Rachmaninov nous offrait le célèbre générique d'"Apostrophes", l'emission phare de Bernard Pivot Fils d’un épicier de Lyon, journaliste au Progrès, puis Directeur du Figaro littéraire, il s’en fait évincer par Jean d’Ormesson. Il démarre alors une carrière à la télévision. Une fois établi et reconnu, il n'en tiendra pas rigueur à son ancien patron car ce dernier deviendra l’un des piliers de son émission phare « Apostrophes »
Pendant plus de 15 ans, a partir de 1975, il tiendra 723 émissions sans que les Français ne se lassent un instant de ces rendez-vous hebdomadaires.
Et les ventes de livres se sont réglées durant cette période au rythme de ses émissions et du choix de ses invités.
Il nous a offert des moments clefs de littérature avec Soljenitsyne, Mitterrand, Brassens, Patrick Modiano, Albert Cohen, Vladimir Nabokov, des moments drôles et un peu embarrassants avec Bukowski ivre mort sur son plateau provoquant la colère de Cavanna.
Puis, il ne faut pas l’oublier, ces moments plus troubles de célébration de Matzneff vantant ses conquêtes de sortie d’école sous le regard amusé d’invités complaisants.
L'une de ses fiertés : avoir été nommé à l’académie Goncourt sans être écrivain, puis en avoir pris la présidence pendant 6 ans.
Mais ce qu’il faut retenir, c’est cette aptitude à diffuser la culture, de manière populaire, non intellectuelle (au sens de mise à distance) mais exigeante, cette bonhommie qui rassemblait tous les Vendredi 2 à 3 millions de Français (Même s’ il n’y avait que 3 chaines), cette aptitude si naturelle à nous dire « Je suis comme vous » et « je vous fais partager mes trésors ».
Il parlait bien aux jeunes, aux vieux, à tous les milieux avec pour cible : le peuple français.
L’universalisme ne se décrète pas, il se pratique. Il le vivait et le faisait vivre.
Nous lui avions parlé de monBestSeller, il nous avait encouragé et donné quelques conseils. Avisés.
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@Michel Laurent
Merci pour cette remarque de Pivot qui m'a fait rire. Je préciserais par contre les propos de Lacan qui ne parlait pas de normalité versus psychose mais de distinguer les sujets névrosés des sujets psychotiques ou pervers. Effectivement l'humour est pris au pied de la lettre chez le psychotique qui aime par ailleurs faire de jeux de mots entre les maux...
Je suivais son émission alors que je n'étais qu'une enfant et je me souviens de son prestigieux invité : Soljenitsyne. Cet auteur a fortement influencé mes opinions et je le dois à Pivot. Il est irremplaçable car il était neutre et invitait tout le monde. @Sylvie de Tauriac
Hélas personne ne pourra vrament prendre sa suite : quelle triste époque !
Hors sujet, mais c'est pas moi qu'a commencé m'dame :-))) !
Voilà qui n'a rien d'une charge joyeuse contre l'Empire du bien, il me semble...
« "Puissé-je être quelqu’un d’autre, ainsi soupire ce regard : mais il n’y a pas d’espoir ! Je suis qui je suis : comment me débarrasser de moi ? Et pourtant j’en ai assez de moi !"... Sur ce terrain du mépris de soi, véritable marécage, pousse toute mauvaise herbe, toute plante vénéneuse, tout cela petit, caché, trompeur et fade. Ici grouillent les vers de la vengeance et du ressentiment ; ici l’air empeste de choses secrètes et inavouables ; ici se trame constamment la conspiration la plus méchante, — la conspiration de ceux qui souffrent contre ceux qui ont réussi et vaincu, ici la simple vue du vainqueur excite la haine. Et que de mensonges pour ne pas reconnaître que cette haine est de la haine ! Quel étalage de grands mots et de façons, quel art de la calomnie « honnête » ! Ces malvenus : quelle noble éloquence coule de leurs lèvres ! » (Ultima Necat III, Philippe Muray)
Comme quoi mille et un portraits d'une même personne peuvent être dressés, lorsque l'on pioche quelque morceau choisi qui abonde dans notre sens...
Et pour en revenir au sujet de cette tribune, voici un délicieux moment jubilatoire :
https://www.youtube.com/watch?v=jo8HCTZyuvI
Sur ce, je vais boire mon thé.
Bonne journée !
Michèle
C’est Pivot qui a écrit : « Il y a 50 ans, Neil Armstrong savait qu’il marchait sur la lune alors qu’il y a plus de 5 siècles Christophe Colomb, débarquant en Amérique, ne savait pas où il mettait les pieds. C’est à cela qu’on mesure les progrès des agences de voyages et des tour opérateurs. »
Et c’est par ailleurs Lacan qui prétendait que l’aptitude à l’humour était « l’un des critères de distinction entre des sujets normaux et des malades mentaux ».
