Pour le plaisir de la recherche, j’ai émis l’hypothèse que le sexe pouvait aussi être un personnage à part entière. Et, dans la foulée, j’ai promis d’explorer trois ouvrages pour avancer un peu dans la réflexion. Comme je suis versatile, j’ai changé les trois ouvrages en question (peut-être aussi à cause d’une idée cachée derrière ma tête).
Le désir d’un pasteur pour une jeune fille aveugle qu’il recueille se cache sous une apparente bonté spirituelle. Ce désir, bien charnel, de plus en plus charnel n’est jamais nommé, mais il imprègne chaque interaction. L’érotisme devient une force silencieuse, modelant le comportement du pasteur, tout en restant dans le domaine de l’interdit et du non-dit. La tension monte tout au long du récit. La femme du pasteur, témoin muet, comprend avant lui la véritable nature de ses sentiments. Mais le désir, comme le Golem a échappé à l’homme du culte. La tension érotique atteint son paroxysme avec le suicide de Gertrude ; une fin à la fois tragique et libératrice, sorte d’orgasme gothique.
Chez Kawabata, le sexe prend une autre forme : celle du supplice de Tantale. Les jeunes femmes endormies, passives, incarnent une sensualité inatteignable, et leur seule présence provoque un tourment intérieur chez Eguchi, le vieil homme condamné à les contempler. Ici encore, le sexe, jamais consommé, flirte avec la mort et remplit tout l’espace narratif par son retrait. Le désir d’Eguchi, pulsion silencieuse agit constamment sur ses pensées et ses réflexions sur la vieillesse et la mort. Ce désir refoulé devient un personnage à part entière, une force invisible mais agissante qui pousse le protagoniste vers une méditation presque obsessionnelle sur le temps qui passe et fuit.
Dans Lolita, le sexe, obsession dévorante pour Humbert Humbert n’est pas seulement un désir, mais une force destructrice qui guide chacune de ses décisions, chacun de ses actes, et transforme Lolita en objet érotique, incarnation d’un souvenir d’enfance, souvenir érotique refoulé et transformé en obsession. Ici, Nabokov joue avec la beauté du langage pour cacher l’obscénité de la pulsion (comme le courant érotique cache sa force derrière une apparente élégance), et l’érotisme devient un personnage omniprésent, caché dans les silences, les regards, les gestes. Cette tension invisible finit par détruire Humbert et, finalement, Lolita elle-même.
Dans ces trois œuvres, l’érotisme n’est pas simplement un désir refoulé ou une attraction interdite. Il devient un acteur invisible qui possède littéralement les personnages, les transformant en marionnettes entre ses mains. Que ce soit à travers le désir interdit, l’obsession ou le refoulement, le rhéotropisme érotique™ * prend le contrôle des pensées et des actions des protagonistes, les conduisant à des comportements extrêmes. C’est comme si cette force invisible agissait en maître, les poussant à leur propre destruction, sans qu’ils puissent s’en défaire.
Dans La Symphonie pastorale, le pasteur, malgré son discours moral, devient peu à peu une victime de ce rhéotropisme érotique™, envoûté par son désir pour Gertrude. Il perd le contrôle de ses actions, et c’est finalement cette force qui le mène au désastre. Dans Les Belles Endormies, le désir inassouvi pousse Eguchi à s’interroger sur sa propre mortalité, mais c’est le rhéotropisme érotique™ qui l’entraîne dans cette spirale d’obsession silencieuse. Quant à Lolita, Humbert Humbert est littéralement possédé par un désir qui devient incontrôlable, une obsession dévastatrice qui le conduit à la folie et, inévitablement, à la destruction de Lolita elle-même.
Ces personnages, loin de maîtriser leurs pulsions, sont manipulés par une force érotique externe, un souffle invisible qui les enveloppe et les pousse à agir contre leur propre intérêt. Le rhéotropisme érotique™ agit comme un démon invisible, un marionnettiste omniprésent qui guide l’histoire tout en restant caché, mais inéluctablement destructeur.
L’érotisme dans ces récits n’est pas seulement une force latente, il devient un personnage à part entière, une entité capable de posséder les protagonistes et de guider leurs actions vers des comportements destructeurs. La Symphonie pastorale, Les Belles Endormies et Lolita montrent que l’érotisme refoulé ou interdit devient une force omnipotente, plus puissante que les personnages eux-mêmes, capable de les manipuler, de les modeler, et finalement, de les détruire. Ces œuvres démontrent que le sexe, loin d’être explicite, agit comme un acteur invisible mais central, capable de s’emparer des personnages, de les mener à la folie, et de transformer leur vie en tragédie. C’est là que réside le véritable pouvoir du rhéotropisme érotique™: dans son invisibilité et dans sa capacité à posséder totalement ses victimes.
