Ce n’est pas le tout d’écrire, il faut être lu. Ah la belle Lapalissade que voilà mais qui néanmoins vous cueille alors que vous pensiez être quitte : vous avez cogité, vous avez écrit, à eux, libraires, éditeurs, attachés de presse, et tout le toutim de vendre votre livre.
Bon, déjà, il faut avoir tout ça en magasin.
Souvent, vous êtes l’homme ou la femme orchestre, auteur, autrice, éditeur, éditrice, libraire... Et si d’aventure, vous vous êtes trouvé un éditeur, il y a de fortes chances pour qu’il soit de petite taille, voire de très petite taille et très souvent, peu porté sur la promo (tenez, voici la liste des salons où vous rendre).
Bref... Un dimanche d’octobre, par l’entremise d’une association de ma région, Lisez local, je me suis retrouvée au salon du livre de Vif, cité iséroise qui vit Champollion suer sur ses hiéroglyphes et mourir précocement à Paris, loin de cette jolie maison depuis peu transformée en musée.
Nous n’étions que des auteurs locaux, autopubliés ou publiés par de petites maisons d’édition régionales, dont les éditions ThoT, sises à Fontaine, près de Grenoble... à mon instar, comme à celui de ma voisine de gauche, une sympathique CPE d’un lycée du Trièves et de ma voisine de droite, une très jeune femme, incroyablement organisée et efficace.
À 9h30, nous avons pris place, tous, derrière nos tables, auteurs et autrices âgés (en gros) de 18 à 85 ans, et avons attendu les chalands... qui sont arrivés, par paquets, par gouttes, voire gouttelettes selon les moments du jour.
À midi, le maire est venu faire un speech pendant qu’on buvait notre petit vin blanc sous les poutres antiques (vieille salle). On a bien compris que les animateurs de Lisez local l’avaient rudement tanné pour qu’il accepte notre venue et qu’il n’en revenait pas, l’édile, car pas moins de 15 auteurs avaient dû être refusés et depuis ce matin, les gens ne cessaient d’aller et venir dans les allées de ce petit salon et d’acheter.
Il proposait même, tout ragaillardi, que l’an prochain, on nous installe dans la grande salle de la médiathèque, à bâtir d’ici peu. Nous avons tous applaudi avec vigueur (mais il ne nous a rien acheté, lui).
L’après-midi s’est écoulé, lentement, avec quelques accélérations lorsque des chalands s’arrêtaient à ma table ou que je suis allée rendre visite aux autres auteurs, et autrices, pour papoter et même acheter à certains, leur propre bouquin (la réciproque étant bien moins vrai, je suis vraiment trop poire vous dirait mon conjoint).
À 18h30, j’ai retrouvé non sans un certain soulagement, l’air frais du dehors et j’ai filé de Vif avec un vif (ahah) sentiment de libération.
Alors, en résumé, qu’ai-je retenu de mon premier salon, salon des auteurs indépendants, comme on dit pudiquement, pour ne pas dire qu’ils sont strictement inconnus ? Quels sont les maîtres mots de cette expérience ? Que puis-je vous dire qui vous aiderait, vous, à vivre au mieux ce moment-là ?
Il faut être patient, limite zen. Vous pouvez passer de longs moments seul.e, sans personne qui ne vous calcule quand à côté de vous, ça jacasse, ça signe (des dédicaces et des chèques), ça encaisse (ma jeune préparatrice radio avait même un petit terminal pour carte bancaire). Cela peut rappeler, d’une certaine façon, ces soirées de votre jeunesse où vous attendiez sur votre siège, au moment des slows, des valses ou que sais-je, qu’une bonne âme, soudain, s’intéresse à vous.
Il faut se montrer stoïque aussi car parfois, une personne s’arrête, vous parle des heures (ce n’est pas inintéressant), palpote vos ouvrages (j’en avais deux, un roman et un recueil de nouvelles), semble hésiter... puis repart sans rien vous acheter.
Comme un poisson qui se décroche brutalement de sa ligne, vous ressentez alors une belle déception.
Ma voisine, la CPE sympathique, en a fait aussi les frais, et de même le couple de retraités en face, Madame accompagnant son minuscule mari, qui avait publié son autobiographie. Et comme l’ambiance était très sympathique (et le petit vin blanc plaisant), on en a tous ri... un peu moins cependant quand la même dame s’est soudain saisi, sur une autre table, du roman écrit par une jeune femme tout en rondeur et le lui a acheté direct.
