Que connaissez vous de la vie, monsieur l'éditeur ?
Est-ce que cela vous afflige, Monseigneur de chez G… ? Cela vous offusque Monsieur de chez F…? Imaginez des foules et des foules entières, voire même toute une nation d'incultes. De ces images qui se présentent à vos esprits je sens une nausée, telle que Sartre l'a décrite, monter en vous. Hélas pour vous ! (J’écris fort pour que vous puissiez m'entendre depuis vos piédestaux). Que pourriez-vous connaître de la vie à part ce que l'on en a écrit ?
Certes je spécule sur vos costards messieurs, j’en conviens, mais seuls les morts et les automates, instaurent et respectent les règles. Donc !! Que pourriez-vous dire de la vie ? Il est vrai, on en a écrit, des conneries sur la pauvre bougresse ! Il n'y a même que de ça. Trônant sur les étagères des libraires, les Fnac, les Virgin mega-chez–pas-quoi et autres bibliothèques. De beaux objets inutiles, brillants et colorés. Pourquoi inutiles ? Vous vous posez la question ?
Ceux qui lisent ou prétendent lire, cherchent quelque chose, ils ne savent pas quoi au juste mais ils cherchent. Un voyage pas cher ? Une intelligence ? Des sensations ? Qu'importe !! On ne trouve rien de vrai dans les livres. Les livres ont pour seul but de faire office de mémoires post-mortem. L'acte désespéré d'une illusion de l’être. Autrement dit, moi, toi, lui, eux, les autres... Tout le monde. Question cruciale ! Où se trouve donc la vie ?
L'orthographe et la grammaire ne sont pas l'égaux des Dieux Grecs
Je ne puis répondre pour le moment. Mais je suis certain que la littérature ne sauvera pas l'humanité, et que les règles de grammaire ainsi que l'orthographe ne sont pas les égaux des Dieux grec, devant lesquels il convient de se prosterner. (Pour être sûrs de la terminaison du verbe « prosterner », remplacez-le par vendre.) La vie pousse et fleurit dans la *** censuré ***, elle est indescriptible, le mot « vie » est déjà une insulte, un tombeau pour le mystère. Il y a plusieurs écoles ? Moi je connais celle de la rue : la violence, le sexe, l'argent, la solitude en groupe, les maladies, la mort... et j'en passe. Je suis un fils d'H.L.M, un vrai. À la naissance, mon esprit était bien conscient de cette monstruosité, de cette forêt de béton, où s'entassent (encore aujourd’hui), comme des feuilles mortes, de pauvres égos mutilés. Une étiquette de démuni, de malfrat, d'exclu que l’on m'a scotchée sur le front dès mon premier cri. Je ne m’apitoie pas, une intuition ma toujours porté. Elle me disait : « Tu n'es pas cela ». Alors, je me suis fondu dans cette expérience. J'ai volé, frappé, fui, violé, menti, juré, pardonné, donné, rigolé, pleuré, hurlé, chanté... Alors ? Depuis mes profondeurs je lève la tête vers les gratte-ciels où, d'une vue imprenable sur une capitale dont je ne connais le nom, des hommes dégustent du vin, des millions pleins les poches. Je les entends de là, ils parlent littérature :
- Mon bouquin est un best-seller trinquons mes amis !! (Mine réjouie)
- Quand as-tu trouvé le temps d’écrire un livre ?
- Ho ! mon équipe de promotion a découvert un script sur le net. On l'a récupéré, modifié un peu la forme, et on a mis mon nom dessus.
- Excellent !
- Maintenant la promotion est lancée ! Radio, télé, affiche publicitaire, article, la totale.
- En si peu de temps il est devenu best-seller ?
- Mais non (rire) on n'a rien vendu encore ! Le secret c'est de dire aux moutons que c'est un best-seller et il le deviendra !! MAGIQUE.
- HAHAHAHAhahaha ! (rire général)
Donner une raison de ne pas être lu.
