10 petites minutes de lecture.
"Mon père, son rêve aurait été d’épouser une vraie Napolitaine. Mais c’est ma mère qu’il avait engrossée. Du coup, il a été obligé de faire l’impasse sur bien des us et coutumes de son pays. Mais ce qui était sous son contrôle, il l’a gardé avec une résolution qui poussait au respect. ".
*
Quelques pages pour évoquer mon père et ses frères : ceux qui sont partis, ceux qui sont restés ; ceux qui s'en sont sortis -plus ou moins- et ceux qui se sont perdus corps et âme. La vie, quoi.
Ce texte m'avait été commandé par le Cercle Da Vinci dans le cadre d'un recueil sur les fameux RItals et sur le thème de l'intégration. Pour moi, il fait maintenant partie de mes esquisses napolitaines (éléments de futurs récits).
Bonne lecture à tous.
Ce livre est noté par
Merci @Philippe Clausels, une telle fidélité de lecteur... les bras m'en tombent.
Merci @Monique Louicellier pour ta visite et pour ton message. Pour répondre à ta question, je n'ai rien mis en ligne depuis longtemps, et je ne mettrai rien dans les mois à venir. En tout cas, rien de nouveau, peut-être les Blues que plus personne ne connaît. Mon année est entièrement dédiée aux autres, je reprendrai l'écriture et mes petites affaires en 2024. Et j'ajouterai que le texte n'a pas bougé d'une ligne depuis qu'il a été transmis à ses commanditaires.
Alors, oui. Ce texte très personnel ne souhaite pas parler de la famille "Viti", mais du fait de se retrouver déraciné un jour et jeté sur une terre qui n'est pas la tienne. C'est un thème que j'ai abordé dans un autre texte. Je le publierai peut-être un jour : sur le mal du pays de mon père. "Le - mal - du - pays" qui est peut-être général à toute humanité. Tout dépend le sens que l'on donne à "pays". Bref, c'est un thème. Un thème qui nous ramène à celui de "double culture", ce grand écart mental entre deux continents qui s'éloignent au fil du temps et finissent même par s'effacer, disparaître... au fond, nous ne savons plus ni qui nous sommes, ni d'où nous venons.
Merci Monique, je te souhaite un bel été.
Toujours ce sens du rythme et de la fluidité même dans le commentaire.
@Fidji Fidji, merci pour votre retour de lecture.
Alors, dans l'ordre :
Une chose est certaine, pour qu'un texte ressemble à une production spontannée, il faut se donner de la peine. Démonter, briser, casser, concasser, remonter, secouer... Après, après... D'un âne, on ne pourra jamais faire un cheval de course, disait ma reum.
Le croirez-vous ? je n'ai toujours pas lu les RItals. Quand ce livre est sorti, mon obsession était de nier toute accointance avec l'Italie. Honte. De nos jours, l'Italie c'est joli, c'est cool, c'est fun, mais pas dans mon enfance. Et depuis Ferrante, avoir ne serait-ce qu'une gocciolina de sang napolitain fait de vous un demi-dieu. Eh bien moi, j'ai failli m'évanouir quand l'avion a sorti son train d'atterrissage au-dessus du volcan. Peur que j'avais de me retrouver 30 ans plus tard dans le ventre de Naples, la tripe, les sécrétions corporelles, la viande, les cris. Peur d'être engloutie, digérée, déféquée. Et puis non. Apparemment, ça n'était pas si grave. Il fallait juste accepter. Voilà d'où il sort le "mépris".
Pour le coup d'oncle, vous m'avez sciée. Personne (et pourtant ce texte a été malaxé par moi, lu et relu par je ne sais combien de lecteurs) ne s'en était aperçu avant vous. Alors, on va le laisser. Il appartient forcément au texte.
Merci.
Merci, @Alix Cordouan. L'histoire de mon père et de ses frères (version hyper digest !) fait partie du recueil "Ciao Italia Mia", une "commande" de l'Ambassade Italienne en France, et du Cercle L. da Vinci. Je pense que ce recueil à la mémoire des Italiens émigrés en France sera disponible vers la fin de l'année. J'ai en chantier, ou plutôt en plan, depuis quelques années, un roman sur le plus jeune des frères (celui qui est devenu gâchette de J.Louis Fargette).
