Interview
Le 02 nov 2023

Suite de la série : aujourd’hui les Pléonasmes

Qu’est-ce qu’un pléonasme ? En voulez-vous une définition, des exemples ? Mieux qu’une encyclopédie en ligne, notre infatigable poissonnier du Guilvinec (accessoirement profileur de merlus), monsieur Lapérissoire, se met à table et nous dit tout. Enfin… tout ce qu’il croit savoir sur le pléonasme !
Suite de la série : Pléonasmes à la mode de Bretagne

M. monBestSeller (vous savez, celui dont j'imaginais, la dernière fois, qu'il était une création d'Allain et Souvestre) n'est pas du tout content. Il râle, le grand ordonnateur du site : « À la suite de votre premier article, expectore-t-il, fulminant, j'ai reçu un courrier de force 10 sur l'échelle de Beaufort, émanant de l'Association armoricaine des Citoyennes de Quimper et réclamant ni plus ni moins que votre tête ! – Allons bon, ai-je fait, nullement ébranlé. (*) Et que me reprochent donc ces gentes dames embretonnées ? – De les faire passer toutes pour des soûlardes élevées à l'hydromel ! – C'est pas vrai, peut-être ? – J'en sais rien, moi ; je connais que dalle à toute cette poulaille celtique, mais j'ai pas besoin de ce genre d'embrouilles alors que la plate-forme est sur le point d'être rachetée par Elon Musk. (**) – Eh bien dites donc, en voilà une nouvelle qu'elle est nouvelle ! Et truculente, par le fait ! – Rien n'est encore signé, on est encore en pourparlers, aussi je compte sur votre discrétion, n'est-ce pas ? – Vous en faites pas, je serai muet comme un dolmen. Mieux : comme un aber. »

 

(*) Il me faut plus qu'une bolée de Bretonnes hystériques pour commencer seulement à m'émouvoir. J'ai affronté des tempêtes autrement périlleuses, quand j'étais encore en âge de chasser la voileuse du côté des Glénan.

(**) Il semblerait que Mr Musk, par le biais de sa société Neuralink, veuille poursuivre des expériences commencées avec John D. Smith, l'homme qui ne pisse plus par l'oreille depuis qu'on lui a greffé un cerveau. Que se passerait-il si l'on pratiquait la même opération sur les auteurs de mBS ? Telle est, selon certaines indiscrétions de son entourage, la question qui tarabuste le milliardaire transhumaniste.

 

Pléonasme, vent du nord et crêpes dentelle

Voilà où nous en sommes. Et il n'y a pas de quoi pavoiser. Pris entre Elon Musk et Quimper, il ne me reste plus beaucoup d'espace pour disserter sur les pléonasmes. Car c'est sur les pléonasmes que j'envisage maintenant de disserter. « Te laisse pas ébranler par cet azen gornek, ce chaoker laou kriz ! (*) me morigène, en breton bretonnant, Bredig, à qui j'ai conté mon échange avec le Fantômas de mBS. Les pléonasmes, c'est vachtement important ! – Surtout de les éviter, tu veux dire ? – Ce que je veux dire, c'est qu'on est toujours gagnant à s'en protéger. Surtout quand le vent du nord froisse les crêpes dentelle ! » précise-t-elle, de telle sorte que je me demande si nous parlons de la même chose. (**)

Quoi qu'il en soit, n'étant pas du genre à baisser pavillon devant l'adversité (***), je profiterai de l'espace qui m'est encore alloué pour vous délivrer quelques considérations sur le pléonasme. Je vous en prie, ne me remerciez pas : cette besogne mercenaire m'est grassement payée.

 

(*) Par respect pour M. monBestSeller, je m'abstiendrai de traduire. Mais il serait question d'âne cornu et mâcheur de poux crus que ça ne m'étonnerait pas plus que ça.

(**) Enquête faite, il s'avère que Bredig pensait qu'un pléonasme est une de ces vagues scélérates qui vous déculottent un navire avant de l'expédier par le fond.

(***) Par exemple, lorsque Bredig, pour me punir d'avoir mangé dans son dos la dernière galette, se met en tête de jouer les Lysistrata morbihannaises. Un autre que moi, tout penaud, tout freluqueux, se planterait le nez dans le sable comme le fait le clam ou la praire, mais je ne suis pas ce genre de mollusques là. Moi, je te me l'attrape par les cotillons, la Bredig, et je te me lui joue sur le ventre le double concerto pour bombarde et biniou des grandes marées. Il est bien rare, au final, qu'elle s'en plaigne.

