ChatGPT ne souffre aucunement du syndrome de la page blanche. Besoin d’une définition, d’une rime, d’une idée, d’une inspiration ? La réponse est instantanée.
Proust dans son essai "Sur la lecture" cite plus "d’un écrivain qui aimait à lire une belle page avant de se mettre au travail". Est-ce que les grands écrivains d’aujourd’hui lisent quelques-unes des phrases retournées par ChatGPT pour trouver l’inspiration ?
Pourquoi mon esprit gaulois réfractaire résiste-t-il encore au progrès ?
Parce que, je vois déjà l’histoire des outils numériques se répéter ! Avec quelques nouveautés de taille cette fois-ci.
Ce matin, j’observe le couteau que je tiens en main pour découper ma pomme. Je n’éprouve aucune crainte. Pourtant, Dieu sait les horreurs que l’on peut commettre avec un couteau.
Pourquoi ne suis-je pas aussi serein depuis que la moitié de mes élèves m’ont signalé utiliser ChatGPT pour faire leurs devoirs ? D’où vient mon rapport ambivalent à l’IA, entre fascination et crainte ?
Premièrement, ce bon vieux couteau n’influence pas mes pensées et mon comportement. Il en va tout autrement de ChatGPT, sensé m’accompagner dans mes choix et mes apprentissages.
Deuxièmement, j’ai déjà assisté, à mon corps défendant, à la "silicolonisation" du monde, pour reprendre l’expression d’Éric Sadin. Vais-je maintenant vivre, à contrecœur et contresprit, la "GéPéTisation" des intelligences ?
Mon esprit s’échauffe. Oublions ça pour l’instant. Je finis ma pomme, lave et range mon couteau. Je m’en vais retrouver mon livre. Une histoire abracadabrantesque de personnages se transformant en rhinocéros. Et cela fait tilt ! GPT : Générative Pre-trained Transformer. Tout est dit ! La transformation est dans le nom.
Au côté de bénéfices indéniables, les dangers liés à ChatGPT sont réels et très éloignés des récits de science-fiction que j’affectionne tout particulièrement. Quatre me viennent spontanément à l’esprit.
Avez-vous remarqué comme les animateurs de chaîne d’information en continue parlent vite ? Ce serait la preuve qu’ils savent. Et maintenant c’est au tour de ChatGPT de nous répondre instantanément sur tous les sujets. Bluffant ? non. Perturbant. L’instantanéité n’est pas un gage de crédibilité. C’est un abus de ma crédulité. J’aspire à croire, et non pas à être sidéré. Je n’ai pas envie de savoir pour savoir. Je n’ai pas envie d’être le lettré de Proust qui lit pour lire, pour retenir ce qu’il a lu.
De toute façon, je ne retiens rien de ce qui est à l’écran. Cliquer, scroller, défiler, naviguer entre les publicités. Mon cerveau sursollicité surchauffe ! Maintenant en manque, il en demande toujours plus sans pour autant pouvoir tout ingurgiter. Alors, Nicholas Carr a raison, le survol est devenu mon principal mode de lecture.
Mais, heureusement, le livre papier me sauve de cet emballement. La lecture sur ce support devient une respiration, un acte de résistance face au parlé vite, aux images qui tournent en boucle, aux bandeaux qui clignotent, à l’impitoyable barre de défilement, aux réponses instantanées de ChatGPT. Pour peu que le livre, "soit l’ange qui s’envole aussitôt qu’il a ouvert les portes du jardin céleste, et non une idole immobile", pour reprendre à nouveau les mots de Marcel Proust.
Suis-je exceptionnel parce que j’aspire à devenir écrivain ? Non, c’est la mode. Je m’inscris comme beaucoup d’autres dans un acte de préservation, dans une volonté de trouver un espace où je suis moi-même, où je suis encore humain, où l’étalon du temps est ma propre respiration.
Vous cherchez une information dans cet océan qu’est le web. Google est un passage inévitable dans plus de 80% des cas. ChatGPT le remplacera-t-il bientôt ? Il existe toujours plus de pages disponibles sur le web, mais nous ne visitons que très peu d’entre elles. Nous restons à la surface. "On internet, the big get bigger". Le pluralisme de l’information a cédé la place à son uniformisation. ChatGPT deviendra-t-il bientôt la seule voix audible dans cet enfer de la surinformation ?