Je crois qu’on pense tous la même chose, a dit avec philosophie, la matrone qui accompagnait son petit homme.
On avait ferré la bête et la bête était allée acheter à la concurrence.
Il faut aimer parler. Parler de ce que l’on a écrit, parler de leur vie aux gens et un peu de la vôtre, mais sans excès, les gens ne sont quand même pas là pour recueillir vos confidences, parler à vos voisins, et aussi un peu plus loin, aux stands du fond, parler, parler, parler... C’est fou le nombre d’informations que l’on échange dans ce lieu, sur les uns et les autres, sur l’art de s’auto-publier, de vendre, sur nos itinéraires respectifs.
Le soir, dans ma voiture, j’ai vécu une véritable félicité à retrouver le silence et les petites routes de campagne dans le jour qui s’en allait. Le fait d’avoir rencontré de chouettes personnes, qu’elles achètent ou qu’elles écrivent, n’empêchait pas le fait que j’en avais vraiment plein la tête.
La bienveillance, je tiens à le souligner, était de mise, même si deux femmes sont venues à moi, qui n’ont pas décroché un sourire, regardé mes livres d’un air dégoûté et tapé ensuite sur ma gentille librairie de Vizille (elle ne sait pas faire du commerce pfff).
À propos de commerce... il faut savoir se vendre. Ok, c’est le grand classique mais j’avoue avoir pris des leçons ce jour-là.
Ma jeune voisine de droite déjà, préparatrice radio et lyonnaise. Elle avait, en plus de son bouquin jeunesse paru chez ThoT, imprimé, via une boîte allemande, un roman dans le genre fantasy (j’ai bien étudié la chose, Marie, ce sont les moins chers). Elle m’a raconté avoir même réussi à vendre son dernier roman sur la seule base de son affiche, lors d’un salon où elle s’était rendue en Avignon, seule, la plume au vent, ledit roman étant resté bloqué en imprimerie. Les gens m’ont tous signé un chèque, confiants que je le leur enverrai... ce que j’ai fait dès le roman sorti des presses.
Je me suis dit, ma vieille, toi, question commerce, tu pars de bas.
Ma sympathique CPE aussi, sise à ma gauche, visage avenant, qui interpellait les gens hésitant devant sa table, d’une voix douce et enjouée : vous voulez que je vous en dise un peu plus de l’histoire ? Son roman, Petite flamme, était du genre efficace, ne serait qu’avec son titre. Histoire d’un briquet qui circule entre des personnages les plus divers, véritable fil rouge reliant toutes ces vies. La couverture était belle, et l’orchidée sur la table parachevait le tout.
Elle a cartonné.
Mon propre roman, lui, prenait place dans une chambre stérile d’hôpital, on y cause mort, maladie, vie, déceptions, rêves, le tout en huis-clos que ceux qui ont aimé, ont trouvé très drôle, très burlesque et aussi, bouleversant. La couverture est dans le vert de gris, avec un petit personnage qu’on se demande s’il va sauter de la hauteur où il se trouve...
Bref, ça ne fait pas rêver au premier abord, ce n’est pas facile à raconter, et j’ai éprouvé une immense gratitude envers celles qui me l’ont acheté (aucun acheteur).
C’est vrai, ces questions se posent (comment se vendre ?) en dehors même des salons mais dans ce cadre-là, cela prend toute son ampleur. Il faut appâter le chaland et parfois, même si la came est bonne, elle n’appâte pas facilement le visiteur.
Il faut donc, à défaut d’une histoire emportant facilement les gens, avoir une belle couverture et un titre qui claque. C’est le minimum. Voilà ce que je me suis dit après avoir observé plusieurs heures durant les alentours...
Cela ne veut pas dire que l’on va se mettre à écrire dans ce simple but-là (non, non, non) mais que l’on va apprendre à soigner l’emballage, hein Marie.
Il faut aussi et surtout trouver salon à son pied.
Ainsi, l’organisateur, au beau prénom de Placide, m’a dit qu’il ne fréquentait plus, finalement, les salons du livre. En effet, il sature de ne rien vendre en sacrifiant heures et carburant pour s’y rendre. En revanche, il repère les niches. Son récit est un livre de sagesse zen, pour dire vite, romanesque mais très philosophique. Donc pas très facile à vendre. Un jour, il a réussi à trouver un stand dans un salon du bien-être et en a vendu 9 d’un coup, du jamais vu pour lui.