 

Les amours de la bernique et du filet de merlan sont-elles pléonastiques ?

D'abord une chose : si, comme on vient de le voir, le pléonasme n'est pas une vague scélérate, il n'est pas non plus une anémone de mer (vous savez, ce polype avec qui Bredig se laisse aller à des privautés marines) ou un échinoderme dans le genre de l'oursin (*). Non, en vérité le pléonasme n'a pas grand-chose à voir avec le milieu océanique et n'est rien d'autre, au final, que la répétition dans un même énoncé de mots ayant le même sens, soit par maladresse, soit dans une intention stylistique.

Je n'aborderai pas ici le côté stylistique de l'affaire. Depuis que je fréquente la plate-forme, j'ai eu le temps de comprendre que le style n'est pas la préoccupation principale des auteurs. (**) Dès lors, je ne vais embêter personne avec des considérations artistiques qui n'auraient pour seul effet que de compliquer inutilement les choses. Qu'il me suffise de donner un simple exemple, tiré de la vie quotidienne sur les côtes bretonnes ; il illustrera à merveille le fait qu'un pléonasme peut être, non pas une erreur à se taper le calvaire sur le dolmen, mais une figure de style, autrement dit une façon de parler. Figurez-vous que, pas plus tard qu'hier, Bredig ayant assisté incidemment aux amours incestueuses de la bernique et du filet de merlan à la Concarnoise, elle m'a rapporté la chose, ajoutant : « Je te le jure sur la tête de ma coiffe bigoudène, je les ai vus, de mes yeux vus ! » Or, il y a ici un pléonasme, puisque, hormis peut-être pour Paulho le Véto et saint Yvar lors d'une de leurs crises mystiques, il est difficile, pour ne pas dire impossible, de voir autrement qu'avec les yeux. (***) Toutefois, il serait malavisé d'en faire le reproche à Bredig, car cette impropriété était délibérée et avait pour vocation de renforcer et la véracité de l'anecdote et le scandale représenté par l'accouplement hors nature des deux protagonistes. Suis-je clair ? Non ? Alors c'est bien dommage, parce que je n'ai pas présentement d'autres exemples sous la nageoire.

 

(*) Il s'ensuit qu'on peut très bien s'asseoir sur un pléonasme sans risquer de se retrouver avec des fesses transformées en pelotes à épingles. Mme Joey Florence, autrice assez généralement affligeante qui sévit sur le site, sera très certainement rassurée de l'apprendre : je sais par son flambant ami le brigadier Ambrosine qu'elle a la fesse maigre.

(**) Mme Viti, que j'ai rencontrée au marché de la saucisse de Rodez où elle essayait de brader ses bouquins auto-écrits, auto-édités et auto-diffusés, m'a assuré que le premier souci des auteurs était de se faire littérairement bien voir de leur perroquet, de leur concierge ou de leur poisson rouge. Cette analyse est d'autant plus pertinente qu'elle n'a, elle, aucun perroquet, aucune concierge ni aucun poisson rouge à éblouir par ses talents d'écrivaillonne provinciale.

(***) J'ai bien essayé, une fois, de voir avec mes orteils, avec pour seul résultat de tomber par la fenêtre. Bredig, d'ailleurs, date de ce jour mes problèmes avec l'accord du participe passé des verbes pronominaux.

 

Évitons l'estouffade de rhinocéros

En ce qui concerne maintenant les pléonasmes coupables (on les dit aussi vicieux), qui vous alourdissent une prose de la même manière qu'une trop riche estouffade de rhinocéros à la gabonaise vous congestionne les boyaux, ce n'est rien de dire qu'ils pullulent dans bien des textes, les rendant ainsi aussi peu digestes que la recette susdite. (*)

Je passerai rapidement sur les "descendre en bas", "monter en haut", "sortir dehors", "marcher à pied", "abus excessif", "comme par exemple", "voire même" et autres "prévoir d'avance" qui sont aisément repérables par n'importe quel auteur qui n'aurait pas la tête dans le potage (ou dans les étoiles que dispense généreusement Mme Joey Florence entre deux réunions des AA), pour m'intéresser plutôt à d'autres pléonasmes qui sont souvent bien plus difficiles à déceler ; en effet, il faudrait déjà pour cela que les auteurs perfectionnassent leur connaissance de la langue et cessassent, par exemple, de confondre littérature et empathie. (**)

Pour amuser les enfants, les astéries et les bigorneaux, voici quelques spécimens de pléonasmes qu'il vaut mieux éviter si on lorgne un fauteuil à l'Académie française :

« Quoique remuant gracieusement du croupion, jamais Bredig ne pondra un œuf. » Il y a ici un pléonasme, car – sauf à employer pondre dans son sens figuré (***) – le verbe qualifie à lui seul l’action d’un ovipare qui dépose ses œufs. Il aurait donc fallu se contenter d'un  « Jamais Bredig ne pondra ».