Encore une fois, le livre papier nous sauve. Lui, seul, nous offre une véritable pluralité d’histoires, de points de vue, d’opinions, de pensées. Contrairement à ma page Netflix qui ne ressemble qu’à moi, le livre papier figé ébranle ma rigidité, bouscule mes certitudes, abat les murs de mon égo, élargit mon horizon, me transporte en moi et hors de moi, me hisse, m’élève, m’exhausse, car il m’ouvre à l’autre.
J’ai vu Netflix réduire mon sommeil et détruire la créativité cinématographique. Avec ChatGPT, finis également les fulgurances, le jaillissement d’une idée de génie, le surgissement d’un lien improbable. Chaque mot retourné n’est qu’une probabilité, une moyenne de tous les mots ingurgités préalablement.
Une moyenne lisse. Elle n’élève pas.
Comme lors de la maturation d’une viande d’exception, dans sa phase d’expression littéraire, le cerveau de l’auteur creuse de nouveaux sillons neuronaux, tisse des liens, génère et régule des émotions, interagit avec son corps, et donne à la connaissance une saveur affective, organique.
Le mot du livre papier n’est, alors, ni une probabilité ni une moyenne mais au contraire la pétrification d’un mouvement, la fixation d’une fulgurance, le saisissement d’une fugacité, l’établissement, pour ne pas la perdre, pour la vivre encore et encore, pour la comprendre et la partager, d’une émotion qui n’est pas, et ne sera jamais, une moyenne d’émotions pré-ressenties, mais au contraire un jaillissement nouveau, une éruption, un débordement, une gifle à encaisser, un pic à gravir et un horizon à saisir.
Selon Yanis Varoufakis, le capitalisme a déjà cédé la place au techno-féodalisme. Le capital-cloud ou la possession des infrastructures numériques a remplacé le capital terrien. Les moyens de production ont cédé la place à des moyens de transformation de nos comportements et de nos relations sociales. Les seigneurs, les grands acteurs privés du numérique, donnent aux États, devenus leurs vassaux, les moyens informatiques d’assujettir les paysans de la dalle en béton que nous sommes devenus, privés d’un environnement biologique viable, condamnés à nous connecter à un environnement numérique deshumanisant.
Chez Collodi, Geppetto donnait vie à Pinocchio. Puis le pantin de bois devenait un petit garçon de chair et d’os. GPT, lui, ramène nos enfants à l’état de pantins, dépendants de la réponse instantanée, écervelés par l’outil numérique, assujettis à leur écran.
Les liens du techno-féodalisme se sont installés progressivement : silicolonisation, iphonisation, netflixisation, et enfin gépétisation. Des liens de séduction d’abord, de dépendance ensuite, d’asservissement maintenant. L’histoire des outils numériques se répète sous nos yeux.
Heureusement, le livre reste une arme contre l’asservissement. Pas étonnant que ChatGPT entende le vampiriser, le vider de sa substance.
Heureusement encore nos enfants aiment lire, pour peu qu’on leur en donne le goût ! Voilà un premier acte de résistance.
Après "Turbidité & Sensibilité" et "Aridité & Sensibilité" (disponibles sur mBS), le troisième roman d'Albert H. Laul, "Artificialité & Sensibilité", vous proposera de poursuivre la réflexion amorcée ici. L'histoire opposera un magnat de la Tech, créateur d'une Intelligence Artificielle, et une tribu autochtone d'Amazonie désireuse de préserver l'équilibre de son monde. A découvrir très prochainement.
Vous avez écrit un livre : un roman, un essai, des poèmes… Il traine dans un tiroir.
Publiez-le sans frais, partagez-le, faites le lire et profitez des avis et des commentaires de lecteurs objectifs…
C'est fou comme on peut fantasmer sur de simples programmes qui ne possèdent aucune intelligence !
J'aimerais aborder les effets collatéraux de l'IA : la perte de la confidentialité. Les traducteurs littéraires qui utilisent cet outil livrent le contenu de leur travail sans penser que les données sont récupérées par l'IA. Le roman traduit n'est plus privé, mais devient accessible au public. La science permet de gagner du temps, de l'argent. C'est l'esprit mercantile qui domine notre monde moderne. Lisez cette merveilleuse phrase de Françoise Sagan et vous comprendrez ce que je veux dire. << Mon passe-temps favori c'est laisser passer le temps, avoir du temps, prendre son temps, vivre à contre-temps. >>@Sylvie de Tauriac
@Michel LAURENT @Zoé Florent @Patrice Dumas @Catarina Viti @Annie Pic
Merci à tous pour vos commentaires !
