Pour la première fois de sa vie, elle se sent bien. Bien dans sa peau. Une peau dorée qui sent si bon le monoï. Une peau qui contraste si joliment avec ce bikini rose nacré que sa mère lui a acheté, une semaine plus tôt.
La convaincre n’avait pas été simple. Elle avait dû préparer le terrain de longue date ; se montrer irréprochable et studieuse pour obtenir, après moult ruses et tractations, l’autorisation d’un premier départ en vacances sans eux ; sans ses frères et sœurs ; sans ses parents.
Paradoxalement, c’est l’achat du maillot de bain qui avait requis le plus de diplomatie. Elle avait accueilli comme un signe, un cadeau du ciel, l’appui d’une adorable vendeuse qui avait su trouver les mots pour contourner la détermination maternelle à vouloir cacher ce corps d’adolescente déjà trop féminin à ses yeux.
Heureuse, elle avait dormi jusqu’à son départ avec ce bikini rose serré contre elle. Un bikini devenu grigri protecteur. Un bikini devenu emblème d’une toute prochaine merveilleuse tranche de vie, dans la maison de bord de mer des parents de son amie.
Depuis cinq jours, l’efficacité du porte-bonheur se confirme. Avec une facilité si déconcertante qu’elle se laisse porter, grisée, insouciante. Que pourtant si timide, elle commence à sourire, s’ouvre aux autres sans rougissements intempestifs, avec la douce impression que l’enclume qui lestait son cœur depuis toujours s’est volatilisée comme par enchantement.
Sur la plage, elle sent le regard des hommes. Sensation nouvelle qu’elle accueille avec un plaisir indéfinissable. Inavouable, de toute façon. Il est si différent de celui des jeunes garçons de son âge, leur regard ! Dans leurs yeux, de jolie, elle devient belle. Ça l’enivre. Ça lui fait gonfler le torse, tandis que ses hanches se balancent malgré elle, imperceptiblement. Telle une invite inconsciente.
Ce matin, un très bel homme l’a abordée. Beau comme ceux qui peuplent ses rêves. Si beau qu’elle a perdu toute son assurance. D’un coup. Elle s’en est voulu.
De sa voix sûre et suave, il lui a parlé de la pluie et du beau temps. Trop impressionnée, elle est restée quasi-muette. Puis il lui a proposé une balade dans les dunes, en fin d’après-midi.
Il est dix-sept heures quinze, et elle l’attend. Elle a relevé ses cheveux en un chignon lâche dont s’échappent quelques mèches blondes. Elle a trouvé que ça lui donnait un air de sauvageonne. Elle a mis sa plus jolie robe ; s’est légèrement maquillée aussi. Elle a vraiment mis toutes les chances de son côté pour ce rendez-vous qu’elle souhaite galant.
Il arrive, s’excuse pour son léger retard, la prend par la main.
Ils avancent. S’éloignent du rivage. Contrairement à ce matin, il ne parle pas. Elle, elle a le cœur si gonflé qu’il prend toute la place. Elle espère secrètement qu’il en est de même pour lui.
A présent, les dunes et leurs herbes folles sont proches. Quelques pas encore, ils franchissent la première. Lentement. Toujours sans un mot. Puis la deuxième. Toujours sans un mot.
Arrivés au sommet de la troisième, il lui lâche la main. Elle ne s’en rend pas compte tout de suite, car là, dans le creux, il y a cinq hommes. Des hommes qui les regardent, qui ne sont pas surpris. Comme s’ils étaient attendus.
Elle se demande pourquoi. Ne comprend pas. Se retourne… Le bellâtre lui a déjà tourné le dos et s’éloigne d’un pas vif…
Lamish
Vous avez écrit un livre : un roman, un essai, des poèmes… Il traine dans un tiroir.
Publiez-le sans frais, partagez-le, faites le lire et profitez des avis et des commentaires de lecteurs objectifs…
@lamish Elle coule au milieu du bois [...] et je me demande s'il faut croire à cette légende... (Je ne suis pas doué pour les commentaires, c'est horrible, alors je m'en sors par une pirouette) Évidemment, j'ai aimé ce texte. Quand je vous dis que je ne suis pas doué pour les commentaires. « J'ai aimé ce texte » plus plat, plus bateau que ce commentaire, impossible impossible ! :) :) :)
@lamish ;-) Bonne soirée à vous.