Il était le seul auteur à des stands à la ronde, d’où ce succès.
La taille du salon doit être idéale. À Vif, nous devions être une cinquantaine d’auteurs, et tous, nous avons vendu. Un peu, beaucoup, énormément... c’est selon, mais personne ne s’est retrouvé sans rien vendre. Dans un salon plus grand, plus peuplé, je gage que nous aurions été un bon nombre à avoir chauffé notre siège pour rien.
Sur le plan commercial comme sur le plan psychologique, cela n’a pas de prix pour l’auteur ou l’autrice qui a mis tout son cœur dans l’écriture de son livre.
Cela a l’air bébête à dire mais j’ai découvert que nos visiteurs, quels qu’ils soient, s’en fichaient que l’on soit publié par un éditeur ou par nous-mêmes. Pour une fille comme moi, obsédée « d’édition pour de vrai », quel enseignement... et quelle bonne nouvelle ! Une dame très agréable est repartie avec une pile de livres, dont mon recueil de nouvelles, et le roman de ma CPE de voisine car nos histoires lui plaisaient et elle voulait se refaire toute une petite bibliothèque pour l’automne.
Que l’on soit inconnues, publiées par un éditeur, qui fait certes du bon boulot, mais qui est de très petite taille et fonctionne sur souscription pour un certain nombre d’exemplaires de votre livre, sans compter qu’il s’en bat les oups de la promo, elle s’en fichait complètement !
Au début, j’arguais que mes nouvelles avaient été pour certaines publiées en revues, parisiennes voyez-vous ça. J’ai vite laissé tomber car non seulement tout le monde s’en fichait mais en plus, nul ne voyait de quoi il s’agissait. Des revues littéraires qu’on n’achète que dans certaines libraires très sélect, pour l’essentiel à Paris ? La belle affaire...
En définitive, si j’ai trouvé l’expérience un peu longue et éreintante (quasiment 10 heures enfermée dans une salle pleine de gens), je suis revenue le cœur comblé, tant par toutes ces rencontres que par les tuyaux glanés.
Autant de promesses de rebondissements, qu’il s’agisse de, où s’auto-imprimer, ou comment mieux se vendre (ma jeune voisine Fantasy m’a conseillé les signatures chez Cultura, tu verras, ils prennent tout le monde...) ou l’idée de mieux s’organiser basiquement pour un prochain salon (décorer son stand par exemple).
Et puis avec certains, on s’est échangé nos livres en se promettant de se dire ce que l’on en avait pensé. Que de belles rencontres inattendues moi qui pensais crever d’ennui sur mon siège en fixant la pendule des yeux.
Le soir, à 22 heures, en revanche, je dormais, épuisée, ma lecture du moment me glissant entre les mains...
Vous avez écrit un livre : un roman, un essai, des poèmes… Il traine dans un tiroir.
Publiez-le sans frais, partagez-le, faites le lire et profitez des avis et des commentaires de lecteurs objectifs…
Un jour, un grand-père et une grand-mère accueillirent leur petit-fils à la maison. Il devait passer quelques jours avec eux. Le samedi, la grand-mère demanda au gamin ce qu'il souhaitait faire ce jour-là : un gâteau, fut la réponse immédiate. Le gâteau terminé, l'enfant souhaita en manger une tranche et, l'ayant goûté et trouvé excellent, il décida d'en réserver une part pour les oiseaux. Ceci fut fait derechef par le grand-père qui posa une part sur le rebord de la fenêtre. Puis tous partirent en promenade. AU retour, l'enfant courut vers la fenêtre : le gâteau était toujours là et l'enfant fut fort dépité.
- Mais papi, le gâteau était trop bon !
- Certes, mon petit, mais qui l'a dit aux oiseaux ?
Vous avec raison, @Marie Chotek, il faut savoir parler !
Merci pour ce partage !
@ Fanny Dumont
Je vous rassure, nous, on ne faisait pas triste mine (le petit vin blanc?). Mais je me doute que l'on a pu, malgré tout, donner l'impression de faire un peu tapisserie à certains moments... Quant à vos calculs, eh bien figurez-vous que quelqu'un qui écrit, sans être bien connu, qui veut gagner un peu de sous et qui a la fibre commerciale (ok, ce n'est pas notre cas), gagnera nettement plus à s'auto-vendre. J'ai des preuves autour de moi! Mais bon, comme on se le dit et se le redira, l'essentiel est bien sûr ailleurs... Bien à vous!