« Bredig adore quand les rafales de vent lui ébouriffent la crapette. » Pléonasme, car, hormis dans le grand banditisme qui pratique figurément la chose à coups de mitraillette, le mot rafale désigne à lui seul un coup de vent subit, court, et violent par-dessus le marché. 

« Bredig préfère les dunes de sable plutôt que les courts de tennis pour ses rendez-vous crapuleux. » Deux pléonasmes pour le prix d'un, puisque les dunes ne peuvent être que de sable et les courts, que de tennis.

« Quand Bredig s'est accouplée avec le menhir de Kerguezennec, son taux d’alcoolémie pulvérisait les limites légales. » Qu'est-ce, ici, qui est le plus peccamineux : s'adonner à des pratiques sexuelles éthylico folkloriques avec un mégalithe ou parler d'un taux de taux d'alcool dans le sang ?

 

(*) M. Koffi Boubacar Souleymane, ancien cuisinier du roi de Macassar, me signale qu'il suffit de remplacer la corne du rhinocéros par un cuissot de nyala pour rendre le plat aussi digestible qu'une entrecôte d'ethnologue ou de missionnaire. 

(**) Perfectionnassent et cessassent ne sont pas l'indicatif présent des verbes perfectionnasser et cessasser. (NDLR)

(***) Par exemple : Le brigadier Canule nous a encore pondu une bluette érotico-gendarmesque ou Paulho le Véto pond de très jolis pataquès.

 

Pour finir en beauté (parce que l'heure tourne et qu'il me reste à repeindre le phare d'Eckmühl avant ce soir), quelques mots sur ce que j'aime à considérer comme le prince des pléonasmes, puisqu'il s'offre le plaisir d'être double. Je veux parler bien sûr du fameux au jour d'aujourd'hui. En effet, si l'on considère qu'aujourd'hui est déjà étymologiquement un pléonasme (*), lui ajouter au jour d' revient tout bonnement à écrire au jour du jour de ce jour. On a connu plus sobre, non ? pour dire qu'on n'en est encore qu'à la veille de demain.

Bon, ce n'est pas tout ça, je m'en vais quérir mes pinceaux. Si, entre-temps, Bredig ne me les a pas encore fauchés pour érotiser les anémones de mer.

 

(*) Obtenu par la concaténation (comme dirait Paulho le Véto, avec la simplicité souveraine qui fait tout le charme de sa prose) de l'ancienne locution pléonastique au jour d'hui où hui ne signifiait rien d'autre qu'en ce jour.

 

Karadeg Lapérissoire

(pétanquiste honoraire de la Boule locronanaise) 

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10 CommentairesAjouter un commentaire

@Stog
Chère madame, ne comprenant pas à qui exactement vous vous adressez, je serai bien en peine de vous répondre. Toutefois, à tout hasard, je vous remercie d'être passée.

Publié le 05 Novembre 2023

Hé Ho, la marine! C’est marrant , mais ça sent le merlan jusqu’au Cap-Breton! Les grandes marées d’automne portent votre écho jusque de l’autre côté de la mare Atlantique. Est-ce que vous vous rendez compte, votre amiral(e), qu’on voit vos amygdales lorsque vous pérorez. Vos leçons de littératuure sont aussi pédantes qu’un(e) parigot(e)s en mal de gloire (pléonasme, by the way). Mais, je dois dire : bien divertissantes, de la purée de rigolades et je vous en remercie. Étant donné le sérieux de votre fonction d’activiste, redresseur(se) de torts et grand(e) inquisiteur(trisse) à l’affût des marauds qui tenteraient de s’essayer en littératuure. Il met venu une idée : acheter un peu de votre expertise au prix de sa valeur marchande pour la revendre en Amérique au prix que vous l’évaluer. Le profit sera, sans nul doute, mirobolant.

Publié le 04 Novembre 2023

@Phillechat 3
C'est d'la provoc, ça, mon p'tit bonhomme ! Gaffe à tes tourteaux ! Faut pas faire chier l'Breton !

Publié le 04 Novembre 2023

Votre écrit m'a fait monter en haut de la poilade et descendre en bas de l'exaspération !

