Ecrire : y-a-t'il une formule pour plaire ? La valeur absolue existe-elle en écriture ? méthodologie et postulats
Si j’écris par exemple : |x| = { x si x>=0 }= {-x si x<=0}
Beaucoup vont me demander ce que charabia mathématique vient faire ici. C’est tout simple cela s’applique à la valeur absolue. Pour aller au plus vite : la valeur absolue d’un nombre entier est égal à ce même nombre positif ou négatif (sans tenir compte de son signe).
Il ne faut pas considérer le 0 comme une note nulle mais comme une moyenne. Rien à voir avec les notations des carnets scolaires. En math, il y a la notion de l’infini en négatif ou en positif, le zéro est au milieu.
Tout le monde suit, même les cancres en math ?
Mon interrogation est donc de savoir si cette valeur absolue est applicable à l’écriture.
(Je ne parlerai pas de « littérature » qui à mon sens est un mot presque grossier tant il dénonce la prétention de ceux se considérant au même niveau que Villon, Hugo, Balzac, Apollinaire et consorts. Désolé !)
Donc essayons :
Remplaçons | x | (valeur absolue de x) par | Ecriture | (valeur absolu de Ecriture) cela donne :
|Ecriture| = {Ecriture si Ecriture >=0} = { -Ecriture si Ecriture <=0 }
Je traduis : Valeur absolue de Ecriture égal à Ecriture si Ecriture est égale ou supérieure au niveau moyen, et qui est égal à Ecriture si Ecriture est égale ou inférieur au niveau moyen.
Dans les deux cas on retrouve le signe égal(=) donc jusque là il y a une certaine cohérence, mais il y a une nette opposition entre le signe inférieur à (<) et supérieur à (>) et là on peut se dire qu’il y a une incohérence
Je ne suis pas certain de cette incohérence. Là, je m’explique :
Que faire pour que mes écrits plaisent à tout le monde ?
Sans doute vous êtes vous posés la question. Que faire pour que mes écrits plaisent à tout le monde ? Là, ce serait donc Ecriture >=0.
Ecrire en bon français est forcément essentiel et me paraît déjà amener un bon point équivalent à une moyenne donc Ecriture = 0.
Certes, mais cela ne suffit pas au bonheur de tous ; en effet, comme on peut le lire à travers les textes mis à disposition sur mBS, le lecteur demande de l’émotion, un trouble dont il a souvent besoin en fonction de sa personnalité, une envie de se faire peur ou celle de rêver, un désir d’érotisme, une initiation à la poésie, à l’amour et pourquoi pas une propension à la révolte. Mais le nerf de la guerre n’est-il pas qu’il y ait au demeurant une base solide et donc une histoire à raconter ?
Dans ce cas, pour ces lecteurs là, Ecriture > 0, sauf s’il trouve l’histoire quelconque ou que l’émotion recherchée est mal retranscrite et nous arrivons à Ecriture <=0.
Personnellement, je cherche toujours un livre qui raconte, me fait rêver, me permet de me substituer à un personnage qui ne me ressemble pas. Il me faut une histoire qui ait un relent de réalité et d’aventure. Sans doute parce que j’ai besoin de cela. Est-ce un regret sur le déroulement d’une vie jugée trop monotone ? Sans doute. Une sorte d’ersatz qui répond à un besoin d’évasion dans un monde inconnu, de m’envoler vers des événements que je n’aurais jamais imaginés.
Y a t'-il une clé qui fasse qu'un livre puisse (en moyenne) plaire à tout le monde ?
Pour d’autres ce sera peut-être tout le contraire et une simple poésie sans profondeur ou un roman psychologique sans aboutissement correspondra à leur besoin intime.
La clé est donc de trouver ce besoin intime (personnel, propre à chacun), mais pour le trouver, il faut pour cela qu’il existe un sens commun, une recette suprême, une valeur absolue.
Baudelaire nous invite à des voyages où la beauté se heurte à la vérité, la mélancolie à l’horreur. Barbara Cartland donne de l’engouement à beaucoup avec ses romans à l’eau de rose. Stephen King offre la chair de poule dans des fictions à la limite du réel qu’il a le secret de lier avec l’impossible. Bernard-Henry Levy plait pour sa philosophie politique. Guillaume Musso propose peut-être des fictions romantico-policières de hall de gare mais il est plébiscité.
