
Midi trente-neuf. Une femme lit dans une brasserie. Une main sous le menton. L’autre qui maintient son livre ouvert. Des lunettes sur le nez. Une chaîne autour du cou. Un bracelet doré au poignet. Cheveux mi-longs ébouriffés. Quarante-cinq, cinquante ans. Pas vraiment belle, ni vraiment laide. Normale. Elle porte un pull blanc, une jupe courte noire, des bottines cirées. Ses jambes sont gainées de gris. Devant elle, sur la table, une tasse de café, un verre à moitié rempli, une carafe d’eau, une serviette froissée en papier et l’inévitable smartphone.
Seule au monde. Absorbée par sa lecture. Rien ne peut la perturber. Ni les serveuses qui papillonnent. Ni les clients qui se faufilent entre les tables. S’est-elle régalée ? Nous sommes arrivés trop tard pour le savoir. A-t-elle choisi le plat du jour, la facilité ? A-t-elle mangé une salade, un croque-monsieur ? Difficile de l’imaginer en train de dévorer une entrecôte saignante. Ce préjugé l’agacerait sûrement. Mieux vaut le garder pour nous. Que lit-elle ? Sans doute un roman. Pas un livre de poche. Mais un grand format qui suppose un sac pour le transporter. Épais avec une confortable police de caractères. Lettres noires sur papier blanc. Depuis quand ? Un certain temps diront les plus prudents. Une heure estimeront certains. Impossible de savoir, constateront les pragmatiques. Hier, elle n’était pas là. Demain, elle sera partie. Elle lira peut-être un nouveau livre, ailleurs, dans une autre ville. Elle n’est que de passage. Qu’attend-elle ? Un rendez-vous ? Galant ou professionnelle ? Va-t-elle rencontrer son banquier, son assureur, un futur employeur, un médecin ?
Sa respiration semble bloquée. Rien ne bouge. De temps en temps, pourtant elle tourne la page. Un simple geste qui en dit long. Elle ne quitte pas son livre des yeux. Aucun risque de perdre le fil.
Soudain, elle rompt le charme, abandonne le roman, allume son smartphone. Tout s’effondre. La magie n’opère plus. La banalité s’impose. Dommage. Elle caresse l’écran, préoccupée, consulte ses messages, les dernières infos indispensables, la météo, ou une incontournable polémique. Une urgence peut-être. Elle ne va pas tarder à ranger ses affaires, à se lever, à enfiler son manteau, à rejoindre le comptoir pour régler sa note. Elle quittera alors la brasserie, hésitera un instant, s’engagera sur la place pour disparaître à jamais.
Olivier Vetter
Vous avez écrit un livre : un roman, un essai, des poèmes… Il traine dans un tiroir.
Publiez-le sans frais, partagez-le, faites le lire et profitez des avis et des commentaires de lecteurs objectifs…
@Zoé Florent, oui, effectivement, c'est ce que j'ai vu après le commentaire de Yiannis. Merci !
@Michel CANAL Élizabeth M. Aîné-Duroc a été pendant longtemps le pseudo d'autrice de Bruna Toffaloni, que tu as certainement lue sous ce nom, à l'époque...
Bises et bon week-end à vous deux,
Michèle
Merci @Yiannis, pour le décryptage, le nom ne me disait plus rien. Qu'elle consente à bien vouloir me pardonner cet oubli d'une publication remontant à mi-octobre 2024.
MC
@Michel Canal
Bruna Toffaloni a eu le deuxième prix.
Et puis y avait des critères de sélection : originalité de la rencontre, qualité de l’écriture, densité des personnages, l’émotion. C’est sûr que pour remplir tout ça, c’est compliqué. Madame Viti a peut-être mis l'accent sur l'originalité de la rencontre.
Désolé, chère @Catarina Viti, si d'avoir un tantinet moqué votre soudain réveil tardif à découvrir « enfin -ENFIN-, enfin... enfin ! » un texte qui réponde au thème de l'appel à texte : rencontre fortuite, j'ai chatouillé votre susceptibilité. Mais le remerciement pour avoir précisé qu'il s'agissait d'une nouvelle dans le cadre du thème d'écriture était sincère.
Pour info... mais est-ce utile de le préciser, j'avais, comme tout participant au thème d'écriture, pris connaissance des règles du concours.
PS : je n'ai rien compris à votre "PS". Qui est cette Bruna Toffoloni qui avait visé juste et atteint la cible ?
Bonne journée tout de même !
MC
@Zoé Florent
Vous feriez, ce me semble, un parfait sujet pour le thème : rencontre avec une vieille frustrée, perfide et confite en méchanceté.
@Catarina Viti Ainsi soit-il ! Il faut dire que côté haine, tu en connais un rayon :-)...
@Ennemonde Patatras Auriez-vous encore oublié que vos avis, tout objectifs, respectueux et pétris de nuances soient-ils, m'indiffèrent, cher orchidoclaste ?
@Zoé Florent.
(Il paraît que la haine qui aveugle excuse tout. A une époque on acquittait les crimes passionnels.)