Ces microbes là, peuvent-ils concevoir l’expérience? Orgueilleux et incrédules, ils croient dur comme fer que d’avoir visionné "La haine" leur permet de comprendre la vie du béton, de comprendre la connaissance que je porte ? Cette connaissance n'a pas de prix, et je resterai sûrement inconnu de tous, avec ces rapports détaillés d’un vécu, ces anecdotes, ces saveurs, que peu auront la chance de goûter. C'est un gâchis. Qu'on se le dise, je n’écris que pour ma pomme, l'autre n'est qu'une hypothèse dans ma conscience. De par la dure réalité qui s’impose, à chaque instant, au regard de la pauvre âme cernée ici bas, la nécessité d’accomplir un acte de conscience salvateur devient oppressante et, avec cette intuition surgit instantanément son corollaire : Je suis et j’emmerde le reste.
Un homme effectue un sprint, il va très vite, sûr de lui, le regard droit vers l’horizon, concentré sur son but. Un enfant sur la piste, si petit qu'on le voit à peine, envoie sa petite jambe et fait tomber le sprinter. D'un coup, des apostrophes, des cédilles, des accents circonflexes, des trémas, des virgules, des points, sortent d 'un peu partout du pauvre sprinter et tombent au sol comme des confettis. J’ai fait un croche-patte à la grande littérature, ou donné une raison de ne pas être lu.
Je viens d'envoyer par mail un texte très intime et personnel à un « ami ». Une connaissance des rivages du net. Un texte assez long, je prends le temps de me préparer un café et me réjouis de sa réponse. Étrange ! Je reçois un mail bien plus vite que prévu :
-Tu as oublié un accent ici et une virgule là. Corrige et renvoie stp ! (Là, c'est un peu comme si on découvrait une maladie incurable chez un proche.)
Deux solutions s’offrent à moi : bouffer mon clavier, ou l'insulter dans un long mail jusqu'à ce que mes doigt en saignent. J'opte pour la troisième : je corrige ! Bon toutou, c'est bien le chien. Quelle dégénérescence intérieure me pousse à me soumettre ? La solitude ? Ô Grand Dieu il a fini seul, son orthographe n’était pas correcte. C'est un peu comme quand on s'habille pour être beau ? Personne n'en profite, sauf les autres et la pauvre image mentale qu'on se fait de nous-même. Je ne vais pas passer ma vie devant le miroir à me reluquer ? Si ? je ne vais pas passer ma vie a me relire ? Si ?
Je suis un saltimbanque, j'écris des chansons. Je me ballade à Paris et me retrouve à taper un bœuf avec deux guitaristes. À froid dans la rue, des paroles me viennent, je sors un calepin de mon sac et gratte quelques mots. Je les chantonne et expose le texte sous le nez de mes amis pour qu'ils puissent m'accompagner sur le chant.
Là, les yeux du plus jeune s'écarquillent :
- Tu as oublié un accent grave, là. Je supporte pas les fautes d’orthographe.
Je l’achève :
- Ha c'est rien, c'est pas grave.
Je vois bien qu'un ulcère commence à se déclarer en lui. Je me tourne vers l'autre, plus âgé, espérant un regard complice : il a pris la poudre, il court comme un fugitif vers la sortie du parc. Heureusement j'ai toujours sur moi mon fusil de sniper. Je verrouille la cible et lui tire une balle. Je me devais d’abréger les souffrances de la bête. L'autre, en pleine crise d'épilepsie, de l’écume plein la bouche, convulse sur le gazon d'un jardin de la capitale.
Je suis en compagnie d'une belle pouliche, la plus belle des mes vies. Installés dans son salon je lui vante les vertiges de ma poésie et de bien d'autres choses. Passionnée, intéressée, elle me donne de quoi écrire. Je tente une acrobatie stylistique comme disent les tantes de la littérature. Plutôt sûr de mon texte je lui tends d'un air fier. Le manuscrit sous les yeux la demoiselle en resta horrifiée. Ce soir où je pensais vivre la baise de ma vie, je me masturbais à plusieurs reprises dans les toilettes de chez mes parents.