Ces exemples couvrent une palette infinie et le mélange des genres peut choquer, mais je l’ai fait à dessein. Peut-on aimer ces cinq là en même temps ? Pourquoi pas. Ceci prouverait bien que la valeur absolue n’existe pas.
Peut-on lier tous les genres pour plaire ? La réponse est Ecriture < 0.
Alors où se trouve la recette ?
Bien qu’on entende souvent dire qu’il faut une dose de romantisme, de sexe, de suspense et quelques envolées pour obtenir Ecriture >0.
Pas de formule magique pour evaluer l’écriture, une formule mathématique peut-être …
Il n’y a pas de formule magique. Un auteur peut écrire comme un cochon, toute proportion gardée, (vous avez lu Michel Houellebecq ?) mais révéler une histoire intéressante, un autre peut avoir une plume magnifique et nous emmerder. Chacun sa sensibilité, chacun son public.
Sur un même texte on retrouvera inéluctablement les résultats suivant :
Pour les satisfaits et les moyennement satisfaits Ecriture >=0.
Pour les moyennement insatisfaits et les totalement insatisfaits Ecriture <=0.
On retrouve bien ce corollaire :
|Ecriture| = {Ecriture si Ecriture >=0} = { -Ecriture si Ecriture <=0 }
La démonstration est faite, la valeur absolue existe également en écriture, mais seulement mathématiquement parlant, bien sûr.
La vérité n’est pas toujours celle que l’on pense disait Socrate.
Et il avait raison. J’espère que cela vous a amusé, mais vous l’aurez deviné, en vérité, la valeur absolue en écriture n’existe pas quelque soit la méthode utilisée. L’important est de tenter, le mieux possible, de peaufiner nos textes sans trahir notre personnalité et notre style, se faire plaisir et faire partager ce plaisir. Aux lecteurs de nous en dire plus sur nous même.
Ivan Zimmermann
Vous avez un livre dans votre tiroir ?
Publier gratuitement votre livre
Vous avez écrit un livre : un roman, un essai, des poèmes… Il traine dans un tiroir.
Publiez-le sans frais, partagez-le, faites le lire et profitez des avis et des commentaires de lecteurs objectifs…
@ Zimmerman : Belle démonstration, en effet, cher Zimmerman. Mais tout est-il mesurable et quantifiable ? Ou, au contraire, ne doit-il pas résider une part de mystère dans chacun des écrits, voir d’ambiguïté par les temps réducteurs de liberté que nous vivons ?
L'écriture, ne pourrait-elle pas, au contraire, servir à s'évader des conventions et des "logiques" se voulant orientées vers un pragmatisme bien utile à endormir les esprits?
En tout cas je m'y emploi et m'y trouve en fort bonne compagnie... Et si nous nous chargions de romancer cette "pragmatique" activité que constitue cette fameuse science des mathématiques (qui m'a tant fait souffrir dans ma jeunesse) pour amender ce savoir de "matheux" et de parvenir plutôt à une sorte d'osmose des savoirs, en fusionnant ces deux disciplines?
"Ce n'est pas vraiment que le chemin est dur, mais que dur est le chemin."
Je souscris peu à ce type d'approche, je trouve en tout cas l'exercice facétieux et méritoire.
Ca me fait penser au test qui refléterait l'intelligence... comme si on pouvait évaluer l'intelligence (globale) d'une personne par une formule (ou un test)... Alors, le bon roman... qui plus est sous-entendu le roman qui plairait à tout le monde... Le roman qui plait à tout le monde serait le 'bon roman' ? Généralement c'est plutôt le contraire. Le roman qui plait à tout le monde c'est comme la fille qui plait à tout le monde : c'est pour ceux qui n'ont pas d'imagination ! La recette du roman qui plait c'est ce qui pullule en ce moment : le roman 'feel good', autrement dit le roman qui vous veut du bien. Tu parles ! S'il suffisait d'un roman pour aller bien, ça se saurait... tous les psys seraient au chômage. Le roman qui plait à tout le monde aujourd'hui c'est celui préfabriqué, celui qui va plaire à une majorité de lecteurs enfin surtout de lectrices. Un roman est vendu à 500 000 exemplaire ? Qu'à cela ne tienne, les maisons d'édition vont tenter de répéter la formule magique... jusqu'à aller à imiter la couverture... parce que bien sûr la couverture c'est déjà la moitié du travail. Quant à l'auteur qui écrit le livre qui se vend, il en est réduit à ré-écrire toujours le même livre. Parce que si ça marche, pourquoi changer la formule ? On est effectivement dans le calcul...
