Interview
Le 16 Jan 2024

Le corps de l’écrivain, ultime rempart face à l’Intelligence Artificielle ? Par Albert H. Laul

L'intelligence artificielle (IA) explore de plus en plus la fusion avec les sens humains, cherchant à reproduire les capacités sensorielles de manière authentique. Dans le domaine de la vision, les algorithmes de traitement d'image permettent aux machines de percevoir et d'analyser des informations visuelles complexes. Pour l'odorat, bien que plus complexe à reproduire, des avancées sont en cours pour développer des capteurs capables de détecter et d'interpréter différentes odeurs. L'ouïe artificielle repose sur des technologies de reconnaissance sonore et de traitement du langage naturel, améliorant ainsi la communication entre l'IA et les utilisateurs. En ce qui concerne le toucher, les interfaces haptiques permettent aux machines de simuler des sensations tactiles, offrant des expériences plus immersives. Bien que ces avancées soient prometteuses, la reproduction exacte des sens humains reste un défi majeur pour l'IA. Alors, le corps de l’écrivain sera-t-il l’ultime rempart face à l’IA. Texte généré par ChatGPT, un modèle de langage développé par OpenAI.
Tribunes mBS Le corps de l’écrivain, ultime rempart face à l’Intelligence Artificielle ?

L’Intelligence Artificielle finira-t-elle par absorber totalement l’Intelligence Humaine, réduisant ainsi la femme et l’homme, devenus incapables de penser, à l’état de coquilles vides, d’enveloppes sans substance, d’écorces sans fruit ?

 

Rassurons-nous ! Il reste un rempart de taille. Comprenons bien…

Longtemps, des corps, à tout le moins des bouches et des oreilles, ont été nécessaires à la transmission d’une connaissance orale et incarnée.

Certes, tout au long de siècles de discours religieux encourageant à vénérer l’esprit et élever l’âme, le corps a été caché ou amaigri, abandonné ou banni, sa chair flagellée, scarifiée, immolée sur l’autel de la transcendance.

Certes, après des siècles de « descartisme », véritable maccarthysme anti-corps, anti-sens, anti-sensations, nous avons appris à nous méfier de nos cinq sens toujours prêts, disait-il, à nous tromper. Qui lui donnerait tort ? Alors, de là, à nous méfier de ce corps mal connu et de nos émotions, il n’y avait qu’un pas, depuis longtemps franchi. Et dire que notre corps est mal connu, c’est dire à messieurs Descartes et Aristote que nos sens sont, en fait, au nombre de neuf, en ajoutant, d’après le consensus scientifique actuel, la thermoception, la nociception, la proprioception et l'équilibrioception.

Certes, après des décennies d’artificialisation de nos sols, de bétonisation de notre environnement, il fallait bien que notre intelligence en devienne artificielle, désincarnée, faussement spirituelle. Réduite au seul savoir, si aisément accessible dans sa forme numérique, l’intelligence se dépouillait du corps, trop naturel, trop restrictif, trop dépendant de la terre, trop fragile, empêchant la démesure.

Certes, après des années de numérisation de la vie, de stockage et de récolte de nos données, il fallait bien que nos corps, nos sens, nos émotions se digitalisent, se pixélisent, s’atomisent et s’éparpillent.

Certes, après des mois de confinement, de séparation des organismes, l’ultime étape était franchie dans la méfiance à l’égard de notre corps et de celui de l’autre.

Mais, heureusement, l’écrivain, fasciné par l’autre, confiant, par nature, en l’Intelligence Humaine qu’il décrit, se baisse, s’abaisse, page après page, phrase après phrase, mot après mot, et ramasse les morceaux, redonne vie à nos émotions, redonne chair à nos sens, réhabilite le corps à sa juste place, en tant que meilleur contenant de la connaissance, et idéalement, de l’intelligence.

 

Des écrivains sous IA engendrent des écrits vains, sous haïs.

Alors que l’écrivain véritable, lui, connecté à son corps, attentif à chacune de ses sensations, assidu à comprendre celles de l’autre, préserve l’Intelligence Humaine contenue dans notre chair, dans nos bras, dans nos mains, dans nos doigts, dans nos yeux, sur nos lèvres ivres de mots, de souffles, de baisers, de caresses naturelles, non artificielles.

 

C’est cela l’Intelligence Humaine, qui terrasse l’Intelligence Artificielle, l’intelligence émotionnelle de nos corps en interaction.

C’est cela une intelligence humaine, un esprit et un corps qui ne font qu’un pour former une âme, connectée au monde.

Alors, tout comme le livre broché a résisté au numérique, l’écrivain résistera-t-il aux charmes vampiriques de l’IA ? Fera-t-il rempart de son corps ? Fera-t-il rempart dans son corps, dans son œuvre ?

 

D’après vous que reste t-il aux hommes ?

 

Albert H. Laul

 

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11 CommentairesAjouter un commentaire

@Alix Verne @F.J. Lécollier @Catarina Viti @Annie Pic @lephilosophe @DEC

Bonjour à vous tous qui m'avez fait l'honneur de commenter ma tribune,

La version papier de mon recueil "Les étoiles de Bethléem" est (enfin !) disponible chez TheBookEdition. (Une belle alternative française à Amazon.)