Tu la sens ma syntaxe ?
Suite à ces déceptions, de nombreux chocs anaphylactiques, sous le poids d’une dépression aiguë, aujourd’hui, moi, haineux et tout sourire, je décide d’envoyer un coup de pied dans la ruche.
Je suis à l’entrée du siège de la maison d’édition G... Pas l’adresse que l'on trouve sur leur site pseudo officiel. L'adresse véritable qu'une secrétaire infiltrée m'a secrètement divulguée. Avec moi, j'ai une équipe de pigeons géants. Gris, les yeux rouge sang, haineux, tristes pour les frères victimes des routes, clope au bec, ils ne plaisantent pas. Chacun d'entre nous pose sous sa langue un bout de buvard imbibé de LSD. Nous investissons les lieux. Dans un salon d'or, luxueux, autour d'une table ronde de bois, tout le haut gratin de la littérature française festoie. Sur les chaises et les murs sont exposés de drôles de symboles.
Les patrons de maisons d'édition prestigieuses ainsi que leurs auteurs fétiches sont là. Les yeux grands ouverts, terrifiés, Marc, Amelie et Michel tentent de se barricader sous la table. Un de mes amis pigeons, en deux coup d'ailes se pose sur la table et envoie valdinguer la nourriture et les bouteilles. Il choppe Marc et le pose a plat sur la table. Marc tente de se de dégager d’entre les pattes rougies et griffues qui lui compressent la poitrine. En vain. On dirait une autopsie. L’oiseau commence à lui déchirer les yeux a coups de bec. Toute l’assemblée regarde le spectacle comme hypnotisée. Malgré l’énorme quantité de sang qui les éclabousse, le public ne bronche pas. Marc a hurlé un bref instant puis plus rien. Déjà son visage a disparu laissant place a une cavité de chairs sombres.
Un autre pigeon, un vrai pervers, taulard multirécidiviste, se saisit d’Amélie et s'envole par la fenêtre. C’était le deal. Le troisième pigeon, qui au préalable a lâché une fiente sur le patron des éditions N…, agrippe Michel avec son bec et le propulse violemment contre le grand miroir du salon. Il le reprend et le jette contre le plafond. (Michel qui il faut bien l’avouer, arbore une gueule de piaf, a la grâce d’une plume ce coup-ci.)
-Crakkkk : à chaque impact ça fait comme un bruit de biscotte. Il va jouer comme ça avec Michel jusqu'à ce qu'il en ait marre de lui. Une forte odeur d’excrément et de sang prend possession de la scène. Les autres convives, n'en tenant plus, vomissent ci et là, gémissent, pleurent, implorant la clémence. Moi, galvanisé par la drogue et la rage des volatiles, je me dirige vers le patron de G…, le choppe par le col et la ceinture et le plaque contre le magnifique piano à queue Érard.
(clinngg fait le piano)
- Et maintenant tu la sens ma syntaxe ?
-HAAAAA nonn !! hurle le vieux.
A chaque coup je répète : syntaxe.
- Ça fait mallll !
- Syntaxe syntaxe syntaxe syntaxe syntaxe syntaxe syntaxe syntaxe syntaxe syntaxe syntaxe.
- Nnonnnn !
- syntaxe syntaxe syntaxe syntaxe syntaxe syntaxe syntaxe syntaxe syntaxe syntaxe syntaxe.
- Je vous en prie !!
- syntaxe syntaxe syntaxe syntaxe syntaxe syntaxe syntaxe syntaxe syntaxe syntaxe syntaxe.
- Hoo...
- syntaxe syntaxe syntaxe syntaxe syntaxe syntaxe syntaxe syntaxe syntaxe syntaxe syntaxe.