Autrement, oui, je suis entièrement d'accord avec votre remarque : notre histoires, les valeurs, les croyances, les habitudes, ce qui a été permis ou le reste, on fait ce que nous sommes. Nous ne sommes que la somme de nos apprentissages, et suivant l'acuité avec laquelle on regarde la chose : ça donne le tournis ! Merci encore.
@Marie Berchoud. Merci, Marie. Ce qu'il y a de fascinant, c'est la complexité des êtres. Ce Luigi était multiple. On se gargarise beaucoup, dans notre moderne society, de résilience, de pardon, et j'en passe, alors qu'on pourrait atteindre des sommets en cherchant uniquement la multiplicité, la nôtre et celle des autres. Comme je le disais plus bas, il faudra qu'un jour je me penche sur la multiplicité du personnage de la mère. Mam', la cinglée. Mais pas cette année. A l'instar de ceusses qui font "retraite spirituelle", je fais "retraite littéraire" pour le reste de l'année. Alors rendez-vous en 2024 pour la suite donnée aux Amériques.
Merci @Bahloul pour votre commentaire. Considérer sa famille et essayer de la comprendre revient un peu à s'opérer soi-même à cerveau ouvert ! La mienne m'a offert un matériau inépuisable. M'en être détachée affectivement m'aide à en faire une espèce de kaléidoscope. Il y a un sujet sur lequel je n'ai pas encore écrit : l'aspect lumineux de ma mère. Ce ne sera pas pour cette année, mais plus tard... qui sait ? Merci encore, et je vais répondre à vos autres commentaires ! que de cadeaux de votre part.
@Fabrice Touzé, ce texte (court pour coller à la demande) parle d'un des hommes que fut Luigi. Luigi fut aussi un père, le mien en l'occurrence. Il eut de grandes difficultés à tenir ce rôle, à l'accepter (l'histoire est compliquée et parsemée de dissimulations, de non dits et de dénis), ce qui le plongea souvent dans une violence extrême, et ce qui lui fit perdre les pédales bien souvent.
Je crois que le travail des enfants qui veulent devenir adulte consiste à séparer. A tout séparer pour y voir un peu plus clair, au-delà des souffrances, de la terreur, quand elles ont envahi l'espace. Pouvoir regarder le bourreau dans les yeux et s'y reconnaître. Vaste programme. Merci pour vos lectures (j'apprécie particulièrement le soin que vous mettez à lire les autres auteurs).
Bonjour @Catarina Viti. C'est un excellent hommage à la famille, à votre famille, un hymne à la mémoire de votre père. Vous avez annoncé tout au début: " N'attendez pas de héros, d'hommes grandioses. Ils ne sont pas au rendez-vous. Vous n'avez là que des êtres humains qui ont fait de leur mieux ". Et qu'est-ce qu'on pouvait attendre de nos parent plus que ce qu'ils ont fait? plus que ce qu'ils ont pu faire? Après ce qu'ils ont vécu et enduré? On finit bien par leur trouver quelque chose, quelques mérites. Vous avez mis du temps pour vous rendre compte qu'il y'a bien quelque chose que vous devez à votre père. Et cette chose devient votre raison de vivre. C'est déjà cela, la passion pour l'écriture et le fait de ne s'attacher qu'à l'essentiel. C'est devenu votre philosophie je crois, et votre style s'en est imprégné. Vous avez l'art du mot juste et précis et cela fait toute la splendeur, la profondeur, la finesse et la richesse de vos textes. Merci pour ce moment de lecture agréable.
Fabrice Touzé
Le sens de la famille en Italie est précieux, c’est souvent ce que j’ai entendu dire, on le compare aussi à ce que les familles juives partagent entre elles, et le père est une figure centrale, c’est inscrit dans les gênes, je pense que tout enfant y loue une forme de culte, même quand l’âge de l’émancipation veut en découdre avec les codes paternels, il est clair que le père est en soi un homme qui ne laisse jamais indifférent, à croire qu’on cherche à lui ressembler mais que d’un autre côté on trouve important de chercher sa propre marque de fabrique et à cet effet de se détacher de lui pour aller creuser son propre sillon ailleurs et de sorte à ne pas le décevoir. Le regard que vous avez porté à votre père est habité par ce genre de sentiments et son image avec le temps vous a permis de le découvrir avec son lot de quête personnel, par là de voir que le portrait d’un homme va plus loin que tout ce qu’on peut imaginer de lui. Ma mère m’avait fait comprendre cette chose-là en me parlant de mon père, j’entends encore ses mots: ton père n’est peut-être pas le père idéal, tu lui en voudras toujours de la violence qu’il m’a fait endurer, aussi je veux que tu te souviennes qu’il t’a élevé et à travers cela que tu ne le laisses jamais tomber, c’est tout ce que je te demande. Nous en sommes tous là, à se demander qui étaient réellement nos parents, c’est à la sensibilité d’y répondre, je l’entends comme cela quand on se met à écrire sur eux. Bonne journée.
