Interview
Le 22 Jan 2024

Où est la frontière entre réel et folie ?

Duras, Dostoïevski, Maupassant, Zola, Oates… qu’ont donc en commun ces grands noms de la littérature (pour ne citer qu’eux) ? La folie est un des thèmes qui a alimenté leur imaginaire. Parfois, elle s’est emparée d’eux, les a envahis. Ecrire sur la folie ouvre d’immenses perspectives. Car, pour commencer, il faudrait définir ce qu’est la folie, ce qu’est un fou. Quelqu’un de différent ou quelqu’un qui nous ressemble ? Natalia Clément-Demange nous fait plonger dans ce thème et nous servira de guide pour une visite au pays de la folie.

 

Attention chers lecteurs, vous allez plonger dans les méandres de la folie le temps de lire ces quelques lignes, voire plus si l’envie d’en savoir davantage vous tenaille.

La folie fait peur, la folie questionne, la folie se définit difficilement. Chacun en a une représentation. Le fou, l’aliéné interpellent, parce qu’ils sont différents, reconnaissables mais le délire peut être subtil et ne pas éclabousser d’emblée, la folie peut sembler acceptable par la société.

Lacan parlait à ce propos de "psychose ordinaire". Une psychose presque à demi-mesure qui décrirait le fonctionnement psychique de l’individu, une perturbation par rapport au réel. Ainsi, cette citation de Lacan "Ne devient pas fou qui veut" que j’ai choisi pour introduire le thème de mon roman "La folie de l’exil", implique une certaine construction psychique, inhérente au sujet.

Tout un chacun a bien en tête ce que Freud disait : "Nous sommes tous névrosés" à condition de ne pas être psychotiques ou pervers ! Chaque individu construirait son monde psychique à la sortie du complexe d’Œdipe en fonction de son environnement, de ses rencontres, de son désir, des mécanismes de défenses : Une manière de classifier la construction psychique de l’humain. Le névrosé sera plus facilement conscient de son état. Le psychotique aura plus difficilement accès à ce qui le fait souffrir. Le pervers lui n’aura de cesse de jouir de la souffrance de l’autre.

Non pas que le névrosé serait moins tourmenté, ah ça non, il en faut parfois, des années, allongé sur le divan pour déshabiller son moi, pour aller au cœur de l’oignon, de l’intime, dans les sillons de l’inconscient, et en sortir quelque chose qui puisse apaiser le quotidien.

 

Quelle serait, par ailleurs, cette limite, cette bascule entre réalité et folie ?

Cet état borderline ? Au bord du gouffre… Quel est ce moment où le corps ne tient plus, l’état psychique de l’individu se retrouvant tellement envahi, que la pensée s’effondre ou au contraire se mélange s’emmêle, s’excite, empêche le repos, terrorise le sujet ? Quand tout devient menaçant, comment se protéger ?

Cette part si intime qui se déconnecte pour se préserver, se protéger d’un vécu trop douloureux, trop percutant ou persécutant, le sujet se met à délirer bruyamment, la violence éclot parfois.

 

Alors comment définir la folie ?

Un moment hors-sens, ou hors-langage, ou quand les hallucinations assaillent l’individu : Le délire comme une protection envers un élément trop brutal.

Le personnage de mon roman, Tavit, se confronte à ses peurs, à ses angoisses, à un parcours de vie parfois chaotique. Il perd pied nous semble-t-il, mais, vous, lecteurs, pourrez-vous faire la distinction entre les éléments réels et ses perceptions erronées ?

Après tout, quelle différence ? Saurez-vous percevoir la réalité ?

 

Natalia Clément-Demange 

 

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16 CommentairesAjouter un commentaire

Le principe créatif, c'est le trauma, l'élan qui nous anime est fait de nos traumatismes, sans eux point de vie sociale, point de codes, point de lois, point de cultures... les grands conquérants, les despotes, les poètes... tous étaient animés par leurs traumatismes enfouis au plus profond d'eux-mêmes.

Publié le 25 Février 2024

@Aznar Lydia
Heureusement que la folie créative nous percute à un moment donné !

Publié le 28 Janvier 2024

@natalia clement-demange
Mais finalement ne sommes nous pas tous fous ?
La différence est déjà presque de la folie .
N' avons nous pas tous un petit grain de folie pour oser publier nos oeuvres ?
merci donc a cette névrose qui permet de booster notre imagination .

Publié le 28 Janvier 2024

La folie n'est rien sans le profond désir de devenir fou, désir mêlé de crainte !

Publié le 28 Janvier 2024

@Zoé Florent
Merci beaucoup pour ce complément précieux.

Publié le 26 Janvier 2024

@Guy Margraff
Quel joli titre pour vos mémoires ! J'adore

Publié le 26 Janvier 2024

@Catarina Viti
J'écris la folie car je la vis au quotidien et toutes les questions annexes ont besoin de se déposer quelque part...
J'ai beaucoup ri avec votre commentaire qui représente clairement les questions existentielles venant titiller notre névrose ! Non nous ne pouvons pas être un peu névrosé, un peu psychotique , notre construction psychique se construit et s'oriente vers l'un ou l'autre.
Heureusement le petit grain de folie donne parfois un peu de génie!