Rezkallah
Vous avez un livre dans votre tiroir ?
Publier gratuitement votre livre
Vous avez écrit un livre : un roman, un essai, des poèmes… Il traine dans un tiroir.
Publiez-le sans frais, partagez-le, faites le lire et profitez des avis et des commentaires de lecteurs objectifs…
@Rezkallahmo
Bonjour. Merci de votre réponse. Pour toutes les raisons que vous évoquez, je viens de me lancer dans l'auto-édition. Pour me faire la main, façon de parler, j'ai écrit un ebook (sorti mi décembre). Le travail pour le promouvoir ensuite est énorme et parfois décourageant. Mais honnêtement cela a complètement changé ma vie et me permet de garder l'espoir d'être lue. Je persévère chaque jour et quand je serai parfaitement au fait de tout ce qui entoure l'auto-édition alors j'éditerai mon roman qui est déjà prêt. Le plus dur, à mon avis, c'est la promotion. Si vous savez comment faire, n'hésitez pas à partager. Je pense que cela nous intéresse tous ici.
@jonyah
Bonjour,
La plupart ce sont focalisés sur la fin du texte et la syntaxe, hors ce dont je parle c'est la réponse à votre question. On ne pas contourner ces crapules de comités de lectures, qui se régalent à couper des ailes, mettre à genoux, dominer le marché littéraire. Un livre édité traditionnellement ne rapporte rien ou à peine. L'écrivain, l'élu, fera face à une dure réalité. Le but n'est pas de vendre des best-seller, mais de maîtriser le marché, les tendances. La syntaxe ce n'est qu'une très bonne excuse contre laquelle il est difficile de répondre, tout comme le rythme, le style, tout ça c'est du subjectif et rien d'autre. Un slogan publicitaire, un tag, on se le prend en pleine poire, on discute...c'est fait!
Alors pour répondre encore, il faudra une profonde mutation du marché, que les maisons d'éditions laisse place à un autre système...la base c'est d'écrire pare qu'on aime le faire...comme on court parce qu'on aime courir, les pros, les stars n'ont pas le monopole du plaisir... le seul obstacle c'est soi-même.
Amicalement.
J'ai lu tous vos échanges avec beaucoup d'intérêt. Je ne pense pas que tous les manuscrits rejetés par les éditeurs le sont juste pour cause de syntaxe déficiente. Je reste persuadée que beaucoup de manuscrits ont une syntaxe correcte. Quand l'auteur le sait il se pose alors légitimement les pires questions sur le monde de l'édition. Moi la question que je me pose : dois-je écrire une histoire qui devra plaire au comité de lecture, 4 ou 5 personnes qui, pour quelles raisons, vont estimer que mon manuscrit ne trouvera pas de public. Si vous avez la réponse...
@Rezkallahmo: D'abord très bonne réponse de ce Monsieur Heckers, nuancée et complète.
Cher Rezkhallamo, vous faites passer l'absence de syntaxe, comme une absence de culture ou de talent que la Société ne vous aurait pas donné la chance d'apprendre. Société qui vous sanctionne par derrière parceque vous en êtes démunis.
Les discriminations existent évidemment. Mais je ne pense pas qu'elles se logent là ou vous le pensez. Après tout, les grands ont fait plein de fautes de syntaxe ou d'orthographe (Balzac, Flaubert, Maupassant..) sans que cela ne les empêche d'être édité dans la Pléiade. Et comme le dit JC Heckers, il y a parmi les éditeurs des limiers qui reconnaitront votre talent malgré tout, même si ce n'est pas la garantie d'une édition.
Cela dit, déjà au 19 eme on se plaignait du "conventionnalisme" et de la dimension bourgeoise de la littérature : Ecoutez Octave Mirbeau.
