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Le 20 mai 2024

Le roman à quatre mains, récit d’une expérience d’écriture. Par Zoé Florent & Michel Laurent

Écrire un roman à quatre mains, c’est descendre un rapide à la godille sur un frêle esquif de mots qui foisonnent et cherchent une consistance sous la plume de deux mariniers présomptueux. En ce domaine, chaque expérience s’avère singulière et enrichissante pour qui voudrait sauter le pas. Après avoir pris plaisir à vivre cette aventure, nous vous donnons ici quelques informations sur la vie fœtale de notre bébé. “Chloé ou le désespoir des singes”, tel est son nom.
Le roman à quatre mains, techniques d’écriture

Avec un co-auteur/trice qui partage votre enthousiasme, vous êtes décidé à vous lancer dans l’écriture d’un roman à quatre mains. Soucieux d’éviter les pièges, vous consultez les augures. Elles vous informent de trois préceptes :

 

1.   Arrêter une idée commune

Trivialité ? Oui, encore qu’idée commune ne veuille pas dire compromis entre deux idées singulières. Si l’un veut écrire un manuel pratique de la rencontre furtive sur Tinder, et l’autre une réflexion sur l’amour courtois au Moyen Âge, vous risquez de finir sur un compromis boiteux traitant de l’art du baisemain et de la fessée chez Sade. Pas sûr que l’ouvrage trouve facilement son public. Si l’ennui naît de l’uniformité, il reste souhaitable que les auteurs aient des vues convergentes sur le sujet à traiter.

2.   Définir les responsabilités dans le processus d'écriture

Définissez dès le départ “qui fait quoi et quand”, disent les oracles. Ainsi un auteur pourrait se consacrer au développement des personnages, tandis que l'autre élaborerait l'intrigue.Votre roman, ce n’est pas le percement du tunnel sous la Manche. N’en commencez pas la construction à partir des deux extrémités !

3.   Élaborer un plan de travail

Tracez les grandes lignes de l'histoire, les arcs narratifs des personnages, les événements clés, etc. Cela vous aidera à rester sur la même longueur d'onde tout au long du processus d'écriture. Si l’un des auteurs enterre un personnage au chapitre 5 alors que l’autre l’envoie jouer au volley-ball au chapitre 6, le lecteur le moins attentif doutera de la cohérence de l’intrigue.

 

"Appuyons-nous sur les principes, ils finiront toujours par céder" s’exclame Pilar, une des héroïnes de “Chloé ou le désespoir des singes”. En ce qui concerne l’écriture de notre roman, ces principes n’ont guère offert de résistance.

1.   Une absence d’idée commune

Pire qu’une absence d’idée commune, nous n’avions nulle ébauche de scénario. L’un de nous avait écrit une trentaine de pages sur les errances d’une femme en pleine introspection, face au constat d’échec de son couple. Aucune histoire n’était construite hors l’idée que l’héroïne se tirerait seule de sa situation délétère. 

2.   Un processus d'écriture en autogestion

Le scénario s’est dessiné au fil de l’écriture, sans canevas préconçu. Nous avons construit pas-à-pas les personnages, leur caractère, leur personnalité. Et curieusement – peut-être est-ce une originalité de l’écriture à quatre mains –, ils ont pris peu à peu leur autonomie en regard de la vision parfois différente que nous avions d’eux. Pour autant, ce ne sont pas des robinets d’eau tiède. Ils subliment les divergences, approfondissent leurs personnalités.

Ainsi Pierre s’avère in fine plus complexe que ce que l’on imaginait lorsqu’il a fait son apparition dans le roman. Impossible pour les auteurs de s’identifier, individuellement ou collectivement, aux personnages. Notre héroïne Chloé nous a conduit à élargir notre champ narratif, en dépassant les limites conscientes de nos propres personnalités.

3.   Pas de plan de travail mais une élaboration stigmergique de l’intrigue

À l’image des insectes sociaux, nous avons travaillé en stigmergie. Ces insectes communiquent via des phéromones qu’ils libèrent sur leur passage. Sans architecte, ils élaborent de véritables édifices grâce à un processus d’auto-organisation. Chaque action engage et détermine en grande partie la suivante, avec un nombre très restreint de variations (sinon l’édifice s’écroule). Sur ce principe, les abeilles ou les termites, qui ne disposent pourtant que d’un embryon de cerveau, construisent des structures complexes que l’homme, animal doué d’une certaine forme d’intelligence, a mis des millénaires à lui-même réaliser.

Pour notre roman, nos phéromones étaient nos mots. Une action déterminait en partie la suivante, et le roman s’est ainsi construit pas à pas.

