigues qui soit dit en passant n'est pas très facile à mettre en œuvre.
Merci !
Eh bien @Elen Brig Koridwen, il était temps que je revienne faire un tour du côté de la rubrique "Actualités" après une bien longue absence pour cause de bêta-lecture et corrections à une amie qui répond à vos critères de qualité.
Chère Elen, combien ce billet est utile aux auteurs en herbe (ou amateurs) que nous sommes en nombre, auto-édités sur cette plate-forme. En fait, j’ai l’impression que vous avez énuméré tous les conseils que je n’ai pas appliqués pour écrire le modeste témoignage que je m’étais promis de rendre public.
Vous avez fait et faites beaucoup pour nous, Elen. J’ai l’impression de me répéter, mais que puis-je vous dire d’autre ? Merci pour votre aide et pour votre dévouement. Avec toute ma considération.
@Lisa DJ
Merci pour votre commentaire, Lisa.
Vous avez raison, l'histoire est ce qui attire et retient le lecteur, même dans un poème. C'est un peu comme lorsque l'on achète une voiture : bien sûr, en second lieu on apprécie son esthétique, son confort, mais il faut d'abord qu'elle roule. ;-)
Bien amicalement,
Elen
@Elen Brig Koridwen
Ces conseils sont intéressants. Car en effet, certains auteurs s'écoutent un peu, et croient que leur qualité d'écriture va gommer la faiblesse d'une histoire ou d'une intrigue. Or, c'est toujours l'histoire qui nous tracte...si elle ne nous intéresse plus, on lâche, d'autant plus que les lecteurs sont très sollicités.
Quand à votre comparaison cinéma/ vie, je la trouve excellente et surtout très drôle.
Je ne comprends même pas qu'on puisse y mêler Kurosawa ou Chaplin.. qui sont des mondes à part, des arts à part... Polémiquons utile, si l'on polémique !
@antoine ragondin
Cher monsieur, je ne comprends pas la raison de ce ton polémique. Il n'y a aucune comparaison "au détriment du cinéma", puisqu'il s'agit de deux domaines très différents. Vous vous braquez à la fois bien inutilement et à très mauvais escient : en effet, les réflexions que je partage dans ce billet ne sont pas seulement tirées de mon expérience personnelle, mais émanent d'un certain nombre d'experts, notamment en sports de combats, ainsi que de réalisteurs et de cascadeurs. Je ne sais pas ce que vous cherchez à démontrer… Il tombe pourtant sous le sens que le cinéma ne peut pas se permettre de retranscrire scrupuleusement la réalité. Ce n'est d'ailleurs pas son rôle : ce dernier consiste à procurer aux spectateurs une expérience de qualité, et non une immersion dans le réel.
J'ajoute que je réduis pas le 7e art aux mauvaises séries : je conseille seulement aux auteurs débutants de ne pas se fier aux visionnage desdites séries pour leurs scènes d'action. N'êtes-vous pas de cet avis ?
Bien cordialement,
Elen
PS : à la réflexion, je suppose que ce qui vous a incommodé, ce sont les termes "très approximative" et "à peu de frais". Ce n'était pas une critique, mais une façon de dire qu'il faut obtenir un effet maximum en restant éloigné de la réalité : on ne va pas tuer réellement les personnages ou provoquer de vraies explosions et de vrais accidents ! Je vous invite plutôt à relever les expressions "la plupart du temps" et "vite fait BIEN FAIT", qui me semblaient explicites ; et à bien comprendre que je ne visais pas les intrigues cinématographiques en général (!), mais seulement le traitement des scènes d'action.
@Elen Brig Koridven
La comparaison constante que vous faites ici entre la littérature et le cinéma, toujours au détriment du cinéma, ne prouve qu'une chose, que vous ne connaissez rien au cinéma, à la mise en scène et au langage cinématographique. Ceci dit, il est ridicule de réduire, comme vous le faites, le septième art aux séries télévisées du dimanche après la messe (encore que, depuis maintenant quelques années, on puisse voir des séries qui valent, et de loin, nombre de films qui passent dans les salles); c'est un peu comme si l'on ramenait toute la littérature à l’œuvre de Mme Koridven : il y aurait de quoi s'inquiéter. Je vous en prie, ne prenez pas en mauvaise part ce qui précède, mais laissez à Kurosawa (ou à Cassavetes, ou à Chaplin, ou à Bergman, ou à Capra, ou à Godard, ou à Lubitsch, ou à Welles, etc) ce qui appartient à Kurosawa (ou à Cassavetes, ou à Chaplin, ou à Bergman, ou à Capra, ou à Godard, ou à Lubitsch, ou à Welles, etc) et les intrigues seront bien gardées. Amicalement.