Un grand merci pour votre retour de lecture, @Gabriel Schmitt. Ce n'est pas si normal de quitter sa terre, de lâcher sa culture, surtout quand on le fait à défaut d'un autre choix. Une célèbre blague (je ne vais pas la raconter ici) se termine par cette réplique : "il ne faut pas confondre tourisme et immigration". J'ai toujours senti dans ma famille immigrée ce vague à l'âme des gens qui sont ici et là-bas. Je le sens d'autant plus que j'en porte en moi l'écho. Je suis ici, certes, mais une partie inconsciente de moi est là-bas. Un jour, lors d'un séjour à Naples, j'en ai identifié un lambeau de ce moi bizarre. Mais c'est une autre histoire. A bientôt.
Merci @Bruno_Guennec. Beaucoup. Je le ferai, ce récit plus long.
Mais j'ai pris en début de semaine une grande décision : celle d'offrir mon année 2023 à monBestSeller. Ce sera donc pour après.
Merci @GAUVRIT Alain. Je découvre, avec le temps (qui s'en va, tout s'en va) que nous n'avons pas un père, mais plusieurs. Et le mien me fascine. J'ai déjà parlé d'un de lui, notamment dans *Adieu Amériques*, le temps où il m'inspirait la frayeur, me faisait vivre dans l'angoisse permanente et où mon seul sentiment à son égard était la haine. Il s'appelle alors Croc Dur, Al Capone, L'Autre. Mais je n'ai encore jamais écrit sur Luigi ailleurs que dans ce court texte. Comme je le dis plus bas, à Lucas, avant que la mort ne m'efface, j'écrirai ce "livre sur "mon père"" et, à ce moment, je me rappellerai votre titre. J'ai déjà commencé l'histoire romancée de mon oncle, dont le titre actuel est *La nuit n'est pas l'avenir* (un vers de Kerouac). Merci encore, je vous souhaite un excellent séjour sur le site. Je n'ai malheureusement pas le temps de lire en ce moment, car je travaille sur d'autres chantiers pour notre communauté. Aussi, je souhaite bonne chance à votre livre. Et n'hésitez pas à me contacter si vous avez besoin d'information. Cordialement.
@Catarina Viti.
Mouais... Bon je ne commente pas dans ce cas... J'efface le premier commentaire. je te parlerai en privé de mes impressions seulement si tu veux.
Bonjour @Monique Louicellier, eh bien non, tout faut. Ce n'est pas un premier jet (d'ailleurs, je n'en publie jamais), Ce texte a fait partie d'un recueil de dizaines de témoignages sur l'immigration italienne en France. Il fallait pour ne pas lasser l'auditoire trouver un rythme syncopé, dynamique, "parlé", et ne pas traîner ; projeter des diapositives, et faire tout cela en très peu de caractères pour ne pas saturer l'auditoire. Les émotions sont principalement le respect, la gratitude envers des hommes qui ont eu une vie si dure que nous avons peine à l'imaginer. Et s'ils ont déraillé, je crois préférable de ne pas les juger.
Merci @Lucas Belmont. Un de ces jours, les courbes du temps, de la disponibilité et de l'énergie fusionneront : j'achèverai le roman dont j'ai écrit les 150 première pages à propos de mon oncle Alfredo, devenu gâchette de Jean-Louis Fargette (rien que cela). Et puis, je viens de lire (enfin) "Le livre de ma mère" de Cohen, et je me dis que j'ai matière à écrire le "Livre de mon père" (avec un autre titre), car ma vie doit laver ses nombreux péchés pour qu'il ait enfin une place au Paradis. Mais avant cela, faut que je termine deux chantiers en cours, et puis y a mBS... Vous avez du temps, vous ? Moi, je le cherche ! Je ne sais plus qui a dit "il faut laisser du temps au temps", mais il savait de quoi il parlait ! Bonne continuation et merci d'avoir signé ce petit mot.