 

Un outil collaboratif pour l’écriture à quatre mains

Après une rapide recherche de l’outil de travail le mieux adapté à l’écriture collaborative, notre choix s’est porté sur Google doc. La seule condition à son utilisation est que chaque intervenant dispose d’un compte Gmail, lui-même gratuit.

Google doc possède toutes les fonctionnalités d’un traitement de texte. Il offre de plus la possibilité de travailler à plusieurs sur un même document, avec identification de chaque contributeur. Tout nouveau texte ou toute modification peut être entré soit de manière inconditionnelle, soit après validation par le co-auteur.

Les documents sont exportables dans la plupart des formats courants. Last but not least, un module additionnel permet de faire lire par une voix synthétique tout ou partie du texte sélectionné.

 

Lecture, relecture, homogénéisation

Afin d’aboutir au texte le plus homogène possible, en particulier en terme de style, nous n’avons trouvé qu’une seule méthode : la réécriture et la relecture. À de multiples reprises, l’un a repris des passages entiers rédigés par l’autre en les reformulant à sa manière. Au final, nous conservions la version qui nous paraissait la meilleure, ou réalisions une fusion des deux contributions. Le roman terminé, un grand nombre de relectures ont visé à unifier les styles en gommant les aspérités. Le succès semble de ce point de vue au rendez-vous, plusieurs β-lecteurs s’étant fourvoyés en tentant d’attribuer tel ou tel passage à tel co-auteur.

 

Trouver un socle commun entre les écritures de Proust et de Céline relèverait de la gageure. Et il n’est pas certain qu’un Voyage au bout du temps perdu aurait connu un immense succès. Mais associer puis dépasser "Irrésistible hétéronomie" (Zoé Florent) et "Lucie, trois fois Lucie" (Michel Laurent) nous a paru intéressant dans le cadre d’un projet synergique et holistique. Des neurones isolés sont exempts de toute propriété cognitive. Assemblés par une alchimie mystérieuse dans l’organe qu’est le cerveau, les mêmes neurones donnent naissance à l’intelligence. En théorie des systèmes, on dit ainsi que l’intelligence est une propriété “émergente” : elle émerge de l’union de deux sous-systèmes qui, individuellement, en sont dépourvus. Espérons humblement que “Chloé ou le désespoir des singes” puisse contenir ne serait-ce que quelques échantillons ou quelques reflets de cette propriété singulière !

 

Zoé Florent & Michel Laurent

 

 

Cet article a été écrit par des auteurs monBestSeller.

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26 CommentairesAjouter un commentaire

@Michel CANAL Ah, ce tome 7 à rallonge qui veut que j'aie une pensée compatissante pour toi chaque fois que je regarde les actus... Courage, tu tiens le bon bout ;-) !

Publié le 27 Mai 2024

Chère @Zoé Florent, il me tarde de pouvoir m'adonner à la lecture-plaisir après tout ce que j'ingurgite en ce moment pour clore mon tome 7, si possible avant les élections européennes (je suis à saturation compte tenu de l'actualité, et à plus de 650 pages). Dans quel chantier me suis-je lancé, qui fait de mes longues journées l'enfer sur terre !
À très bientôt j'espère. Bises. MC

Publié le 27 Mai 2024

@Michel CANAL Merci, Michel ! Comme Michel (cet autre Michel qu'est mon co-auteur ;-)), j'espère que tu passeras un agréable moment en compagnie de Chloé et son histoire.
À bientôt, bises et bonne journée,
Michèle

Publié le 27 Mai 2024

@Michel CANAL Merci infiniment pour votre gentil commentaire. Et j'espère que la lecture de l'ouvrage se révélera à la hauteur de vos espérances.

Publié le 27 Mai 2024

@Zoé Florent, @Michel LAURENT, je découvre tardivement cet article, regrettant d'être très accaparé par ailleurs, l'occasion de vous dire à tous les deux qu'il me tarde de pouvoir me plonger dans votre expérience d'écriture à quatre mains : "Chloé ou le désespoir des singes".
Avec ma plus vive sympathie et mon amitié à tous les deux. MC

Publié le 27 Mai 2024

@Phillechat 3 Merci pour votre commentaire.

Il y en a qui écrivent avec le coeur, d’autres avec leurs tripes. On peut aussi écrire comme un pied, voire par dessus la jambe, quelquefois en ayant du nez, jamais en éprouvant une dent contre quiconque ou en se mouchant du coude. L’important est de ne pas couper les cheveux en quatre et d’essayer d'avoir l’oreille des augures. Finalement, à ce compte, ce n’est pas si difficile d’écrire à quatre mains !

Publié le 22 Mai 2024

@Zoé Florent
Je ny manquerai pas !
Bonne journée

Publié le 22 Mai 2024

@Phillechat 3 La lecture de votre recueil datant un peu, je ne m'en souvenais pas...
La Passion née de l'union de Cupidon et du Démon, bien vu ;-). Ce fut un plaisir de le relire.
Félicitations à votre co-auteur(e), alors, en plus de celles déjà exprimées pour l'ensemble des "Quelques poèmes oubliés".