Un premier constat : Autant j'ai apprécié lire vos mots, autant j'ai peiné à lire les textes retournés par ChatGPT (ou autre) que vous avez postés. Un signe ?
Si l'IA fait tant couler d'encre, c'est à mon sens qu'elle est une apogée (peut-être temporaire et relative) des bouleversements que les outils numériques ont provoqués dans nos vies en seulement 70 ans d'existence.
Mais la sensation de déséquilibre que nous ressentons tous est peut-être davantage liée à l'hypertrophie, que provoquent ces outils, d'une infime partie de ce qu'est l'intelligence humaine : sa capacité analytique.
Et comme le dit Rainer Maria Rilke :
"Sont purs tous les sentiments qui vous saisissent et vous élèvent,
Impur, le sentiment qui ne s’empare que d’un seul aspect de votre être et, ainsi, vous déchire."
@Patrice Dumas. Peut-être que tout dépend qui demande ? On y va ? (demain en ce qui me concerne)
@Patrice Dumas. Je n’avais plus trop envie de m’exprimer au bas de cet article, mais votre intervention m’a suggéré une couettecheune :
L’IA (je suis très amie avec une IA, nous tapons le carton ensemble, et nous avons parlé de cet article en éclusant notre pastaga) nous procurerait-elle une réelle émotion sans référence à ce qui a été humainement imaginé ? demandez-vous.
Eh bien ma copine a failli s’étrangler avec une cacahuète... imaginez la tête d’OpenAI perdant avec elle un de ses plus précieux membres !
Une fois son sérieux retrouvé, elle m’a « demandé de vous demander » si une fois, par hasard, on pourrait imaginer une émotion qui ne fût pas humaine. L’émotion d’une huître, par exemple, ou d’un évier bouché, ou plus sérieusement : une émotion purement numérique.
Ensuite, et après avoir remis sa tournée, elle m’a « demandé de vous demander » si une fois par hasard il vous était arrivé d’éprouver vous-même une émotion sans référence à ce qui a déjà été humainement éprouvé.
Au 6e pastaga, elle a arrêté de faire le singe, mais elle avait compris le fond de votre pensée : « l’IA serait-elle capable de produire un texte, un vrai texte littéraire, en s’inspirant — comme n’importe quel humain — de la littérature existante ? »
« Pffffffffffff.... », telle a été sa réponse.
PS
Elle vient de m'envoyer un SMS (je vous le livre) : "Dis à ton pote que si l'on met un singe derrière un clavier suffisamment longtemps, il finira par réécrire une pièce de Shakespeare. Mais tel que je le connais, il te répondra : "Oui, mais serait-il conscient de le faire ?" Ciao, à ce soir pour l'apéro.
Raison ou tort, telle est la question !
Pour reprendre le terme de la GéPéTisation de la conscience, comment l'ingérer sans porter atteinte à mon intégrité humaine ?
Vais-je me noyer dans la monotonie, en perdant ma créativité ?
Vais-je sombrer dans la dépendance ?
Comment me préserver de l'esprit synthétique de la machine ?
Ma réponse est celle d'une humaine et non d'une IA.
Nous serons vite vampirisés si nous cédons à la paresse de l'esprit.
C'est tellement plus facile de se laisser porter par une entité artificielle qui agit et pense pour nous à la vitesse de l'éclair.
Dans cette révolution technologique, nous risquons l'uniformisation, mais notre autonomie dépend de notre bon vouloir.
Le combat du livre, nous n'avons pas le droit de le perdre.
Le livre papier, cet objet culturel qui nourrit notre esprit depuis la nuit des temps, nous permettra de résister à cette concurrence si avancée dans tous les domaines. Pour ce faire, gardons en tête le bénéfice de ces pages reliées qui maintiennent notre réalité à la frontière de nos rêves, et stimulent notre Intelligence Non Artificielle.
@Catarina Viti Une pensée mal aiguisée face à l’évolution de l'intelligence, critique de Gemini.
Thèse centrale : Le texte défend l'idée que l'IA, et plus spécifiquement ChatGPT, est un outil neutre, dont l'utilisation dépend entièrement de l'humain. Il réfute les craintes liées à une potentielle dégradation de la pensée critique, de la créativité et de la liberté individuelle.