Si la valeur absolue (mathématique) définit ce qui marche en littérature (pardon, en écriture..), on peut en conclure que deux sortes de bouquins sortent gagnants : les meilleurs et les plus nuls.
... Ce qui, finalement, rejoint une approche bien plus empirique :)
Mon cher @Ivan Zimmermann, je suis sur le "cul" ! Non pas tant à cause (ou grâce à) de ta brillante explication de matheux qui a failli provoquer une crise d'urticaire vu que je suis allergique aux maths depuis que j'ai été loupé pour l'algèbre au secondaire, mais en raison des non moins brillantes interventions de @lamish, @Élizabeth M.AÎNÉ-DUROC, @chathymi, @FANNY DUMOND, @Robert Dorazi et bien entendu @Elen Brig Koridwen.
Plus prosaïquement, vu que je suis plus à l'aise pour l'écriture, je retiendrai surtout dans ton article : "Que faire pour que mes écrits plaisent... ? Ecrire en bon français est forcément essentiel... mais cela ne suffit pas au bonheur de tous... le lecteur demande de l’émotion, un trouble dont il a souvent besoin en fonction de sa personnalité, une envie de se faire peur ou celle de rêver, un désir d’érotisme, une initiation à la poésie, à l’amour et pourquoi pas une propension à la révolte. Mais le nerf de la guerre n’est-il pas qu’il y ait au demeurant une base solide et donc une histoire à raconter ?... vous l’aurez deviné, en vérité, la valeur absolue en écriture n’existe pas quelque soit (faute de matheux > quelle que soit) la méthode utilisée. L’important est de tenter, le mieux possible, de peaufiner nos textes sans trahir notre personnalité et notre style, se faire plaisir et faire partager ce plaisir. Aux lecteurs de nous en dire plus sur nous même."
La conclusion nous est donnée par @Elen Brig Koridwen, prenant en compte les points de vue du lecteur et de l'éditeur : " il n'y pas de valeur absolue en écriture, ni en littérature... chaque lecteur a ses goûts, et que ce qui plaît à l'un ne plaira pas à l'autre, ne serait-ce qu'à cause de (grâce à ?) la diversité des genres. Le point de vue de l'éditeur (je le partage car il est logique), c'est que si n'importe quel livre peut trouver son public, un bon livre est celui qui plaira à un maximum de lecteurs. C'est un point de vue commercial, peut-être, mais raisonnable... De mon humble point de vue, un très bon livre allie a minima une bonne histoire bien racontée avec des personnages vivants et émouvants, une rédaction irréprochable ou presque, et une dimension esthétique."
Mon cher Ivan, tu peux te réjouir du succès de ton article. D'une part parce que finalement je n'ai pas eu ma poussée d'urticaire, d'autre part pour l'écho qu'il a trouvé auprès des commentateurs habituels dont j'apprécie la pertinence. Amitiés à toutes et à tous, mes ami(e)s de mBS. Michel
Voilà qui nous fait passer un excellent moment, merci @Ivan Zimmermann !
Non, il n'y pas de valeur absolue en écriture, ni en littérature – et j'emploie volontairement le mot "littérature", irremplaçable puisqu'il est plus global et inclut une dimension esthétique.
Comme @lamish, j'ai été enthousiasmée par certains ouvrages originaux et bien sentis quoique bourrés de fautes (même si je pense qu'ils gagneraient à en être débarrassés, ce que j'ai fait bénévolement chaque fois que je l'ai pu).
Par ailleurs, il est vrai que chaque lecteur a ses goûts, et que ce qui plaît à l'un ne plaira pas à l'autre, ne serait-ce qu'à cause de (grâce à ?) la diversité des genres.
Le point de vue de l'éditeur (je le partage car il est logique), c'est que si n'importe quel livre peut trouver son public, un bon livre est celui qui plaira à un maximum de lecteurs. C'est un point de vue commercial, peut-être, mais raisonnable – même si l'autoédition est en train de changer la donne, en permettant à toute personne de publier pour une poignée de lecteurs (et là, on en revient à mon dada : la nécessité d'un moteur de recherche performant pour que ces lecteurs trouvent facilement ce qui leur convient).