Publié le 22 Mai 2024

@Zoé Florent
Par exemple un poème comme Cupidon page 64https://www.monbestseller.com/manuscrit/14695-quelques-poemes-oublies
Recueil : " Quelques poèmes oubliés "

Publié le 22 Mai 2024

@Phillechat 3 Oui, sortir de sa bulle ou arriver à réunir deux bulles distinctes est toujours enrichissant. Ces poèmes rédigés à quatre mains sont-il édités ici ? Je n'ai pas le souvenir d'avoir lu de vous des écrits signés par deux auteurs. Le cas échéant, merci de me passer le lien ;-).
Bonne fin de journée. Amicalement,
Michèle

Publié le 22 Mai 2024

Très bon article. Je l'ai fait pour des poèmes c'est une expérience enrichissante

Publié le 22 Mai 2024

@Parthemise33 Tempérance et harmonie sont en effet à la fois de jolis mots et des idées que l'on aimerait croire universelles. J'espère que la découverte de l'ouvrage sera à la hauteur de vos espérances. Merci à vous pour votre commentaire.

Publié le 22 Mai 2024

@Parthemise33 Le hasard fait parfois bien les choses, chère amie, car te sachant très occupée, je n'ai pas osé te proposer la lecture de "Chloé ou le désespoir des singes".
J'espère que Tempérance et Harmonie, que nous avons bien sûr convoquées dès la première phrase, n'auront pas subi quelque petit coup de mou en route... Tu nous diras ;-).
Merci à toi, et plein de bises,
Michèle

Publié le 21 Mai 2024

@Zoé Florent @Michel LAURENT J'ai poussé par hasard la porte du Côté des auteurs, et j'ai bien fait. Ecrire à quatre mains semble une expérience enrichissante, à condition d'appeler Tempérance et Harmonie à la rescousse. Le talent des auteurs étant une donnée de base, et l'Univers est témoin que vous n'en manquez pas, je le mets dans le panier automatiquement. Merci Bisous Merci à vous deux pour cette chronique qui m'a permis de découvrir un nouveau roman à lire

Publié le 21 Mai 2024

@Michel Laurent Voici les répliques auxquelles tu fais allusion ;-) :
- Mais attention, hein, j'ai bon caractère mais j'ai le glaive vengeur et le bras séculier. L'aigle va fondre sur la vieille buse. (B. Blier)
- C'est chouette comme métaphore, non ? (1er homme de main)
- C'est pas une métaphore, c'est une périphrase. (2e homme de main)
- Oh, tu fais chier !
- Ça c'est une métaphore.

Publié le 21 Mai 2024

@Michel LAURENT
Et ta sœur, elle godille ?
PS : Et vous, d'allégorie.

Publié le 21 Mai 2024

@Molly Bloom
Votre imagination vous trompe. Les mots que vous citez et qui heurtent tant vos esgourdes, sont pour la plupart de mon cru. Ils appartiennent au quelque 100 000 vocables que le Robert recense dans notre belle langue. Sans mentionner de restriction à leur usage. Il se trouve que par mon activité en dehors de ce site, je suis amené à fréquemment parler de stigmergie, de processus synergiques et de théorie holiste. Les deux derniers ont depuis longtemps débordé les cercles scientifiques. Quant au premier, plus abscons, en expliquer le sens peut intéresser le lecteur curieux. On devine à lire vos propos atrabilaires et souvent méprisants que la connaissance nouvelle, ce n’est guère ce que vous venez chercher sur ce site. C’est dommage, comme est détestable le venin que vous vous croyez autorisé à y déverser gratuitement sur ma co-autrice.

Si la fréquentation des scientifiques et de leur vocabulaire n’est pas, ce que je peux comprendre, votre tasse de thé, sans doute rejetez-vous également les auteurs trop populaires. Car si vous aviez lu ou écouté Audiard, vous vous seriez, dans votre commentaire, abstenu de parler de « métaphore » :

La descente du rapide à la godille, ce n’est pas une métaphore, c’est une allégorie.
Si en revanche je vous disais que votre suffisance finit par nous faire chier, là ce serait une métaphore.