" Aujourd’hui les critiques ont fini de lutter. Ils acceptent le mouvement, c’est-à-dire qu’ils s’en désintéressent d’une façon absolue, qu’ils ne s’occupent plus que de dîner en ville et de se pousser les uns les autres aux honneurs et aux succès. M. Jules Lemaître célèbre M. Anatole France ; M. Anatole France célèbre Jules Lemaître, et, dans la Revue des Deux-Mondes, le tendre M. Brunetière , parlant de Voltaire et de M. Faguet, nous montre un tout petit Voltaire et un très grand Faguet. Il va sans dire que M. Faguet rend à M. Brunetière sa politesse. Cela n’en finit plus et nous vaut des volumes presque aussi nombreux que le roman d’amour où l’on voit, non sans émotion, les critiques se tresser de réciproques couronnes et parler de leur génie, avec de touchantes piétés. Entre temps, ils renaissent. Il est vrai qu’ils tolèrent encore à côté d’eux trois écrivains non point à cause de leur talent indiscuté et de la beauté de leurs œuvres, mais parce que les deux premiers sont priés chaque jour, à des tables recherchées, et que le troisième est marin. Cela les étonne et ils admirent.
Tel est l’état actuel de la littérature. Il n’y a pas d’indice pour qu’il change de longtemps. Nous sommes encore condamnés à de longs adultères et à d’innombrables « Dis-moi que tu m’aimes ». Et la plume qui doit écrire le livre rêvé par M. Magnard, le livre qui contiendrait l’histoire contemporaine et toute neuve de nos idées, et non plus l’éternel recommencement de nos sentimentalités vieillottes, n’est pas près d’être forgée."............................Si la littérature est restée en arrière des sciences, dans la marche ascensionnelle vers la conquête de l’idée, c’est que, plus avide de succès immédiats et d’argent, elle a davantage incarné les préjugés, les routines, les vices, l’ignorance du public qui veut qu’on le berce avec des histoires de l’autre monde".
C'est Octave Mirabeau, ce n'est pas moi...:-))
Il y a ceux qui portent au pinacle syntaxe, grammaire et orthographe, érigés en principes essentiels même au détriment de tout le reste (et qu'importe qu'on écrive une histoire plus plate que l'écran sur lequel elle s'affichera), et quand je dis principes je pense dogmes, absolus et incontournables, conservés par des gardiens de l'orthodoxie inflexibles et obtus. Ne rien dire mais le dire non pas bellement, mais avec tout le maquillage qu'il faut. C'est un snobisme. Assez commun d'ailleurs. L'autre snobisme, c'est adopter une position inverse, avec pour l'expliquer les arguments qui conviennent parce qu'il faut bien justifier qu'on crache sur l'imparfait du subjonctif ou qu'on flanque de la ponctuation au hasard. Dans l'un ou l'autre cas, pour reprendre les termes de Lamish, on astique son ego. "La syntaxe est, à l'origine, la branche de la linguistique qui étudie la façon dont les mots se combinent pour former des phrases ou des énoncés dans une langue", me braille Wikipedia. Au fond, je ne me suis jamais posé la question de savoir si en écrivant je lui présentais mes respects ou si je la paillassonnais sans m'en rendre compte. J'en ai acquis une certaine maîtrise mais par habitudes de lecture d'abord (ni Zola ni Beauvoir ni... je trouvais ça imbouffable), et si on commence à me questionner sur les règles je sèche. Elles ont des noms rigolos et un mode de fonctionnement qu'on pourra m'expliquer autant de fois qu'on voudra, je ne retiens rien. J'applique donc ce que j'ai appris en grignotant des bouquins, pas forcément ce que l'élite préfère, mais comme moi je veux et peux le dire. Chacun sa syntaxe, plus ou moins commune avec celle des autres, en général plus que moins malgré les