Un prochain jour, je partirai à la recherche du rhéotropisme érotique™ qui mène au pays des merveilles de Juliette… et Roméo ou juste quelque part à l’écart de la mort de ses proies. Car j’ai la nette impression que mes chers Grecs (je les aime follement) avaient eu connaissance de faits que nous avons apparemment oublié. Allez, zou, je vais continuer à me balader sur les 5 continents littéraires.
PS : Rhéotropisme est l’anagramme de Os [Er + Poth + Himer]. Nous savons que ce terme est déjà pourvu d’une signification… mais justement, là est la beauté des connexions synaptiques.
PPS : ™ it’s a joke, œuf corse !
Vous avez écrit un livre : un roman, un essai, des poèmes… Il traine dans un tiroir.
Publiez-le sans frais, partagez-le, faites le lire et profitez des avis et des commentaires de lecteurs objectifs…
@catarina vitti Excellent article. Merci pour ce généreux partage.
@Maud de Fayard
Damned ! je n'en connais aucun.
Et si vous l'écriviez vous, cet article ? Vous pouvez vous rapprocher de mbs@monbestseller.com, et l'on vous guidera.
Merci pour votre réponse.
@Catarina Viti
Ugly Love de Colleen Hoover
Beautiful Disaster de Jamie McGuire
Adultes Consentants, Baiser à Manhattan de Kim Messier
Tous trouvable en français.
Il convient de développer le personnage de Don Juan pour qui le sexe est une conquête. Voler la femme d'un autre pour affirmer son pouvoir et sa supériorité de conquérant, évidemment le personnage de Don Juan va bien au-delà du sexe sur le plan philosophique. Tous les moyens sont bons pour arriver à son but. Dans Lolita, le personnage principal se met en ménage avec une femme adulte pour avoir l'enfant. Ces personnages fascinants sont par delà le bien et le mal. @Sylvie de Tauriac
Pour moi rien n'est plus érotique que la poésie et sa sœur la musique !
https://www.francetvinfo.fr/culture/livres/roman/nymphette-ou-victime-comment-vera-nabokov-a-percu-le-malentendu-autour-de-lolita_6098751.html
https://www.lorientlejour.com/article/1340943/le-scandale-lolita-vu-par-vera-nabokov.html
@Thierry Rucquois. Ces trois ouvrages sont de pures merveilles (il y en a bien d'autres) où tout est suggéré, rien n'est écrit. Madame Nabokov (je ne sais plus où j'ai entendu cela) a témoigné (si quelqu'un peut retrouver) du calvaire enduré par son mari durant les 5 éprouvantes années qu'a demandé la création de ce livre, et ses mille mouvements d'humeur, prêt à tout passer à la corbeille. Mais encore une fois : montrez la lune et l'on sait ce que les idiots regardent... une histoire sans fin. J'ai pour ces livres un amour immense, et un repect infini pour celles et ceux qui les écrivent. Entre nous, je préfèrerai toujours Moderato Cantabile à l'Amant. Ces scènes dans le bar, où rien ne se passe, sont torrides. Je trouve que dès qu'on sort "cucul, nénés et zézette" tout fout'l' camp. Merci pour le commentaire. Dès que Maud m'a aligné 3 chefs d'oeuvre "7e ciel", je continue la Queste ! (Ne vous génez pas si vous avez des idées.)
@Joker380
Wow ! était-il nécessaire de créer un profil juste pour nous informer de votre solitude. Per...haps !
@Maud de Fayard
Merci pour votre commentaire, Maud. Pourriez-vous me citer trois immenses oeuvres littéraires (de la dimension des 3 de cet article) et qui soient tout entièrement "7e ciel" ? Je m'appuierai sur ces titres pour un prochain article. A très vite !
@Les Pourfendeurs d'IA
J'ai rédigé mon article toute seule solo, myself (ça se voit paraît-il, mais hein, par les temps qui courent...), en revanche, l'image a été réalisée comme indiqué par DALL-E, après lecture dudit article. Apparemment inspirée par rhéotropisme érotique™
Je bande, donc j'essuie
Je reviens sur l’introduction de l’article parce que c’est dommage de s’attarder uniquement sur la noirceur du sexe dans les livres cités. La vie de certaines personnes qui ont fait par ignorance ou par mauvaises routes les pires choix. Au contraire, l’amour, quand il est beau est merveilleux et il faut en parler, si ont doué pour l’écrire. Sans therme crus qui gâche la grandeur des émotions,. Verbe fort et subtile, Une poésie de l’énamoure, transformé en fouge de moments éperdus vers le septième ciel. Grande amatrice de romance sexy, mais pas nunuche. J’aime énormément les moments charnels s’ils sont écrit dans un but d’amour qui déborde et louable. Je n’en vois nullement la gêne. Ça fait partie de notre corps, de nos émotions, hormones, laissez les vivre.