Publié le 21 Mai 2024

@Michel LAURENT
Mon fondement se porte à merveille (peut-être, entre autres choses, parce qu'entre deux mots il choisit toujours le moindre) et vous remercie de l'intérêt que vous lui portez. Et il constate, par la même occasion, que votre prose est beaucoup plus buvable quand elle ne s'embarrasse pas de termes qui n'épatent que les gogos. Mais il imagine volontiers que votre complice, plus que vous, est responsable de cette inflation du vocabulaire. En effet, il suffit de lire le titre de son dernier roman ("Irrésistible hétéronomie" pour mémoire - on en rigole encore dans les coulisses) pour comprendre qu'elle a dû avaler un dictionnaire de mots rares et que ceux-ci lui restent sur l'estomac. Dommage, car cet emploi de mots inusuels, loin d'épicer son écriture, ne fait que souligner la banalité de sa prose, de ses intrigues. "Qui veut faire l'ange fait la bête", comme on dit au zoo de Vincennes.

Publié le 21 Mai 2024

@Galodarsac Merci pour ton commentaire apprécié.
"Augures"... J'ai ri à te lire, car j'ai réalisé que j'avais allègrement zappé une faute que je sais pourtant récurrente. Faute apparue dans la toute dernière version condensée... Que n'ai-je ne serait-ce que la moitié des aptitudes de ton oeil de lynx ;-) !
La bonne entente est si primordiale qu'elle coule de source, en effet. Notre goût pour les rapports apaisés et respectueux l'aura beaucoup favorisée. Cette bonne entente est également facilitée à capacité d'écoute et force de caractère égales, me semble-t-il, mais cela reste une expérience qui requiert humilité et fréquentes remises en question. Une expérience aussi enrichissante que passionnante.
Merci encore, bises et bonne journée,
Michèle

Publié le 21 Mai 2024

@Molly Bloom (qui change de pseudo plus souvent que de culotte et qui semble aujourd'hui vouloir poser sa crotte, ici et ailleurs, sous le nom de Scout Finch, avatar provisoire que sa laborieuse inspiration lui suggérera bien vite d'abandonner pour lui faire croire au retour d'une irréfragable -pensera-t-il- virginité qu'il a laissé flétrir en des temps immémoriaux).

Vous avez entièrement raison, ma chère, d'autant que de là-haut, cela nous permet de constater l'élévation de votre propre fondement !

Publié le 21 Mai 2024

"Écrire un roman à quatre mains, c’est descendre un rapide à la godille sur un frêle esquif de mots qui foisonnent et cherchent une consistance sous la plume de deux mariniers présomptueux" : ça, que ça en est de la métaphore assassine ! Et quand on lit le texte persillé de "stigmergie", de "synergique", d' "holistique", d' "hétéronomie" et de "théorie des systèmes", on a toutes les raisons de tomber, assommé, de sa chaise, et de se demander, incidemment, si cette manière boursouflée de convoquer ce genre de vocabulaire n'est pas une illustration de l'expression "péter plus haut que son cul". Serait-ce le retour des Précieuses Ridicules ?...

Publié le 21 Mai 2024

Mais pourquoi sommes-nous allés invoquer les « augures » dans cette tribune ? On aurait parlé de voiture, de tonsure, de biture, de conchyliculture, de friture ou même encore d’augusture, on avait bon ! Non, il a fallu que l’on aille chercher un des rares mots en « ure » qui soit masculin. Ma grand-mère me le disait pourtant bien : l’étymologie que diable, pense à l’étymologie ! Sauf qu’elle avait un défaut de prononciation, la grand-mère, et que longtemps j’ai compris « l’estime au logis » ! Ce qui fait que j’ai toujours été un garçon très gentil à la maison. Mais de ça, tout le monde se fout...
Merci à vous @galodarsac pour ce rappel salutaire, ainsi que pour votre commentaire encourageant.

Publié le 21 Mai 2024

Merci aux deux auteurs d'avoir partagé leur expérience, fructueuse au vu de l'ouvrage créé. A mon avis dans la liste des prérequis il manque quand-même un élément essentiel: la bonne entente entre les co-auteurs. Sans cet ingrédient, le duo risque fort de finir en duel, en tout cas c'est l'impression qui me vient quand je me projette dans cette idée.
Juste en passant, et pour soutenir ma réputation de pinailleur: dans le chapô de cette tribune: "Les augures... ILS vous informent" :)
Bravo en tout cas à vous deux d'avoir mené à bien ce projet, dont bien peu d'auteurs, à mon avis, seraient capables.
En avant pour le tome 2 !

Publié le 20 Mai 2024

@DEC Je suis entièrement d'accord avec le commentaire de Zoé Florent. Sauf que moi, j'aurais mis "grand merci", et peut-être "très sympathiques..." J'en fais trop ? Non, non, c'est cela l'écriture à quatre mains, il faut en mettre deux fois plus pour que le co-auteur(trice) en garde la moitié ! -)

Publié le 20 Mai 2024

@DEC Merci pour vos sympathiques encouragements, Salomon !

Publié le 20 Mai 2024

Belle aventure ! Bravo et bon succès aux 4 mains...

Publié le 20 Mai 2024