apparences. Après tout, est-ce qu'on a dix-mille façons de respirer? C'est une question de nuances. Et pour l'orthographe? On peut avoir une syntaxe parfaite selon les normes germanopratines et se planter en écrivant "masturbassion" ou "j'enfonssai mon doi dans la prize". Plein d'auteurs réputés truffent leurs brouillons d'horreurs capables de tuer plus que sûrement un académicien. Il faut bien que les correcteurs vivent, non? N'empêche, je préfère qu'on écrive "enculer" plutôt qu'"anculer", des fois que le second mot existe et signifie quelque chose d'assez différent pour rendre ma phrase absurde. L'orthographe, ça ne sert pas qu'à faire joli, mais aussi à faciliter la comprenette. Sauf dans bien des cas où l'homonymie vient vous faire péter une durite alors que vous tentez de comprendre une page difficile de Musso. Oublions ça. Et le vocabulaire alors? Plus que la syntaxe et le reste, il marque par les choix opérés un snobisme teinté de mépris pour les incultes (c'est valable pour l'argot, quand on le privilégie pour faire frémir d'horreur le bourgeois qui ne retrouve pas "keuf" dans son Littré). On peut choisir de cuisiner des cucurbitacées délicates au lieu de faire cuire des courgettes, alors qu'au goût ce sera tout pareil (même si on verse une dose de pipéracées - merde, je voulais dire de poivre - pour rehausser la fadeur du plat). Tous ces ingrédients, quand on touille bien, ça donne un style, ou si on mélange mal ça donne un laxatif puissant. Le style, c'est le seul truc auquel je fais attention, à savoir que je m'exprime comme je le sens le mieux (pas vendable? rien à secouer), sans chercher à attraper les formules qui plaisent, mais à ma façon et autant que possible en restant compréhensible pour autrui (avec toutefois un dédain certain pour les récurrentes recommandations de "fluidifier" alors que j'estime juste de syncoper, et de ne pas faire de phrases trop longues, trop courtes, trop elliptiques, trop encombrées: si ma mélodie vous convient pas, retournez lire Nothomb, et zut!). Pour conclure mon argumentaire hasardeux sinon bancal, si on a quelque chose à dire/raconter, autant le faire le mieux possible - de la façon la plus adaptée - avec les meilleurs outils, histoire de ne pas balancer un diamant mal taillé mais une gemme qui pète le feu sous chaque angle. Sans se la jouer précieux (donc ridicule) en forçant sur le respect [1] ou l'irrespect [2] de la langue parce qu'on viendrait de la bonne société culturée des périmètres urbains à loyer immodéré [a] ou des confins que les premiers imaginent crasseux de la Seine-Saint-Denis [b] (jeu: relier correctement par paire 1, 2, a et b). D'abord parce que ça se voit, et qu'on ne voit vite que ça. Même si les éditeurs, souvent, préféreront une certaine combinaison qui présente mieux même avec une pauvreté de contenu, il en est d'autres qui, dotés de gonades adéquates, parieront d'abord sur le fond. Sauf que fond et forme vont de pair et que si on soigne l'un l'autre se porte toujours mieux. Voilà dans cette avant-dernière phrase l'essence de ce que j'avais à exprimer (et point besoin n'était de tartiner pour en arriver là, mais chacun son plaisir).
@Rezkallahmo
Percevoir et exprimer la vie n'est pas une question de milieu social, heureusement. Si un jour une tribune à quatre mains sur ce sujet vous tente, je serai partante !
Pour ce qui est de la syntaxe… oui, le rêve de tout être est de voler sans ailes, de communiquer sans mots, et d'écrire en s'affranchissant de règles parfois absurdes… Et puis, comme vous, comme moi, on fait de son mieux pour être compris. :-)
Bien amicalement,
Elen
@Linda DJ
Précisément !