Je n'ai fait que copier-coller les règles du concours.
Quant à mes prises de position sur les textes, elle n'engagent que moi. Je vous prie de les respecter comme je respecte les vôtres.
@Catarina Viti Manque d'éducation qui t'empêche de le réaliser peut-être ? mais ta remarque, pointée par @Michel CANAL, était déplacée... Déplacée car méprisante pour tous les auteurs que tu exclus très (trop) souvent par des jugements aussi péremptoires qu'iniques. Déplacée sous la plume d'un mCL de surcroît.
Voilà, c'est dit...
Pour mémoire, cher @Michel CANAL :
Concours Littéraire : Portrait d'une Rencontre Fortuite
Bienvenue au Concours Littéraire "Portrait d'une Rencontre Fortuite", où nous invitons les auteurs de monBestSeller (et d’ailleurs) à capturer l'essence d'un personnage, connu ou pas, rencontré par hasard dans un train, un avion, ou le métro… ou un lieu particulier. Capturez l’essence d’un personnage en 2000 à 3000 signes. Créez des émotions en quelques lignes. Que voulez-vous que ressente votre lecteur ? de la peur, de la colère, de la tristesse ou préféreriez-vous décontracter ses zygomatiques ? Le concours est ouvert "Portrait d'une Rencontre Fortuite".
Croquer une scène, un personnage, c’est en retirer l’essence en quelques traits. Exercice des peintres, le croquis est l’art de surprendre le sujet dans son expression profonde, dans ce qui l’anime.
Croquer un personnage est le défi que nous vous proposons de relever dans notre concours. Croquez comme vous voudrez un homme, une femme, un enfant, mais croquez !
Craquez, croquez, mais sans criquer !
PS : de mémoire, Bruna Toffoloni avait visé juste et atteint la cible.
@Olivier Vetter, nouvelle très bien écrite, riche de belles descriptions, agréable à lire, mais merci à Catarina Viti d'avoir informé le lecteur, cela n'étant pas précisé dans le chapeau, qu'il s'agissait « enfin -ENFIN-, enfin... enfin ! d'un texte répondant au thème de l'appel : rencontre fortuite ».
Exprimé avec un tel degré d'attente, il faut croire que beaucoup d'autres sont passées à côté du thème, qui n'était pourtant ni "rencontre subliminale", ni "observation distante d'une lectrice dans une brasserie".
Je dois sans doute être trop puriste, prisonnier de la définition de "rencontre" au sens concret du terme. Nul n'est parfait !
MC
@Olivier Vetter
Votre question m'étonne. Et me laisse à penser que vous ne lisez pas trop sur le site...
@Olivier Vetter Je préfère de loin le livre papier aussi, tout ayant dû m'adapter au numérique, comme vous, qui proposez vos écrits dans ce format. Comment lire ici sans ce faire, d'ailleurs ?... C'est ce que j'entends par vivre avec notre temps, car je ne suis pas du tout, mais alors pas du tout férue des réseaux sociaux et encore moins de ceux versant dans d'abérrantes polémiques ou autres théories perchées ;-).
Amicalement,
Michèle
@Phillechat 4 : Sans rêves, la vie serait fade et la littérature n'existerait pas
@Ennemonde Patatras : Ecrire des textes lisibles? C'est la moindre des choses, non?
@Zoé Florent : Merci pour cet agréable commentaire. On peut lire sur son téléphone. Mais on y fait souvent d'autres choses moins enrichissantes. Je reste un défenseur du papier. Un livre n'est jamais déchargé. A chaque médium, son utilité.
@Catarina Viti : Merci pour ce beau commentaire. J'essaie d'être concis, de ne pas m'encombrer de mots inutiles. Le mascara est indispensable pour danser la mazurkas.
Bonjour Olivier,
Je n'osai plus espérer un texte qui réponde enfin -ENFIN-, enfin... enfin ! au thème de l'appel à texte : rencontre fortuite. Et merci de démontrer avec une telle limpidité qu'il est inutile de tartiner des pages entières pour faire passer un message. Même divisé en deux, votre texte continue à dire la même chose et tout aussi précisément.
En plus, vous avez une belle phrase : "Demain, elle sera partie. Elle lira peut-être un nouveau livre, ailleurs, dans une autre ville. " (Je sais, il y en a deux... mais elles sont tellement inséparables que je me demande si un point virgule...)
Nous ferez-vous l'honneur d'une trace de "Mascara", ou d'une petite "Mazurka" ?
A bientôt.
@Olivier Vetter Merci pour cette nouvelle imagée, tout en atmosphère et bien écrite, au demeurant.
Sinon, dommage que le charme ait été cassé, effectivement, mais ne nous faut-il pas vivre avec notre temps ? Lorsque des lecteurs lisent sur leur téléphone, leur tablette ou leur PC, ils n'en sont pas moins lecteurs pour autant ;-).
Bonne journée. Amicalement,
Michèle
Pas mal du tout, M. Vetter. Pour une fois qu'il y a ici un texte lisible...
Du rêve à la banale réalité : cruelle chute !