
C’était au temps des rois, bien avant que la France
Eût par le choix d’un peuple accablé de souffrance
Offert à ses enfants la tête des monarques
Et de leur majesté supprimé toutes marques.
Une belle pucelle se nommait Thémise.
De très noble apparence, elle était fort bien mise.
Pour se trouver époux, comme toutes les vierges,
Elle n’hésitait pas de brûler quelques cierges.
Son père, par malheur, était désargenté.
Il avait de sa femme épuisé la beauté,
Des écus de sa dot l’avait bien allégée
Et sa terre vendue ou fortement gagée.
N’ayant plus de fortune le baron savait
Que serait tâche ardue d’un mari trouver,
A moins qu’utilisant la douceur de ses charmes,
Sa fille obtînt d’un homme qu’il rendît les armes.
De cet état Thémise avait bien conscience.
Un jour elle entreprit, en grande confiance,
De passer à l’attaque, faisant le serment
De jamais s’enfermer dans l’ombre d’un couvent.
Pour la première fête où se rendit la belle,
Thémise prit grand soin de sa mèche rebelle,
Souligna de couleurs l’ombre de sa paupière
Renforçant de ses yeux l’éclatante lumière.
C’est au comte de Poix, de très noble naissance,
Qu’elle choisit d’offrir, pour faire connaissance,
Le spectacle affolant de ses belles rondeurs,
Le laissant espérer de brûlantes faveurs.
Le comte aux cheveux blancs avait l’âge d’un père,
Mais la maligne enfant savait bien que naguère
L’homme de ses désirs avait perdu sa femme
Et que, le deuil éteint, le reprendrait la flamme
Qui brûle les puissants de retrouver jeunesse
Dans les bras parfumés d’une jeune maîtresse.
Maîtresse ne serait, mais au contraire Epouse !
Tel était son pari, digne de La Pérouse.
Thémise entreprit donc, en savantes manœuvres,
Usant de tous moyens pour accomplir ses œuvres,
De séduire le comte et de le captiver :
Lui disant le matin qu’il la faisait rêver,
Le laissant à midi sa poitrine toucher,
Lui murmurant le soir au moment du coucher
Que sa vertu bientôt serait abandonnée
A l’homme dont son âme se saurait aimée.
Le comte cependant ne parlait pas d’hymen,
Et le temps s’écoulant, de semaine en semaine,
Fit que la belle enfant, pour calmer son tourment,
Se mit à la recherche d’un nouvel amant.
Deux fers au feu, dit-elle, me serviront mieux.
Je saurai bien encor, par mon air gracieux,
Attiser de mes proies la furieuse envie,
Et dans leur cœur semer immense jalousie.
A chacun je dirai : « Quel amour est le nôtre ! »
De l’un me servirai pour aiguillonner l’autre.
Pour mériter mon corps et le pouvoir baiser
Fatalement l’un d’eux devra bien m’épouser.
Le calcul établi, la belle prit en chasse
Tout ce que la contrée comptait de bonne race.
Barons, comtes, marquis, nulle ne fut omise
Sur la liste des proies de la fourbe Thémise.
Elle porta son choix sur un noble écuyer.
Le simple éclat brillant d’un regard appuyé
Suffit à susciter dans le cœur du seigneur,
Ainsi que dans ses reins, grande et virile ardeur.
La galante ravie de cette aventure
Lui laissait entrevoir ce que Dame Nature
Réserve strictement à l’époux patenté.
Avec art elle usait de sa grande beauté
Pour tenter d’arracher la sublime promesse
D’être un jour appelée « Madame la Comtesse ».
Le Comte de Saint-Lô n’était pas imbécile.
S’il aimait de Thémise son ardeur subtile,
Il résistait encor, sachant que sa conquête,
Intrigante perverse, n’avait plus en tête
Que le désir d’un nom, sans aucune tendresse
Pour celui qui, d’un mot, l’aurait faite comtesse.
Saint-Lô souvent pensait aux nombreuses saisons
Où sa belle partait vers d’autres horizons
Soupçonnant la drôlesse d’user de ses charmes,
Avecque ses appas d’affronter d’autres armes.
Le destin fit qu’un jour le noble Roi de France
Fit venir à la cour pour y faire bombance
Nombre de ses vassaux, valeureux officiers,
Pour que de leur bravoure ils soient remerciés.
Saint-Lô était l’un d’eux, mais aussi Jean de Poix,
Que le hasard mena de se voir plusieurs fois.
Les deux sympathisèrent et le soir d’un dîner
Découvrirent soudain qu’ils s’étaient fait berner
Par les yeux séduisants d’une jeune traîtresse
Qu’ils n’avaient même pu conquérir pour maîtresse !