@Daniel Clement
Alors j'attends votre article de pied ferme, cher Daniel! (bon mais n'abusez quand même pas trop du petit vin blanc ou rouge...).
@ Le philosophe 2
Merci de votre sympathique retour. Vous méritez votre pseudo... :)
@gwenn A Elle
oui, oui, les dédicaces sont à fuir (dis-je, moi qui n'en ai jamais vraiment fait). Dans un salon, à taille humaine, au moins, vous rencontrez d'autres humains qui, souvent, sont dans la même situation que vous. A éviter, bien sûr, des salons du livre type Paris ou grosse foire (en même temsps nous ne sommes pas trop menacées d'y être invitées:)) Bon plaisir d'écriture, avant tout, à vous!
@Marie Chotek
Tout ceci me rappelle mes séances de dédicaces... Au nombre de deux ! Que d'angoisse, de frustrations, de plaisirs aussi, et heureusement... Les mêmes constats... Et l'impression que je n'étais pas à ma place... Peut-être qu'un salon me semblerait plus adapté, mais je ne sais pas vendre non plus !
SVP, tenez-moi au courant si vous trouvez comment s'y prendre !
Gwenn
Quelle drôle d'idée, aussi, de vouloir vendre ses éjaculations plus ou moins littéraires !
Si cette expérience vous a permis de faire un pas vers le bonheur, il faut persévérer !
Pour ma part, je préfère la quietude de l'anonymat.
Merci pour cet article vivant et sincère.
merci @Marie Chotek
Témoignage sympa, sincère et bon enfant qui ne donne pas forcément envie de tenter l'aventure du salon mais après tout pourquoi pas ? certains passent bien leur journée sur un canapé à regarder des conneries à la télé ou sur leur tél, alors prendre son courage à deux mains - si, si, il en faut du courage ! ne serait-ce que celui d'affronter le regard, les remarques ou pire l'indifférence d'hypothétiques lecteurs, vous le décrivez fort bien - et s'installer pour de longues heures dans une salle des fêtes à l'éclairage blafard je dis que ça se tente surtout si on est entouré de voisins pas trop désagréables et pas opposés à partager un petit flacon de blanc fruité ou de rouge gouleyant. Je vais guetter les prochains salons dans ma région (le Vaucluse) et promis Marie si j'y vais j'écrirais un article rien que pour vous :)
amicalement
Une jeu de cales en bois vaut 24,94 € chez Leroy-Merlin. Un livre imprimé à l’unité chez Amazon revient à 2,50 €. Le calcul est vite fait. Avec votre pile de bouquins, vous avez largement intérêt à délaisser les salons du livre pour fréquenter les salons de bricolage, où vous proposerez vos ouvrages comme cales pour armoires normandes. Votre bénéfice est assuré.
@Marie Chotek merci d’avoir répondue à mon commentaire, je vous souhaite une bonne continuation et toujours plus de vente avec plein de rencontres.
Bonjour Marie à moins d'être édités par une VRAIE maison d'édition, la comptable que je suis (débit/crédit) a très vite compris qu'écrire pour vendre (pour gagner de l'argent) est une totale utopie. Je suis lue sur mBS, par mes proches et connaissances à qui j'offre mes écritures, et cela me suffit amplement. Et c'est pour cette raison que je continue d'écrire sans me prendre la tête. N'ayant déjà pas la fibre commerciale, je ne me vois absolument pas faire la potiche derrière ma pile de livres comme je le vois en déambulant dans certains salons du livre. Quelle triste mine ils ont ces auteurs ! Néanmoins, je vous souhaite de futures bonnes ventes. Bien cordialement. Fanny
@maud de fayard
Je suis contente que cela vous apporte quelque chose! En fait, je ne parlerais pas (me concernant du moins) de courage, car l'expérience a été plaisante grâce aux personnes rencontrées. J'en aurais en revanche bien eu besoin si je n'avais rien vendu du tout :) bonne aventure à vous!
Merci énormément pour votre témoignage. On y voit la réalité de se vendre soit qui est apparemment un parcours du combattant les plus têtus. Bravo pour votre courage et votre détermination, sa donne un espoir que nous aussi on peut y arriver.