Margaret Mitchell, l'auteure d'un seul livre "Autant en emporte le vent" Le succès désigne ses auteurs parfois de manière inattendue
Vous êtes anglaise, chômeuse, et vous écrivez des histoires fantastiques d’un genre nouveau. Les allocations sont les bienvenues pour joindre les deux bouts. Vous êtes, sans illusion car cela fait près de sept ans qu’aucun éditeur ne vous prête attention. Aujourd’hui vous êtes à la tête de la plus grande fortune d’Angleterre et un repère central pour la profession et tous ses dérivés marketing. Vous êtes la créatrice d'Harry Potter
Françoise Sagan et J.K Rollings (...) ont cela en commun : le succès les a emporté comme un raz de marée. Pour l’une, dans les sphères littéraires et sulfureuses de la reconnaissance, consacrée « petit monstre dont le mérite littéraire éclate dès la première page" avec une légende qui prend le relai et vampirise presque votre travail. Pour l’autre, dans le monde de l’argent et du « bankable », le début d'une saga qui pourrait s'avérer une loterie toujours gagnante pour son éditeur.
Plus récemment, Mélissa da Costa, chez Albin Michel, révélée il ya quelques mois, entre autres par monBestSeller inaugure une série de romans (dont certains écrits et repris) et entreprend une belle carrière d'écrivain. Si le talent est là, l'air du temps y joue un rôle et la rencontre constructive avec un éditeur aussi...
S’est on jamais posé la question de l’angoisse, de l’inquiétude du second livre qu’elles ont eu à écrire ?
Le second livre : la fameuse consécration ou infirmation du talent, de l’argent, de la gloire ou des simples techniques marketing à succès…
Ecrire un second livre. La difficulté vient de ce que votre réputation se construit.
L’étape suivante consiste à confirmer. Et peu y parviennent. Beaucoup d’entre eux sont auteurs d’un seul roman. Le succès inattendu, l’engouement de la presse et parfois les récompenses, créent un climat qui rend difficile la re-mobilisation. Le rythme de sortie des nouveaux livres mène la cadence. L’intérêt sans cesse renouvelé des media pour la découverte de nouveaux talents enterre aussi vite qu’ils sont nés, les gloires et les espoirs d’un instant. Pascale Roze, pour exemple, en dépit d'un Goncourt en 1996 pour « Le chasseur zéro », est loin de créer l’événement à chacun de ses livres.
Alors faut il attendre, se remettre au travail immédiatement pour ne pas laisser sa notoriété se diluer, rester sur la même veine, créer la rupture, faire du marketing ou rester soi même (si c’est possible) ? Ou simplement dévorer ses avaloirs en s’asseyant alternativement à une table de jeu ou au bar enfumé, scotch à la main, d’un grand hôtel comme Françoise Sagan ?
Parfois le second livre est une évidence. Toujours, il est difficile. Souvent, il n’ « est » tout simplement pas. Il n’y a pas de règle, sinon la personnalité, le talent, les envies et la volonté de l’auteur.
Le second livre : un livre ou les éditeurs interviennent
Et pourtant le syndrome du second livre existe bel et bien. Pour un premier roman vous êtes seul, déclare Fanny Santenoy, auteur chez Flammarion de « Juste avant ». Personne n’intervient et lorsqu’on intervient, vous disposez encore de votre liberté, vous n’êtes pas assujettie à un éditeur, à une obligation de résultats. Elle ajoute en substance que, conditionnée, pour son second livre, elle s’est imposée des règles d’écriture quotidienne, un plan (qu’elle a relativement bien suivi), une structure, et le passage du « je » à la troisième personne. Une vraie discipline née à la fois de l’exigence et de la peur de décevoir.
Tous n’ont pas l’inconscience nonchalante d’une Sagan dont les volutes de talents se délitent naturellement dans les salons parisiens. Une certaine facilité, apparente en tout cas.
Pour un deuxième roman ou ne s’intéresse plus à vous comme une « perle » à découvrir. L’auteur n’entretient plus le rêve d’être référencé dans les librairies ou chez Amazon, il le sera. Et l’inquiétude vient de la certitude d’être lu et attendu.C’est l’examen de passage qui transforme l’auteur en écrivain. Et si vous avez la chance de vous retrouver dans cette position, dites comme JM Roberts : « Il n'y aura pas de deuxième roman, je passerai directement au troisième ».
Quand un auteur a une seule chose à dire et qu'un seul roman suffit...
En 1847, outre manche, la publication de Jane Eyre par Charlotte Brontë cache le magnifique roman de sa cadette, Emily Brontë. Les Hauts de Hurlevent n' a eu son succès mérité que tardivement. La dimension tragique et l'inspiration romantique allemande des Hauts de Hurlevent se marient bien avec le sombre destin de l'auteure.. Peut-être, le succès éclair de sa soeur, qui a masqué les amours impossibles entre Heathcliff et Catherine ont généré une forme d'amertume, de souffrance qui l'ont empêché de reprendre la plume pour un second ouvrage. Emily Brontë meurt à trente ans de la tuberculose que son frère lui a transmise.