Publié le 26 Janvier 2024

@DEC
Aborder la folie par le prisme de la psychanalyse c'est ce qui pour moi, me semble le plus adapté au quotidien.
Cela permet une écoute du sujet, une écoute bienveillante en tentant une mise en mot sans rééduquer le symptôme.
Merci pour votre partage

Publié le 26 Janvier 2024

@Constantin Malheur
Tout à fait ça, écrire ce qui ne peut se dire pour mettre à distance certains événements envahissants du quotidien.
Bonne journée, Natalia

Publié le 26 Janvier 2024

@Natalia CLEMENT-DEMANGE Si l'adage "Plus on est de fous, plus on rit" était de mise, ce serait la rigolade perpétuelle par ici :-) ! Je plaisante, bien sûr...
Plus sérieusement, le terme "folie" est à la fois polysémique et globalisant. Ce n'est pas par hasard que la psychiatrie a jugé bon de le décliner. Il me semble toutefois impératif de distinguer la folie ignorée et (ou) subie, de la folie consciente, que l'on choisit de maîtriser ou de cultiver, ou encore d'utiliser dans le but se dédouaner (un des effets pervers possibles lors d'une psychanalyse mal appréhendée).
En marge de ces classifications, il faut cependant savoir dissocier originalité et folie. Surtout dans le domaine artistique où, considérée comme une qualité, elle devient parfois ostentatoire, est volontairement accentuée.
Merci pour ce billet, Natalia, et bonne journée.
Amicalement,
Michèle

Publié le 26 Janvier 2024

Un thème douloureux pour moi, ayant grandi dans une famille où être écrivain, avoir de l'imagination, signifiait automatiquement être fou, avec tout ce que ça implique comme rejet et mépris au fil des ans. Ça s'est fini au tribunal où j'ai dû expliquer au juge qu'en fait non, même si j'écris des livres, figurez-vous que je suis à peu près normal. Procès gagné, et publication dans la foulée de mes mémoires, "Ma folie fut rieuse", avec pour fil conducteur (vous l'aurez deviné) la folie.

Publié le 25 Janvier 2024

Très intriguant...

Publié le 24 Janvier 2024

La différence qu'il y a entre un fou et moi, c'est que moi je ne suis pas fou.
Salvador (Dali)

Publié le 24 Janvier 2024

OUF! Natalia, en voilà un, de sujet d'écriture ! J'espère que vous nous direz comment vous vous y prenez pour l'écrire, cette folie. Je crois avoir compris que nous sommes tous névrosés (c'est, en tout cas, l'impression qui me vient chaque matin, quand je me rase), donc, que c'est en qualité de névrosés que nous écrivons sur la folie.
(j'ai une furieuse envie de plaisanter, Natalia)
Donc, un névrosé raconte ce qui se passe dans la cafetière d'un psychotique ou d'un pervers ((peut-on être les deux à la fois ?), (peut-on être névrosé-psychotique, ou névrosé-pervers, ou psychotique-pervers ?)), jusque-là, c'est bon. Mais qui lit ? Quand je lis l'histoire d'une perverse (changeons un peu), racontée par une névrosée, que se passe-t-il si je suis moi-même psychotique sans le savoir, par définition ?
Au secours, Natalia !!!!
J'avais juste envie de plaisanter un peu. Je respecte infiniment la folie. Que deviendrait-on sans les fous ? D'horribles sages. Ennuyeux, je ne vous dis pas comme. Quelle merveille que Dieu, dans son infinie sagesse (est-ce là l'expression d'une N -marre d'écrire-, d'une P ou d'une P ? ou d'une NPP ?), nous ait délivrés de la Connaissance.
Tiens, juste avant de partir : la plus belle manifestation de NPP de notre époque n'est-elle pas l'appel à la Pleine Conscience (majuscules) ?
Merci Natalia pour ce billet, Bravo pour l'audace, Je Recommande chaleureusement la lecture de votre article et de votre livre.

Publié le 24 Janvier 2024
DEC

La thématique suscite un vif intérêt, mais aborder celle-ci par le prisme de la psychanalyse est déjà de la folie ! La preuve, cela aboutie à quoi de précis ? Je vous convie à parcourir le manifeste intitulé "Dualité ego conscience" sur MBS, car une fois que l'on saisit la nature de la conscience, il devient évident que tout éloignement de la sagesse est déjà une forme de folie ... Merci pour cette "folle tribune".

Publié le 23 Janvier 2024

"Un moment hors-sens, ou hors-langage" est une belle définition du délire. De sorte que l'écriture est un peu le contraire du délire : un moment situé dans le sens et le langage. Arriver à écrire le délire est donc un beau défi. Merci pour cette tribune.

Publié le 23 Janvier 2024