Publié le 04 Novembre 2023

@Catarina Viti
Mourir sous les crocs de deux bouledogues surannés, n'est-ce pas là le rêve de tout poète inspiré ? Merci donc, chère madame, de m'aider à exaucer un voeu que je nourris au plancton depuis ma prime jeunesse.
PS : Je vous assure qu'on s'est croisés à Rodez, pas plus tard que l'été dernier. Mais c'est vrai que vous étiez bourrée comme une vache, ce qui explique peut-être votre malencontreux oubli.

Publié le 03 Novembre 2023

Hé, @Karadeg Lapérissoire, où êtes-vous allé chercher que je chante les louanges de votre prose ? C'est une manie, chez les mareyeurs, cette marotte de vouloir re-raconter l'histoire. Vous souhaitez que je me montre un poil plus critique, ? C'est bien ça ?
J'aime la précision, et écrire : "Mme Viti, que j'ai rencontrée au marché de la saucisse de Rodez où elle essayait de brader ses bouquins auto-écrits, auto-édités et auto-diffusés, m'a assuré que le premier souci des auteurs était de se faire littérairement bien voir de leur perroquet, de leur concierge ou de leur poisson rouge", ne peut me satisfaire. Votre côté troll marin ne fonctionne qu'en s'alimentant des racontards sur lesquels il rebondit. Cet été, par exemple, je vous ai vu jubiler derrière votre étal en donnant la réplique à des chalands qui découvraient vos méthodes de séduction variées et avariées.
Nous ne nous sommes jamais rencontrés à Rodez. Jamais. Tout cela est invention et calomniatures, et je m'en vais capturer cet écran pour le filer à bouffer à mes bouledogues Cal et Zone.. (Oui, vous comprenez, c'est beauqoup plus simple de brailler Calzone ! pour faire rappliquer ses cadors, que d'épeler leurs noms complets).
Faites quand même gaffe, môssieur le mareyeur du Guilledoux, où vous mettez les nougats !

Publié le 03 Novembre 2023

@Catarina Viti
Je vous remercie pour votre commentaire dithyrambique, mais je crains qu'on finisse par croire que nous sommes de mèche. Aussi, peut-être ne serait-il pas inutile que vous vous montriez un petit poil plus critique lorsque vous chantez l'excellence maritime, quoique bretonne, de ma prose.
PS : Je vous sais gré aussi de n'avoir pas réitéré le forfait de me traiter de fruste mareyeur. Car, comme le dit le proverbe, un mareyeur peut en cacher un autre, et que feriez-vous avec deux mareyeurs sur les côtelettes ?

Publié le 03 Novembre 2023

Suite de la série !!! Misère à poil, ne me dites pas que vous en avez écrit d'autres ! Pitié @Karadeg Lapérissoire. Et si vous vous contentiez de mettre les sardines en boîtes ? Il paraît qu'on recrute dans le secteur. Regardez donc chez Chancerelle. Sinon, avec cette tempête... vos bigorneaux ne se sont pas envolés ?

Publié le 03 Novembre 2023

@émilie bruck
Sachez tout d'abord que je suis crétinisé de pied en cap (Fréhel) d'apprendre que vous vous acoquinissassez avec le brigadier Ambrosine, que je ne connais pas mais que des usagers bien informés m'ont décrit comme l'un des plus beaux pantins à occuper, avec Mme Zonzon, la scène du Grand Théâtre de Guignol dirigé de main de maître par un dénommé Jules Troll, en réalité l'homme de paille de Joseph Lestrange, lui-même éminence grise de M. Monbestseller sous l'alias de Benjamine Pouffe, lequel M. Monbestseller se venge ainsi des refus réitérés de Mme Florent Zoé (connue aussi sous le pseudonyme de "la Mouche qui pète") de partager sa couche. Brèfle (comme vous vous plaisez à dire), vous voyez que l'histoire est compliquée, mais ça n'excuse en rien le jugement octogonal et quelque peu anticlinal que vous portez sur ma prose - qui, du reste, ne vous a rien demandé. Vous démontrez ainsi que vous n'êtes qu'une petite fille mal élevée et que vous botter congrûment le derrière serait un insigne service à rendre à la cause du redressement moral de la société.
Allez vous faire mithridatiser chez les Canaques et cessez d'emmerder les engoulevents !
PS : Je vous saurais gré de ne pas vous en prendre à mon galure. Je vous signale qu'il a été spécialement choisi par ma compagne Bredig, sirène incontestée de la rade de Brest, parce qu'il me donne des airs de Clark Gable dans "Mogambo". Tenez-vous-le pour dit !

Publié le 03 Novembre 2023