J.D Salinger à 32 ans, publie l'une des œuvres les plus commerciales et célèbres du XXème siècle, L'attrape-cœurs, qui conte le parcours initiatique d'un jeune étudiant à New York. Ce récit nourrira plusieurs générations. Holden, un garçon de Prep' school rencontre des prostituées, des voyous, s'initie à l'alcool et à l'ivresse, à la sexualité, à la solitude. En un mot c'est un passage à la maturité, à l'âge adulte alors que la douceur de l'enfance, et l'innocence de l'adolescence lui manquent déjà. Un sujet universel qui parlent à plusieurs générations successivement.
Chaque année, aujourd'hui encore 250 000 copies de L'attrape-cœurs s'écoulent. Un succès qui a mis une pression sur son auteur J.D Salinger, qui, en dehors de quelques nouvelles, n'a pas supporté une célébrité pesante et n'a jamais entrepris de nouvel ouvrage.
Garder le désir d'écrire est le moteur de l'écrivain.
En 1932, Zelda Fitzgerald s’est retrouvée dans un asile psychiatrique, et là, dans un élan de délire créatif et de précipitation, elle en profite pour écrire en deux mois un roman complet, comme une pulsion de vie et de souffrances. Géniale.
Quand son mari apprend que sa femme avait envoyé son manuscrit à l’éditeur, il devient fou furieux.
Le livre est inspiré des notes du journal intime de Zelda, que l’auteur voulait utiliser lui-même, pour ses propres romans.
Coutumier du fait, il avait déjà largement pillé les journaux intimes de son épouse en substituant les vrais noms par des noms imaginaires. Après la publication de Accordez-moi cette valse, il a répandu l'idée que ce livre était un plagiat, et que sa femme était un écrivain mineur.
Zelda Fitzgerald, dés lors, n'écrit plus une ligne.
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Je crois que je n'ai pas envie de m'inquiéter de savoir "et si ça marche, je ferai quoi après?"
J'ai envie de continuer à faire ce que j'aime, ou bien d'explorer de nouveaux territoires, et que cela plaise ou non.
Je n'aurais pas envie qu'on veuille m'enfermer dans un genre ou dans "ce qui a fonctionné", qu'on me réclame la même recette jusqu'à ce que j'en ai la nausée.
S'il est vrai que certains auteurs ont pu "décevoir" leur public avec le deuxième livre, il est tout aussi vrai que d'autres auteurs déçoivent tout autant en gardant la même recette qui fonctionne.
C'est certainement facile à dire vu de là où je me trouve, mais je crois que le succès ne devrait rien changer. Peut-être, au fond, que ce n'est que le succès du livre, et non celui de son auteur (et en cela je rejoins peut-être @LE JEUNE, avec lequel je suis assez d'accord).
Peut-être qu'on devrait toujours faire dans toute chose comme si on avait tout à prouver, mais à personne d'autre que soi-même. Et tant pis pour les déçus, tant pis pour le succès, tant pis pour tout.
Je pense que la perle est comme l'histoire du sculpteur qui disait simplement que la statue avait toujours été là, Il s'était contenté de la dégagé de la montagne car les gens ne la voyaient pas !
A titre personnel, je suis assez d’accord pour admettre que "Ecrire un second livre est un défi. Surtout quand le premier a été un succès". Cela a probablement été le cas pour les autrices dont l’oeuvre (plusieurs romans, voire une longue suite) a été couronnée de succès. Je pense en particulier aux autrices de Harry Potter (J.K. Rollings) et de Cinquante Nuances de Grey (E.L. James).
Mais pour Margaret Mitchell, dont le roman en trois tomes est devenu une oeuvre : "Autant en emporte le vent" (traduction de Gone with the Wind), je suis plus mesuré. Pourquoi ?
— Margaret Mitchell n’était pas une novice inconnue dans le domaine de l’écriture. Outre qu’elle avait écrit des nouvelles et des pièces de théâtre dans sa jeunesse, elle avait collaboré à l’Atlanta Journal, jusqu’à ce qu’elle arrête à 26 ans (en 1926) pour raisons de santé.
— C’est sur les conseils de son mari pour s'occuper, alors qu'immobilisée après une fracture de la cheville, elle s’ennuyait à mourir, qu’elle a entrepris d’écrire l’histoire de sa famille et les récits de Confédérés pendant la Guerre de Sécession qui avaient bercé sa jeunesse.
— Les personnages lui ont été inspirés par : son grand-père paternel, engagé dans l’armée confédérée, blessé grièvement, reconverti après la guerre ; sa grand-mère maternelle pour le personnage de Scarlett O’Hara ; son fiancé mort à la guerre en 1918 ; sa propre vie sentimentale tumultueuse.
— Elle mettra trois ans (1926-1929) pour écrire ce récit, encore sept de plus pour le mettre au point avant de le publier. Ce sera un succès immédiat récompensé par le prestigieux prix Pulitzer l’année suivante (1937), adapté au cinéma en 1939.
— N’était-ce pas suffisant de le voir de son vivant traduit en 27 langues et de le vendre à plusieurs millions d’exemplaires ?
Que ferais-je si un tel succès me tombait sur les épaules ?
Merci @monBestSeller d’avoir ouvert ce débat au millier d’auteurs "amateurs" dont quelques-uns seulement peuvent se targuer d’être des écrivains, et moins encore d’avoir connu le succès comme tels.