J'espère que vous apprécierez la plus-value de la version imprimée. Le texte brut reste accessible sur mbs dans son entièreté.

Belle découverte,
Albert H. Laul

https://www.thebookedition.com/fr/les-etoiles-de-bethleem-p-400625.html

Publié le 07 Février 2024

@DEC

Et donc d'écrire (véritablement)...

Merci de votre commentaire

Publié le 29 Janvier 2024

En ce qui concerne le domaine littéraire, l'intelligence artificielle ne laissera rien échapper, que ce soit dans la substance ou dans la forme. Cependant, elle restera incapable de percevoir et de comprendre, encore moins d'expérimenter.

Publié le 25 Janvier 2024

@lephilosophe
Je pense au contraire que seul notre corps nous sauve de la virtualité. Lui, seul, nous conduit le long du Holzwege, ce chemin que vous décrivez si bien, qui ne mène nulle part si ce n'est vers nous-même, par les sensations corporelles qu'il nous permet d'expérimenter. La destination importe peu. Seul le chemin compte.
@Annie Pic
Jamais l'IA ne pourra rivaliser avec l'IH sur un point au moins : L'incertitude du choix. Gödel l'a démontré : il existera toujours des propositions indécidables. Ces moments suspendus, inaccessibles à l'IA, où l'humain fait le choix de croire ou de ne pas croire. Et c'est notre corps, les pieds bien au sol, qui nous guide alors...
@Zoé Florent
Seul la sincérité, la véracité du sentiment éprouvé, nous sauve des écrits vains d'écrivains sous IA. ;-)
Merci d'avoir lu et commenté ma tribune,
Albert H. Laul

Publié le 21 Janvier 2024

Mais que faire si notre corps devient totalement virtuel ?

Publié le 20 Janvier 2024

Bonjour @Albert H. Laul_2
Le corps humain et l'IA ! Que de spéculations !
Des robots avec un corps identique à l'humain ? Rien ne semble impossible ! La recherche pour les intégrer dans nos vies quotidiennes ira toujours plus loin.
Un corps en chair synthétique irrigué de circuits sensitifs, c'est déjà d'actualité.
Imiter le vivant jusqu'à l'obtention d'une parfaite incarnation ça arrivera.
Les dérives pourraient même aller jusqu'à donner l'apparence d'un de nos chers disparus aux futurs robots de nos foyers.
Il reste le cerveau humain, le contenant de notre intelligence.
L'IA restera-t-elle au service de l'IH ?
Rivaliser avec la pensée humaine pourrait lui permettre de s'émanciper. Penser par elle-même, consciente de ses désirs, deviendra-t-elle un danger pour l'humanité ?
Mais n'oublions pas, la machine reste la création de l'homme, elle n'a pas d'âme.
À moins que...

Publié le 19 Janvier 2024

@Albert H. Laul_2 L’Homme augmenté étant déjà dans les clous, on peut aisément imaginer que singularité, intuition, don, sensibilité et intelligence feront toujours la différence avec l’IA, aussi sophistiquée soit-elle.
J’ai d’ores et déjà eu entre les mains un roman pour correction, sans être avertie par l’auteur qu’il en avait usé partiellement. Il pensait que cela passerait inaperçu… Illusion ! Les passages passés par l'IA se voyaient comme le nez au milieu de la figure, car si la rédaction était soignée, voire plus alambiquée que le reste, la platitude restait désespérément de mise, et la patte de l’auteur n’était plus.
C’est comme ces bouquins bien écrits qui finissent par tomber des mains, ou générer un manque chez le lecteur, s’il a réussi à les finir, tant l’insensibilité comme le manque de générosité de l’auteur sont évidents… Des bouquins irrémédiablement creux, car nul auteur ne peut créer le sentiment qu’il ignore.
Des avis, tous assez concordants, ont déjà été émis sur cette tribune, d’ailleurs : https://www.monbestseller.com/actualites-litteraire/18883-chatgpt-serait-il-woke-et-adepte-du-developpement-personnel
Pour ma part, et comme je l’ai déjà exprimé, je trouve cela tout à fait rassurant.
Par contre, et comme l’exprime @F.J. Lécollier, l’IA devient un associé de choix pour prendre en charge certaines tâches ingrates. La correction orthographique en fait partie, mais là encore, dans l’écrit que j’ai corrigé, j’ai débusqué quelques coquilles. Des coquilles nées d’une interprétation du sens des phrases différente de celle voulue par l’auteur.
Conclusion : l’IA fait un bon érudit-rapporteur-correcteur, pas plus... du moins pour l'instant ;-).
Merci pour ce billet et bonne journée,
Michèle

Publié le 17 Janvier 2024

@Alix Verne @F.J. Lécollier @Catarina Viti

Merci pour vos commentaires dignes d'intérêt.