Aucune incompréhension :-) Ce que je voulais dire, c'est qu'il ne faut pas prendre la syntaxe pour un snobisme, c'est juste un protocole (au sens de "méthode de formulation", pas de "cérémonial") qui permet de communiquer clairement et de satisfaire un maximum de lecteurs, comme vous l'exprimez vous-même avec la métaphore du diamant. Elle est synonyme d'efficacité, d'agrément de la lecture, c'est pourquoi je recommande d'y être attentif. Sans compter que, le monde étant ce qu'il est, mieux vaut pour un auteur ne pas s'exposer à des critiques inutiles.
Cela dit, on fait aux éditeurs un procès un peu injuste : certes, de nos jours leur goût du talent se perd au profit du goût des gros tirages, mais dans le passé, beaucoup d'entre eux ont prouvé qu'ils savaient prendre des risques en publiant des manuscrits bourrés de qualités, dont, pourtant, la forme ne se pliait pas aux règles...
Bien amicalement,
Elen
@Lisa DJ
La syntaxe c'est la manière snobe de dire qu'une phrase est compréhensible, correcte...Pour le simplet d'esprit ça semble être une vraie catastrophe d'avoir des soucis de syntaxe...une maladie...ça sonne immense...un peu bourgeois sur les bord...abstrait dans le fond...
@Elen brig koridwen
Je vous comprends parfaitement et pourtant, je suis certain de ne pas être issu de votre millieu sociale... Des éducations diamétralement opposées... je vous comprend, je fais ce grand écart, j'essaie d'être partout...avec tout le monde...mais je ne peux parler que de moi...et dans le fond je suis le premier soumis à la syntaxe, mes romans, mes nouvelles, en sont là preuves vivantes.
Amicalement.
@Elen Brig Koridwen. Je crois si je peux me permettre qu'il y a une incompréhension. Bien sûr que la syntaxe rend des idées et des émotions. et le propos n'est pas de dire "pas de syntaxe". L'idée est de dire : sous prétexte qu'il n'y a pas de syntaxe, il ne peut pas y avoir de talent. Un diamant brut est laid mais le même taillé et monté Place Vendôme devient un trésor...
@Rezkallahmo
Je ne peux pas vous laisser dire cela. Si vous ne trouvez pas éditeur, ce n'est pas un échec, seulement un rendez-vous manqué. Et l'édition n'est pas le Graal, il y a une vie en dehors de cette voie-là. La communion intime que représente l'écriture, voilà la Tassawûf de l'auteur, si je puis me permettre cette métaphore.
Bien amicalement,
Elen
Merci pour vos commentaires.
Je suis certainement voué à l'échec mais je reste fidèle à mon âme.
Amicalement.
juste 3 mots :
Brillant in extenso !
Bonjour,
Deux courtes réflexions :
1) Et si la syntaxe servait à rendre des idées, des émotions – bref, un témoignage, un passage de relais entre êtres humains –, clairement accessibles au plus grand nombre ?
2) L'idée que les individus qui maîtrisent la syntaxe n'ont aucune idée de la vie, ou que tous ceux qui ne la maîtrisent pas ont quelque chose de "vrai" à dire, est aussi erronée que les préjugés de certains intellectuels.
Bien amicalement,
Elen
Juger sur le formel, c'est une façon d'éluder la question centrale: le jugement sur le fond et la forme. Je suis d'accord.
Ha ha ha!!!!Delicatesen!! en voilà un qui a du nerf! De la hargne. De la vie. Votre post m'a fait rire, mais pas que. La blessure nous fait nous contorsionner dans des douleurs telles que" l'autre" vient à penser que c'est une blague. Cher, même avec des" fautes", je vous lirai. J'aime votre écriture vivante. Je préfère cela à un sans faute, sans poivre ni piment. Si vous voulez faire un gros coup chez un éditeur je peux vous préter la main. Faire le guet dehors, tenir la mèche, organiser le replis dans une cache sure....
C'est comme les légumes bios... Ils sont moches et terreux à l'extérieur, ce n'est pas pour cela qu'il ne faut pas les goûter. Ce sont les meilleurs.