La chute de cette nouvelle me fait penser, non pas à une chanson, mais à une danse comme la bossa nova des années 60 dont la fin peut être douce et s'estomper insensiblement, ou au contraire s'interrompre brutalement selon la volonté des musiciens ou de l'arrangeur.
Vous avez laissé à vos lecteurs le soin de terminer l'histoire à leur façon... et c'est très bien ainsi.
Bien que ma sensibilité et mes personnages soient soit très différents des vôtres, je me suis laissé entraîner par l'aventure de cette jeune fille encore candide et naïve. Autrefois, j'étais moi aussi d'un naturel naïf et curieux, et peut-être même gentil.
Parfois, je le suis encore... mais je me soigne.
En écrivant.
En (vous) lisant : Il est rassurant de penser qu'il existe (encore) des personn(ag)es d'une jolie naïveté... Ça fait du bien.
Merci de m'avoir fait penser à réécouter Stan Getz et Charlie Byrd (Jazz Samba) ! Cool !
Bravo @lamish pour cette histoire fort bien écrite qui a su m'attendrir, qui a donné du grain à moudre à ma réflexion, et qui me donne envie de continuer à écrire.
Amicalement.
jbtanpi
J’suis un peu comme ce cher Matzneff , associez bikini et dix-sept ans , et me v là ! ---------------------------------
— Bikini, lui ai-je chuchoté à l’oreille.
Bien calé aux velours du fauteuil, l’endormi donnait toutes les apparences de vouloir le rester encore, il y eut bien un petit reniflement énervé, mais il était difficile de le traduire en un signe d’intérêt.
J’eus beau agiter mon bikini sur toute la gamme, on n’y répondit qu’en ronflement …
— La poire c’est pernicieux … Fit remarquer Christophe Girard l’ex-adjoint à la culture de la mairie de Paris dont on fêtait le coup de pied au cul encore frais.
De l’agape, il ne restait que deux combattants.
— Viré par les gouinasses !
Il l’avait fait floquer sur un tee-shirt, et après la deuxième bouteille de Poire, il avait exhibé son maillot et son postérieur lors d’un live facebook en chantant des chansons de Patrick Sébastien. Le buzz fut total quand en arrière plan, Gabriel Matzneff en slip kangourou, sur « Tournez les serviettes » entama une chorégraphie toute de sensualité.
D’où ma présence !
— Nettoyez-moi çà Alexandre !
Je m’appelle Alexandre, Alexandre Bellanna : Nettoyeur ! Coucher les papys, effacer les traces sur internet, telle était ma mission, si toutefois je l’acceptais avant que le SMS de ma ligne spéciale ne s’autodétruise dans cinq secondes …
J’ai hésité un instant, j’étais tout occupé à lire sur mon smart-phone le récit d’une émotion adolescente sur le site MBS
J’ai fais « Ok Boss ! »
Cinq coups de pédales de vélo électrique et j’étais sur place !
Pour ce qui est de l’ex Monsieur Culture, les 70 degrés de la Poire Belle Helene se proposaient de faire mon boulot. L’homme s’affaissait lui aussi, déjà son menton pesait sur sa poitrine.
Je mis à profit ce calme pour procéder au nettoyage numérique : après avoir isolé l’algorithme du kernell32 de l’adresse IP, il me fut facile de l’orienter vers une direction en Cobalt++ …
Vers quel lien ?
Mon smart-phone lâcha un bip : c’était Madame MBS qui voulait savoir si J’étais intéressé par la formule « Top du Top – Number One » à 34 € pour mon livre de recettes culinaires « Tous à poêle ! »
Dans le volet du navigateur, le lien vers le Bikini rose de Lamish m’offrit sa solution.
Après quelques lignes de code, qu’il me fallut composer en Castex19 afin de les rendre indétectables par la NSA et médiapart, chaque demande portant sur la vidéo sensible désormais conduirait au bikini rose de Lamish.
Ne restait plus qu’à réveiller Monsieur Matzneff afin de le raccompagner à son domicile dont le loyer était payé par l’amicale des écrivains qu’ont pas vendus beaucoup de livres.