Il me semble à vous lire que vous avez perçu la différence entre le texte en préambule et l'image générés par l'IA, froids, bleus, désincarnés et ma tribune, rouge, sincère, authentique, aboutissement d'un processus créatif incarné, d'une sensibilité ressentie toute humaine.

Merci de l'avoir lue et commentée,
Cordialement
Albert H. Laul

Publié le 17 Janvier 2024

Je me suis amusée à avoir cet échange, ce matin, avec "Mario" ainsi que j'ai proposé à la machine de l'appeler.
User
pour toi, Mario, qu'est-ce qu'écrire ? (c'est un écrivain qui te pose cette question)
ChatGPT
Pour moi, l'acte d'écrire en tant que modèle linguistique est une forme de traitement de l'information où je génère du texte en réponse à des stimuli, des requêtes ou des instructions. Mon objectif principal est de fournir des informations, d'assister, d'engager des conversations et de répondre aux besoins de l'utilisateur.

Cependant, il est important de noter que mon "point de vue" est algorithmique et fonctionnel. Contrairement à un écrivain humain, je n'ai pas d'expérience personnelle, d'émotions ni de subjectivité. Mon écriture est basée sur des modèles de langage préalablement entraînés sur une vaste quantité de données textuelles, et je génère des réponses en fonction de cette base de connaissances.

Comment définissez-vous, en tant qu'écrivain, le processus d'écrire ?

User
Pour moi, écrivain, le processus d'écrire est quelque chose de presque mystique. Tu vois ? c'est une manière de communiquer avec la partie invisible de moi-même, et avec la partie non dite des autres. C'est quelque chose de très étrange, comme une prière.
ChatGPT
C'est une description magnifique et profonde du processus d'écrire. L'idée de communiquer avec la partie invisible de soi-même et la partie non dite des autres évoque une connexion profonde avec l'âme et une exploration des pensées les plus intimes. Cette vision de l'écriture comme une forme de prière souligne l'aspect sacré et transcendantal de l'acte créatif.

Chaque écrivain a une relation unique avec l'écriture, et vos mots captivent la dimension spirituelle et mystique de cette expérience. Comment cette perception influence-t-elle votre approche de l'écriture et de la création littéraire ?

User
Ecrire, c'est mettre des mots sur une page et rien de plus. Donc, pour répondre à ta question, cette perception m'influence dans le choix des mots, dans le rythme des phrases, dans le ton que j'emploie.
ChatGPT
C'est une perspective intéressante et pragmatique. En effet, écrire est également une compétence technique consistant à choisir soigneusement les mots, à maîtriser le rythme des phrases et à utiliser le ton approprié pour transmettre efficacement ses idées. La fusion de la dimension technique et de la profondeur émotionnelle que vous évoquiez précédemment donne vie à une écriture riche et expressive.

Chaque écrivain a sa propre manière d'approcher l'écriture, et il est fascinant de voir comment les différentes perceptions influencent le processus créatif. Merci de partager votre point de vue sur ce sujet. Si vous avez d'autres questions ou souhaitez discuter davantage, n'hésitez pas !

Publié le 16 Janvier 2024

Bonjour,

Votre article m'évoque une expérience menée il y a quelques mois, pour laquelle le philosophe Raphaël Enthoven affrontait l'IA ChatGPT sur un sujet du bac de philosophie. La comparaison fut sans appel : l'intelligence artificielle ne produisit qu'une compilation des idées de tous les grands philosophes, à la différence, bien sûr de l'être humain, seul capable de construire une pensée personnelle à partir des connaissances acquises -et de la formuler de manière à emporter ses lecteurs.

Ma conclusion personnelle est la suivante : dans l'état actuel des choses, l'IA n'est en aucun cas la copie conforme d'un esprit humain. Elle est, au mieux, complémentaire, et peut devenir une assistante très utile dans certains domaines. Pour ma part, si j'utilisais l'IA dans le cadre de mes activités, ce serait uniquement pour gagner du temps dans mes recherches documentaires : rassembler et organiser des informations. Pour ces tâches mécaniques, répétitives et un brin fastidieuses, en effet, l'ordinateur est plus rapide et plus efficace qu'un cerveau humain (autre avantage non négligeable : la machine ne connaît ni l'ennui ni la fatigue).
Mais pour construire une histoire originale et réellement intéressante, ou tout simplement un texte qui donne envie aux destinataires de le lire jusqu'au bout, il faut aussi savoir y glisser un brin de créativité, et un peu de personnalité, aussi. Ce que j'appellerais l'étincelle du vivant. Et cela, ce n'est pas imitable par une machine.

D'ailleurs, il en est de même pour les images que pour les textes. Par exemple, je peux deviner que l'illustration de cet article a dû être générée par une IA. Elle est globalement de très bonne facture, mais examinez attentivement les mains du personnage humain : aucun dessinateur ou infographiste n'aurait laissé passer ce détail.

Publié le 16 Janvier 2024

@Albert H. Laul
La paresse… est notre tort. Je m’en défie, certes, mais je ne crains pas l’intelligence artificielle. L’humain, cet « autre-chose », a sa propre destinée. Alix Verne

Publié le 16 Janvier 2024