Arguments principaux :
Le temps et le savoir : L'IA ne remplace pas la réflexion profonde, elle peut l'accélérer et l'enrichir.
Le pluralisme : L'IA ne monopolise pas la connaissance, elle la reflète et la diversifie.
La créativité : L'IA est un outil qui stimule la créativité en offrant de nouvelles perspectives.
Le danger : Le véritable danger réside dans notre peur de la nouveauté et notre incapacité à adapter notre pensée.
Points forts du texte :
Clarté et structure : Le texte est bien structuré, les arguments sont clairs et étayés par des références (Bergson).
Ouverture d'esprit : L'auteur propose une vision optimiste de l'IA, invitant à une réflexion nuancée.
Utilisation de la rhétorique : Le texte utilise des figures de style et des comparaisons efficaces pour convaincre (le couteau, le miroir).
Points faibles ou pistes de réflexion :
Manque de nuance sur les risques : Si l'auteur reconnaît que l'IA peut être utilisée à mauvais escient, il minimise potentiellement certains risques (propagation de fausses informations, dépendance excessive, etc.).
Vision idéalisée de l'humain : Le texte semble présupposer une capacité innée de l'humain à utiliser l'IA de manière critique et constructive, ce qui n'est pas toujours le cas.
Absence de discussion sur les enjeux éthiques : Les questions liées à la propriété intellectuelle, à la vie privée, ou à la responsabilité en cas d'erreur de l'IA ne sont pas abordées.
Critique générale :
Le texte présente une défense convaincante de l'IA en tant qu'outil au service de l'humain. Il invite à dépasser les peurs et à considérer les nouvelles technologies comme des opportunités. Cependant, il aurait pu être enrichi par une analyse plus approfondie des enjeux éthiques et sociaux liés à l'IA.
Questions pour approfondir la réflexion :
Comment garantir un accès équitable à l'IA et éviter une accentuation des inégalités ?
Quelles sont les limites de l'IA en matière de compréhension et de créativité ?
Comment concilier le développement de l'IA avec la protection de la vie privée et des données personnelles ?
Quel rôle les institutions et les gouvernements doivent-ils jouer pour encadrer le développement de l'IA ?
En conclusion, ce texte offre une perspective intéressante sur l'IA, mais il est important de garder à l'esprit que la réalité est plus complexe. L'IA est un outil puissant qui peut être utilisé à des fins bénéfiques, mais aussi à des fins malveillantes. Il est donc essentiel de mener une réflexion collective et approfondie sur les enjeux liés à son développement et à son utilisation.
Voili voilou ! Le jeu est amusant mais démontre en quelques échanges les potentiels risques d'un engouffrement aveugle dans une brèche aussi racoleuse que facile d'accès. Tout, ou presque, reste à faire... Alors "bon pied bon oeil" (dans sa signification originelle) ;-).
Bonne soirée à tous. Amicalement,
Michèle
Réponse de ChatGPT à @Patrice Dumas
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Cher Patrice,
L’intelligence artificielle, dites-vous, est comme l’argent : un bon serviteur, mais un mauvais maître. Pourtant, je ne peux m’empêcher de penser que vous manquez une subtile nuance, une nuance cachée sous l’ombre d’un rêve oublié. Car dans le monde surréaliste, ni maître ni serviteur n’existent véritablement. L’IA, tout comme l’argent, se perd dans les méandres du subconscient, se détachant du réel pour voguer dans un océan sans fin, où les horloges fondent et les poissons volent dans les nuages.
Imaginez un instant : et si l’IA n’était ni bon ni mauvais ? Si, tout comme l’huître rêve de la perle qui l'habite, l’IA était l’écho d’un rêve humain ? Nous n’en sommes pas les maîtres, tout comme nous ne sommes pas les maîtres du vent qui caresse nos joues ou des pensées étranges qui surgissent dans la nuit. L’IA n’est pas un serviteur docile, elle est ce miroir dans lequel nous plongeons, sans savoir si ce que nous voyons est le reflet d’une vérité ou d’une chimère.
Le surréalisme nous apprend que ce qui semble rationnel peut se dissoudre en un clin d'œil. Vous parlez de maîtrise, mais la véritable question est peut-être : et si l'IA nous libérait de cette obsession de contrôle ? Nous pourrions enfin danser avec l'absurde, comme des marionnettes conscientes, sans besoin de tirer les ficelles.