Peu convaincu, j’ai retenté Bikini, en lui secouant l’épaule et même si la lolita de Lamish n’en faisait pas mention, j’ai rajouté des grains de sable …
— Dans la raie de ses jeunes fesses Gabriel !
Je crus percevoir une réaction, un dérèglement respiratoire, mes grains de sable enrayaient son sommeil.
Sans même ouvrir les yeux, il posa sa main sur mon avant-bras
— Vichy, le bikini ?
Il me fallut revenir au récit de Lamish, le maillot était-il Vichy ? Je lus à haute voix : corps d’adolescente ; plus jolie robe, rouge à lèvres …
La main sur mon poignet me disait en s’animant à chaque image évoquée que l’homme s’éveillait.
J’en vins au bout du récit : si le bikini était rose, rien ne disait qu’il put être Vichy…
Il y a cinq hommes, des hommes qui la regardent …
Il s’éveilla tout à fait et se redressa dans son fauteuil :
— Combien dites-vous ?
— Cinq, Monsieur ! Sur la plage …
— Mon dieu ! Les Gipsy Kings ! Zobi , Zoba …
— Djobi, Djoba, rectifiais-je .
— Je m’en fous, j’parle pas le manouche ! Bon alors ? On n’y va ? ----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
Les Gipsy Kings, vraiment ?
Pauvre enfant …
Bisou Mimi !
Publié le 11 Septembre 2020
Son petit itsi bitsi teenie weenie, tout petit petit bikini
Qu'elle mettait pour la première fois
Un itsi bitsi teenie weenie, tout petit petit bikini
Un bikini tout rose sans petits pois
1, 2, 3, voilà ce qui arriva !
Ils ont renversé à Trousse chemise
Malgré ses prières à corps défendant
Et ils ont renversé le vin de leurs verres
Sa robe légère et ses dix-sept ans...
Chère @lamish Je ne sais pas comment, après avoir lu votre texte court, enlevé et poignant, ces deux chansons qui n’ont aucun rapport entre elles dans l’absolu, se sont percutées dans mon esprit. Vous avez subtilement, comme l’écrit Yvan Ollive, laissé la porte ouverte au lecteur pour qu’il imagine une suite, selon son humeur ou son caractère. On pourrait en faire un cadavre exquis. Pour ma part, je vois très bien la Fée des Dunes ensabler ces cinq gentlemen jusqu’au cou et encourager des crabes verruqueux à s’amuser un peu jusqu’à la marée montante. Ou bien Amphitrite et son escadron de Naïades jouer au croquet avec leurs têtes. La suite au prochain numéro. Merci Bisous Merci
@lamish,
Regardez, derrière la dune, le pick up des secouristes, il fonce sur les cinq hommes.
Sur l'eau, dans un zodiac le commando d'hommes grenouille, ils ont vu la scène.
Ce que nous a pas dis lamich, c'est que la petite maîtrise les arts martiaux, c'est pour cela que sa mère la laisse porter un bikini.
Sur la plage, il y a Brad Pitt, trois coups de boule, deux grosses baffes et les types partent en courant.
Si le bellâtre s'en va d'un pas vif c'est parce que, lui, a peur des cinq hommes, ils sont là pour lui régler son compte.
C'est une nouvelle, l'imagination du lecteur y a toute sa place, rien ne doit être standardisé. Ou plausible.
Moi je connais un livre parfaitement écrit, pas une faute, pas une maladresse. C'est le dictionnaire.
J'allais oublier, l'avion au-dessus de la plage, je suis dedans, j'ai mis mon parachute et je vais leur niquer leur race à ces cinq bâtards.
C'est un texte habile, attachant comme un conte
Un texte délicat à double détente qui décrit l'insouciance et les certitudes de l'enfance, et qui mène au drame
@lamish, ah la naïveté des jeunes filles pas tout à fait en fleur, rêvant un peu trop tôt au prince charmant.
Ta nouvelle est bien amenée, et la chute est surprenante... ce n'est pas à celle-là que le lecteur s'attendait.
Alors oui, on peut dire que ta nouvelle correspond bien au thème d'écriture : "Un été presque parfait". Bien vu !
J'ai bien aimé. Amitié. MC