Thémise, dans l’instant, fut admise au couvent.
Prise de désespoir, elle tint son serment,
Une nuit de grand vent, se jeta du clocher
Et mourut de son choix d’avoir voulu tricher.
Si de pareille histoire en êtes l’héroïne,
Surtout n’abusez pas du jeu de vos appas :
Un simple jeu souvent vous mène à la ruine,
Un double jeu peut, lui, vous conduire au trépas.
Vous avez écrit un livre : un roman, un essai, des poèmes… Il traine dans un tiroir.
Publiez-le sans frais, partagez-le, faites le lire et profitez des avis et des commentaires de lecteurs objectifs…
@Virginie Zangar
C'est très agréable de lire que le plaisir qu'on a pris à écrire une histoire est partagé par d'autres.
Merci de votre très aimable commentaire.
Bien à vous.
Merci pour ce délicieux moment d'humour à la morale quelque peu ambigüe. J'apprécie le rythme, la légèreté et la fluidité de la plume.
@Maureen Hann
Merci de votre commentaire flatteur. Je suis ravi de vous avoir plu. La versification est un exercice amusant, mais où les règles de l'art sont plus difficiles à maîtriser qu'on ne le pense. (Il y a encore dans ce texte quelques erreurs...)
Amicalement.
@Pierre d'Arlet
Très joli poème, pauvre d'elle qui finit par mourir de son erreur d'avoir voulu jouer un double jeu. Une autre époque, peut-être pas si lointaine, finalement, où les femmes devaient malheureusement se marier pour être reconnues et "acceptables" au point de se laisser entraîner parfois dans des jeux dangereux. Si honneur rimait avec mariage, il n'en est plus rien aujourd'hui, fort heureusement, même si la place des femmes dans cette société de nos jours est bien difficile à ancrer !
Poème fort plaisant à lire, bien écrit, dans le règles de l'art.
Merci l'artiste.
Amicalement,
Maureen.
@Danièle CHAUVIN
@Lamish ter
Quel plaisir de recevoir des commentaires aussi agréables! Je vous en remercie infiniment.
Merci @galodarsac de votre commentaire toujours constructif.
Merci surtout d'avoir apprécié la morale de la fable. C'est l' élément essentiel de ce type de poème, et heureusement il semble qu'il n'y ait pas d'erreur de versification dans les quatre derniers vers. Ouf!
@KRYDECE
Merci de votre commentaire. Je me suis empressé de lire la fable de La Fontaine "la fille", dont j'ignorais l'existence. Effectivement j'ai repris par hasard le thème de la recherche d'un époux si bien décrit par La Fontaine...
Mon texte comporte encore trop de libertés prises avec les règles de la versification classique, en particulier l'alternance des rimes masculines et féminines est complètement ignorée.
Heureusement ces défauts de forme ne vous empêchent pas de faire une critique que j'apprécie beaucoup et dont je vous remercie.
A @Pierre d'Arlet Très drôle et bien troussé. Un peu misogyne..? Délicieusement désuet. J'ai lu avec beaucoup de plaisir.
Excellente composition, au rythme soutenu, et un style collant parfaitement au sujet. Cerise sur le gâteau, une morale qu'on jurerait tirée de La Fontaine lui-même, excusez du peu !
Des entorses aux règles, disent certain(e)s ? Il y en a, oui, mais l'auteur fait montre d'une réelle volonté de les respecter, ce qui est en soi, en notre temps où le vers libre déverse sa médiocrité tous azimuts et étouffe la poésie tout entière, une qualité fondamentale pour un poète.
Bravo @Pierre d'Arlet pour ce bienheureux partage. On en redemande !
Bonjour .
Peut-être serait-il intéressant de donner quelques exemples de métrique défaillante car les règles en sont complexes, il est donc fructueux d’en discuter, prenons notre pied !
Je vais, sans mauvais jeu, de mots dire que l’ensemble est bien troussé et que je peux y trouver quelque parenté avec notre fabuliste national, un compliment appréciable. C’est une version à la fois noble et tragique de la fable « la fille » écrite par ce dernier. Il est symptomatique d’ajouter une « e » finale à Thémis qui nous aurait sinon plongés en pleine mythologie.
L’ensemble est même bien imaginé car si l’on admet que la belle avait quelques charmes et nombre appas, le compte ou l’écuyer n’y auraient pu résister ; hormis les cas de violence, en « amour », c’est la femme qui dirige même si elle feint à l’homme de laisser quelque initiative. Il ne s’agit ni de misogynie ni de misandrie mais d’empirisme.