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Le 16 oct 2024

Littérature pour adolescents #dystopie

tribunes sur monBestSeller : Littérature pour adolescents #dystopieMarie Chotek fait partie des parents d’élèves qui dévorent les livres scolaires imposés.

Je viens de finir de lire "le Passeur" de Lois Lowry, roman que le prof de français de ma fille, en 3ème, a demandé à la classe de lire. Je gage que j’ai fini avant toute la classe, voire que je suis la seule, à cette heure, à l’avoir lu (fayote que je suis).

La couverture, sombre, m’avait attiré l’œil, et le titre aussi, "Le passeur". Trois personnages comme des ombres aux contours verdâtres, un adulte, un ado et un petit enfant portant une pomme, sur un fond noir strié de flocons de neige.

Bien sûr, ma fille a décrété que c’était la tasse, de lire un tel truc, elle qui n’en a que pour la romance. Taratatata, je peux vous dire qu’elle va le lire, cette quiche, et pas que pour une histoire de note, oups de compétence acquise.

Car quelle incroyable histoire, quel talent, Mrs Lowry ! Et quelle profondeur aussi. J’y songe depuis des jours que je l’ai refermé...

 

Un style franchement accessible pour une dystopie digne du "Meilleur des Mondes"

Je suppose qu’il peut être rapproché du "Meilleur des mondes", d’Aldous Huxley, en sa version ado. Sur la 4ème de couverture, il y a d’ailleurs écrit "Voir au-delà d’un monde parfait".

Il s’agit donc d’une dystopie, dont les caractéristiques nous sont peu à peu révélées. Société de l’Identique, ses membres ne distinguent pas les couleurs, les adultes prennent une pilule qui tue toute stimulation qu’elle soit d’ordre sexuelle ou émotionnelle, ils reçoivent leurs enfants à l’âge d’un an, d’abord un garçon, puis une fille (ou vice-versa), enfants qui ont été portés par des mères porteuses effectuant ce métier (car cela en est un) trois années durant avant que d’être chargées de tâches ingrates et pénibles.

Les enfants ont des âges "catégorie", les quatre-ans, les dix-ans, etc. Quand ils deviennent des douze-ans, lors d’une cérémonie, on leur attribue un travail, qui va faire l’objet d’une formation. On les a bien observés, au cours des stages de bénévolat qu’ils effectuaient à partir de 8 ans, et on pense que oui, tel métier serait le mieux pour tel enfant, ou tel autre... (il y a ma foi un côté bien pratique pour qui galère avec l’avenir pro de sa chère progéniture).

 

Un roman d’initiation

Jonas, un douze-ans, que l’on suit depuis le début et qui est le personnage central de l’histoire, est désigné pour devenir Dépositaire de la mémoire. Il suit une formation avec le dépositaire qui va partir en retraite. Ce dernier, appelé également le Passeur, va lui transmettre ainsi la masse de tous ses souvenirs, qu’il a lui-même hérités d’un autre.

Souvenirs parfois doux, enivrants, comme cette découverte que fait Jonas de la neige et du fait de glisser en luge dessus. Car ce qui n’existe plus dans la communauté actuelle, la neige par exemple, n’existe plus du tout puisque nul ne s’en souvient, hormis le Passeur. 

Mais ces souvenirs transmis vont devenir de plus en plus douloureux, au sens physique même du terme (Jonas expérimente la douleur d’une fracture du tibia). Ils se font perturbants, angoissants, terrifiants même comme lorsque le jeune garçon se retrouve à errer sur un champ de bataille.

"Jonas ne voulait plus y retourner. Il ne voulait plus des souvenirs, il ne voulait plus de l’honneur, il ne voulait plus de la sagesse, il ne voulait plus de la souffrance. Il voulait son enfance, ses genoux écorchés et son ballon".

Être dépositaire des souvenirs évite au reste de la communauté d’avoir à souffrir de se souvenir. De même que la neige, la guerre, la faim, la torture n’existent plus puisque nul ne s’en souvient, hormis le Dépositaire.

 

Une réflexion sur la liberté individuelle et politique

Les habitants de la communauté ont ainsi droit à une vie paisible : "c’est une vie sans couleur, sans douleur, sans passé". Ils vivent sans mémoire, soumis au règne de l’Identique et de règles régimentant tout, jusqu’à leur façon de s’exprimer : enfant, Jonas s’est fait tancer en utilisant le terme, je suis mort de faim, évidemment inapproprié puisqu’il ne mourrait pas de faim.

Sans souvenirs, les habitants sont aussi privés de savoirs, d’émotions, ils sont comme dépouillés de leur humanité et il semble bien que malgré cette immense bienveillance qui dégouline entre tous, il n’y ait pas vraiment d’amour dans leurs foyers.

Les couples, d’ailleurs, s’aiment juste parce qu’ils vont bien ensemble (euh ok, c’est un peu le cas dans notre monde), ils ne se sont pas rencontrés, non, ils ont été justement assortis grâce au travail minutieux d’observation d’experts. Certains restent seuls, faute de chaussure adéquate à leur pied sans doute (et je peux vous dire que ce n’est pas facile pour eux qu’on a clairement jugés inaptes à la vie à deux).

Jonas, au fil de sa formation, va perdre plus que son innocence, le sens même de sa vie lorsqu’il en arrive à apprendre ce que signifie, exactement, le sens du mot "élargir" quelqu’un, terme qui revient régulièrement au cours du récit.

 

Des relents de "Soleil Vert". Le traitement des "vieux" dans la littérature

On élargit les vieux lorsque jugés trop vieux, après une petite cérémonie joyeuse, façon pot de départ à la retraite. On élargit les repris de justice s’ils récidivent une troisième fois (mais là, pas de cérémonie).

Bien sûr, je ne vous raconterai pas la chute, ce n’est pas mon genre héhé.

Juste que Jonas, et le Passeur, Jonas lui-même étant appelé à devenir passeur avant l’âge, vont sauver cette communauté de sa déshumanisation car oui, sans émotion, sans souvenir, ces humains-là n’en étaient plus vraiment.

Savoir aimer, savoir ressentir, c’est donc aussi savoir se souvenir. Se souvenir des faits du passé pour nouer des liens, pour faire sens, pour décider, pour être libre mais pas forcément heureux, certes.

 

J’en terminerai par cette question, que je ne m’étais jamais posée :

Existe-t-il seulement des dystopies heureuses ?

Notre monde, plus qu’imparfait, n’est-il pas le meilleur (hélas) puisqu’il est complexe et unique à notre image ?

Je vous laisse méditer à tout cela en vous souhaitant une bonne lecture (à vous ou à vos ados).

 

Marie Chotek

 

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