Pivot n’avait décidément rien d’un malade mental.
Il ne faut pas haïr l'antithèse. Sans elle, pas de synthèse possible !
Fuir l'antagonisme ne revient qu'à fortifier ses propres croyances et les ériger en dogmes.
"L'horreur, l'horreur, l'horreur" (prise de conscience du Colonel Kurtz, heureux homme, but too late).
Fuir, honnir, ce n'est rien d'autre et rien de plus qu'avoir peur.
Misère, quand nous avons peur des mots !
"Il avait toujours l'œil qui brillait, la curiosité, l'envie de rire, parce que c'était quelqu'un qui était extrêmement rieur. Il ne riait pas en se moquant : c'était un rire un peu tendre pour dire vraiment, 'on est tous des cons, on est tous un peu minables'. C'était un rire attendri par rapport à l'humanité. C'était un rire très chaleureux", se remémore Éric-Emmanuel Schmitt (écrivain, membre de l'Académie Goncourt).
Imaginer un monde rempli de mauvaises intentions est le piège du cynisme. Être cynique n'aide pas à voir la réalité plus clairement, bien au contraire. Cette réalité, élucubration d'un esprit le plus souvent frustré, aigri et déçu, empoisonne relations et vies en professant une morale alternative encore plus rigoriste.
Sébastien Lapaque dit de Muray :
"Parce que les cibles véritables de cette plume acérée sont toutes les formes de bien-pensances, son extraordinaire liberté de ton, outre l’hilarité qu’elle provoque, procurera à certains un véritable enthousiasme en ces temps souvent sombres.
« Enfant de Bloy par la colère, de Céline par la fièvre, de Rabelais par l’imagination, il se fait un devoir de pulvériser les vanités de son temps, de les transformer façon puzzle. »
SEBASTIEN LAPAQUE, « La charge joyeuse de Philippe Muray contre l’Empire du Bien »
*
Cela dit, on peut continuer à prendre le thé...
On peut voir aussi la chose par le prisme de Philippe Muray. Et cela donne alors :
"Sa fausse bonasserie postillonnante, ses fous rires de pucelle, ses yeux ronds, sa jovialité de ballot du Danube, ses extases d’épicier empâté, ses lunettes sur le front, ses finasseries de fanfare municipale et ses pseudo-sévérités de maître d’école ballonné de fleurs de rhétorique, le désignaient pour être l’animateur idéal d’un longue cérémonie funèbre [de la littérature] dont il sut donner l’illusion, chaque vendredi que Dieu faisait, qu’elle était une grande fête de l’esprit menée tambour battant par un organisateur hors pair de noces et banquets."
Pivot et son peuple. Philippe Muray. Essais.
Oui, Bernard Pivot était doté d'une belle ouverture d'esprit, et comme souvent lorsqu'elle n'est pas feinte, le reste suit : accessibilité, humanité, finesse, humilité, qui coulent tout naturellement de cette source aussi rafraîchissante que rare.
Merci pour ce billet-hommage,
Michèle
Merci pour cet article... Je me souviens de ses émissions qui me semblaient, à moi, petite fille) parfois très ennuyeuses... Et de ce personnage impressionnant qui nous faisait la dictée, à ma famille et à moi...
@ Cat Viti, associés, etc.Merci, oui il semblait dire "je vous fais partager mes trésors" et c'était si chouette et si naturel ! Bon c'est pas tout, je commence un papier qui va devenir bouquin vu comment c'est parti. Thème et titre : "Bêtisier joyeux de littérature bankable".
Début : "Allez hop ! Ouvrez vos romances en stock ou retirez-les de la poub’, osez fouiller les boites à livres. Malgré le drame qui se noue au fil des pages, éclot puis éclate, il y a parfois en ces lieux de quoi réprimer un rire, oh la honte, un rire sauvage et malveillant alors que l’héroïne souffre à n’en plus pouvoir hurler, surtout si elle a été bâillonnée par un geôlier prévoyant. Exemple, celui dépeint par Pierre Lemaître dans Alex, paru en 2011 : Alex est dans une cage en suspension au-dessus du sol et son geôlier vaque à ses occupations sans se soucier d’elle. Pourquoi l’a-t-il capturée, que va-t-il en faire, hum…
Mais c’est un exemple moyen, vu que ce roman est bon. Ma cible est plutôt de type bouse et baise et bons sentiments. Eh oui, parfois la romance, même pimentée de sexe et d’objets afférents sur fond de paysages cinématographiques, parfois la romance est rance et elle suscite l’errance vers les écrans ou une chair non enfantine à sa disposition."