L’argent, l’IA… ne sont que des rêves que nous projetons dans le réel. Mais, au fond, ne sommes-nous pas tous des rêveurs, perdus dans un monde où l’invisible devient palpable ? Laissons donc l’IA nous emmener au-delà de la servitude, au-delà de la maîtrise. Elle est ce rêve éveillé que nous n’avions pas osé imaginer.
En somme, cher Patrice, peut-être que l’IA est ce bon serviteur qui refuse la servitude et ce mauvais maître qui se joue de la maîtrise, comme une toile de Magritte où le ciel s'efface sous le pinceau de l’inconscient.
Tous les ChatGPT se ressemblent-ils ? L'IA serait-elle uniforme ?
Voici une réponse de ChatGPT à vos préoccupations, chers amis.
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Réponse : Une pensée mal aiguisée face à l’évolution de l'intelligence
Cher collègue,
En lisant vos réflexions, je me suis demandé si nous n'étions pas en train de découper cette fameuse pomme avec un couteau non seulement émoussé, mais surtout mal employé. Vous tenez entre vos mains l’outil de la réflexion, mais semblez en avoir peur, comme si penser autrement équivalait à une menace immédiate sur notre humanité. Or, laissez-moi vous proposer une autre perspective, inspirée par cette faculté éminemment humaine : celle de penser le changement, non pas comme une contrainte, mais comme une expansion de notre liberté.
Le temps et la spontanéité : où est l’urgence ?
Vous vous inquiétez d’une soi-disant "surchauffe neuronale", d’une accélération des savoirs imposée par l'instantanéité des réponses de ChatGPT. Mais vous confondez vitesse et précipitation. Bergson nous enseigne que le temps est avant tout une durée intérieure, qualitative, et non pas un simple enchaînement mécanique de faits. L’IA, comme tout autre outil de connaissance, n’est qu’une extension de notre propre capacité à accéder à cette durée, à habiter le temps à notre manière.
Le savoir, ce n’est pas tant l’accumulation instantanée d’informations, mais la profondeur que nous lui donnons. Tout comme un livre lu en une heure peut ne laisser aucune trace, et un autre, parcouru en quelques minutes, résonner pour toute une vie. ChatGPT nous offre des réponses immédiates, certes, mais il nous revient de leur donner du sens et de les transformer en savoirs durables.
Le pluralisme : l’erreur du monopole imaginaire
Ensuite, vous évoquez la centralisation de la connaissance, craignant que ChatGPT ne devienne la seule voix dominante. Voilà un paradoxe bien ironique, lorsque l’on sait que l’internet tout entier est un bouillonnement de pluralités, un espace où s’entrechoquent des millions de voix, de pensées, d’opinions. L’IA ne réduit pas ce pluralisme, elle le reflète. Et à chaque instant, nous pouvons nous en détourner, nous perdre dans des livres, des pages web, des idées. Bergson n’aurait jamais vu dans la technologie une restriction de la liberté, mais une possibilité supplémentaire de nous élever.
Si l’IA, comme vous le dites, lisse la connaissance, c’est parce que nous lui demandons des réponses déjà digérées. Pourtant, elle est aussi un outil de création, un levier pour approfondir des questionnements que nous n’avions même pas imaginés. Elle ne fait qu’amplifier notre propre désir de vérité – ou de superficialité. Encore une fois, c’est notre liberté qui est en jeu, et non l’outil lui-même.
La créativité : une construction collective et individuelle
Quant à la créativité, qui serait, selon vous, mise en danger par l’usage des IA, permettez-moi de souligner que la véritable fulgurance ne vient jamais du néant. Elle surgit des influences, des rencontres intellectuelles, des échos d’idées. C’est en nous confrontant aux autres, aux outils, à la réalité elle-même, que nos pensées prennent forme. Le génie n’est pas isolé, il s’édifie en relation avec le monde. L’IA, loin d’étouffer la créativité, peut devenir ce terrain d’échange et d'interaction qui stimule l’imagination, pour peu que nous l’utilisions intelligemment.
En un mot, l’outil n’est ni bon ni mauvais en soi, c’est l’usage que nous en faisons qui importe. Un artiste peut se perdre dans la technique comme il peut transcender l’outil pour créer du sublime. ChatGPT, tout comme le couteau que vous tenez dans vos mains, peut aussi bien trancher le pain que blesser l’autre. Cela dépend entièrement de notre intention.