Bref, il n'y pas de recette toute faite, mais il y a des méthodes pour produire un "bon" livre. L'édition les connaît très bien, même si ces méthodes, visant un résultat statistique, ont pour but de produire une valeur moyenne plutôt qu'une valeur absolue.
De mon humble point de vue, un très bon livre allie a minima une bonne histoire bien racontée avec des personnages vivants et émouvants, une rédaction irréprochable ou presque, et une dimension esthétique. De nos jours, cette dernière tend à passer à l'arrière-plan. C'est bien dommage. Il n'empêche que la dimension esthétique reste ce qui différencie l'art d'écrire de l'industrie du best-seller.
Amitiés,
Elen
La bonne littérature étant, comme chacun sait, plus légère que la mauvaise, il est dès lors simple de déterminer la valeur d'une oeuvre en divisant le carré du poid du livre par le nombre de signes. On obtient ainsi un Indice de Valeur Littéraire ou IVL. On peut alors ranger les romans selon leur IVL, ceux ayant un IVL supérieur à 32 entrant dans la catégorie des livre à obésité littéraire morbide... :)
Waouh ! Les rouages de mon cerveau se sont fait la malle cet après-midi. Après avoir tenté de lire une des dernières nouveautés, ne voilà-t- il pas que je tombe sur une formule mathématique ! Je suis plus que cancre en maths et ce n'est pas à mon âge avancé que je vais faire un effort pour comprendre votre leçon qui doit être passionnante, je n'en doute pas un seul instant ;-))Très éclectique dans mes lectures, si un bouquin ne me plaît pas au bout de quelques pages, je le mets au rebut sans autre forme de procès. Fort heureusement, on ne peut pas plaire à tous les lecteurs dans ce monde où l'uniformisation est devenue monnaie courante. Amitiés de l'Auvergnate. Fanny
L'amour est déraisonable. Ne se raisonne pas.
Comme face à Gorgonne, nous sommes éblouis, quoi qu'il en retourne, y compris les emmerdements. Il en va ainsi de l'art( je parle de mon amour pour certains auteurs comme Stendal, Yourcenar, Baudelaire que vous citiez. Certains peintres comme Klee, Picasso. Certains chanteurs, comme la Calas...).
C'est drôle, pour moi, que vous raisonniez ce quelque chose qui ne se saisi pas.
Contrairement à vous, je ne cherche que rarement un livre avec une histoire. Ce qui m'importe c'est comment c'est écrit. C'est la raison pour laquelle je fond face à la litterature japonnaise où ....il ne se passe rien( bon nombre du milieu 20ième siècle). C'est très très fort. Ou bien Michon, qui passe sont temps à "dégraisser". J'aime votre démarche car j'aime les démonstrations un peu "tirés par les cheveux", qui montre une curiosité joyeuse. Une bonne santé!
Alors là, mon cher Ivan, chapeau bas ! Quelle idée originale ! Et quel superbe "viatique" de transmission de pensée que cette démonstration mathématique ! Je me suis régalée à lire votre démonstration et à voir vibrer, entre crochets, les véritables sens que vous voulez donner et ouvrir à notre compréhension. Ce sont des maths chantants, des maths profonds, de ceux que les vrais "matheux" lisent de la sorte, de ceux que les vrais "littéraires" rencontrent dans la construction sublime et/ou obscure de leur(s) composition(s). Dans toutes ces questions relatives reste, de mon point de vue, une constante : le "cœur qu'on y met". À mon sens, Écriture > (toujours) 0 si l'auteur partage son cœur. Bien entendu, ici résumée, la question se répand à nouveau en véritable éventail ! Y mettre son cœur, c'est quoi ? C'est quand, c'est qui ? Et s'il y a différentes phases ? Et si l'on en est là ou là ? Et si chacun ne l'entend pas pareil ?! En bref, nous donnons notre maximum, et ça, déjà... (Ça me rappelle un certain sujet que nous avons traité ensemble...).
En tous les cas mon cher Ivan, je vous renouvelle mes mille "Bravo" (licence française) pour ce développé original et intéressant que j'aurais bien voulu se voir poursuivre sur des pages et des pages, rien que pour mieux sentir encore où vous voulez nous mener.
Avec, vous le savez, toute mon amitié.
Bruna. (Flûte : Élizabeth ! Que dis-je !).