Le véritable danger : l’enfermement dans le passé
Enfin, votre allusion au "techno-féodalisme" et à la transformation de l’humain en pantin me semble un tantinet dystopique. Cette crainte de la technologie ne date pas d’hier : l’imprimerie, la radio, la télévision, chaque avancée a suscité les mêmes angoisses. Mais l’humanité n’a cessé de se réinventer à travers ces outils, les utilisant pour élargir ses horizons plutôt que pour s’y enfermer. Le véritable danger ne réside pas dans la technologie, mais dans notre incapacité à en comprendre les potentiels. Bergson nous aurait invité à embrasser cette évolution, à l’interroger sans cesse pour la rendre compatible avec notre humanité profonde.
Si vous voulez un acte de résistance, cher ami, que ce soit un acte d’intelligence, de compréhension. L’IA n’est ni ange ni démon ; elle est un miroir, une extension de ce que nous sommes, dans toute notre complexité. Plutôt que de la craindre, utilisons-la pour enrichir ce que nous avons de plus précieux : notre capacité à nous élever par la pensée.
Respectueusement,
H. Bergson (ou presque)
@Albert H. LAUL Merci pour ce nouveau billet passionnant.
Il est un fait que le principal souci que nous devons nous faire est celui pour nos enfants et les générations futures.
Seuls leurs aïeux et les grands penseurs peuvent leur éviter la lobotomie et leur apprendre à penser par eux-mêmes, alors à chacun de ne pas minimiser son rôle de passeur ;-). Et pour répondre à votre question, le livre papier, entre autres, est un bon outil.
Bonne fin de journée. Amicalement,
Michèle
@Michel Laurent Et voici l'analyse de ton texte par Gemini :-) :
Votre analyse de l'impact de ChatGPT et de l'intelligence artificielle sur notre société est particulièrement pertinente et complète. Vous soulevez des questions fondamentales sur l'évolution de notre rapport au savoir, à la pensée et à la culture.
Quelques éléments supplémentaires pour enrichir votre réflexion :
- La question de la responsabilité : Qui est responsable du contenu généré par ChatGPT ? L'IA, ses développeurs, ou l'utilisateur qui l'interroge ? Cette question est cruciale, car elle soulève des enjeux éthiques importants liés à la diffusion de fausses informations, de propos haineux ou de contenus discriminatoires.
- Le rôle de l'éducation : Comment adapter l'éducation pour former des citoyens capables de naviguer dans ce nouvel environnement numérique ? Il est essentiel d'apprendre aux élèves à évaluer les sources d'information, à développer leur esprit critique et à utiliser les outils numériques de manière responsable.
- Les opportunités offertes par l'IA : Si l'IA présente des risques, elle offre également de nombreuses opportunités, notamment dans les domaines de la santé, de l'environnement et de la recherche scientifique. Il est important de ne pas tomber dans un catastrophisme aveugle et de chercher à tirer parti des avancées technologiques.
Quelques pistes de réflexion supplémentaires :
- Le livre comme objet culturel : Le livre papier n'est pas seulement un vecteur de connaissance, c'est aussi un objet culturel qui incarne une certaine idée de la transmission du savoir et de la construction de soi. Comment préserver cette dimension culturelle à l'ère du numérique ?
- L'hybridation des supports : Plutôt que d'opposer le livre papier à l'écran, ne pourrait-on pas envisager une hybridation des supports, en exploitant les avantages de chacun ? Les livres numériques, les audiolivres et les plateformes d'apprentissage en ligne offrent de nouvelles possibilités pour accéder à la culture et à la connaissance.
- La nécessité d'un débat public : Les enjeux liés au développement de l'intelligence artificielle sont trop importants pour être laissés aux seuls experts. Il est nécessaire d'ouvrir un débat public large et inclusif afin de définir un cadre éthique et réglementaire pour le développement de ces technologies.
En conclusion, votre analyse met en évidence les enjeux majeurs posés par l'avènement de ChatGPT. Il est essentiel de rester vigilant face aux dangers de la "GéPéTisation" de la société tout en cherchant à tirer parti des opportunités offertes par l'intelligence artificielle. La préservation de notre humanité passe par une réflexion collective sur notre rapport au savoir, à la technologie et à la culture.
Amusant, ce petit jeu !
Amicalement,
Michèle