"Des sapins dans les vitrines,
De la neige sur les collines,
C’est le temps des visiteurs de Noël,
En décorant la maison,
Si vous chantez la chanson
Des visiteurs de Noël,
La vie sera belle."
Des paroles de Roger Pouly et Christophe Izard, la voix de Michel Vallier, puis celle de Marie Myriam, un générique illustré par Anne Hofer. Il était 15H15, le 22 décembre 1980, je regardais TF1 : Michel Fugain présentait l’émission pour enfants les visiteurs de Noël.
Les vacances commençaient. Le top départ était lancé.
Bouclage des valises, descente des quatre étages en empruntant les escaliers qui débouchaient dans le hall de l’immeuble, puis deux portes battantes à pousser, pour s’engager dans l’allée en béton lavé menant à une Citroën GS de couleur marron.
Une fois les bagages chargés, la clé de contact insérée, et le moteur démarré, nous étions partis pour deux bonnes heures de route. Deux heures durant lesquelles, mon père au volant et ma mère sur le siège passager, tiraient sur leurs cigarettes, des gauloises, vitres remontées, pendant que moi, sur la banquette arrière, j’avalais la fumée, en trépignant d’impatience à l’idée de retrouver la ferme de mes grands-parents. Cent-vingt minutes pour changer d’univers, migrer de la banlieue vers la campagne, du béton vers la nature, passer d’une vie corsetée par les horaires, l’école, les cages d’escaliers, les barres HLM, à la liberté, la vraie, celle qui ne dure que le temps de l’enfance, qui n’est pas le temps de l’insouciance, mais plutôt celui de l’inconscience.
Une fois arrivé dans la cour de la ferme, boueuse à souhait, la pluie et les passages répétés du tracteur ayant fait leurs offices, je me précipitai dans les bras de ma grand-mère, puis embrassai mon grand-père, ne pensant qu’à enfiler mes bottes en caoutchouc pour rendre visite à chaque habitant de ce pays, où on s’amuse, on pleure, on rit. Il s’agissait ici, en l’occurrence, de saluer chèvres, vaches, chiens, chats, lapins et poules pour ce qui était des occupants officiels.
Des créatures plus difficiles à définir, m’attendaient. Elles vivaient dans la châtaigneraie, qui jouxtait le corps de ferme. Cette châtaigneraie constituait mon aire de jeux, que je pratiquais en toutes saisons. Mais en hiver, aux jours les plus courts de l’année, ce qui avait tout d’un boqueteau bucolique en été, se transformait alors en terre du milieu, en forêt de Fangorn.
J’ignorais tout du Seigneur des anneaux à cette époque. Et pourtant, quand je trainais mes bottes pointure trente-quatre au milieu des arbres aux troncs larges et noueux, aux branches immenses, tortueuses et décharnées, je me sentais observé, et j’étais terrifié, et j’adorais ça. Vingt ans plus tard, en lisant Tolkien, j’apprendrais l’existence des Ents, ces esprits de la forêt ressemblants à des arbres, et je découvrirais que mes scrutateurs immobiles portaient des noms : ils se nommaient Barbebois, Bouclefeuille ou Vivécorce.
Mes journées de petit garçon de neuf ans oscillaient entre deux mondes dont j’étais la jonction. La télévision convoquait Bugs Bunny, Waldo Kitty, Jacques Trémolin, le requin Mantalo, les clowns Récho et Frigo, Scoubidou, les passagers de l’autobus à l’impériale pour m’enchanter, et les terres paysannes de mes grands-parents m’ouvraient un monde merveilleux, où les chèvres se trouvaient, sans le savoir, sous l’étroite surveillance des Ents, qui, peut-être, une fois le monde endormi, chantaient :
"Des sapins dans les vitrines,
De la neige sur les collines,
C’est le temps des visiteurs de Noël,
En décorant la maison,
Si vous chantez la chanson
Des visiteurs de Noël,
La vie sera belle."
Christophe Marchand
Vous avez écrit un livre : un roman, un essai, des poèmes… Il traine dans un tiroir.
Publiez-le sans frais, partagez-le, faites le lire et profitez des avis et des commentaires de lecteurs objectifs…
@A P. Gounon , merci Anne pour votre commentaire tendre sur mon texte. Je vous souhaite de belles fêtes de fin d'année.
Merci pour ces jolis souvenirs d'un enfant pour qui Noël c'était la nature, la liberté, le rêve...
Amitiés. Anne
@Clémentine Houri , merci beaucoup pour ton gentil message. Au plaisir de te voir très bientôt.
C'est toujours un plaisir de lire vos doux mots ! Un texte réconfortant aux airs de Noël qui me ramène en France.
à Christophe et Anna : ♥♥♥
@Anna Marchand, ma très chère fille, comment te dire, aux yeux de tous, sur ce site où la pudeur impose de la retenue, que tu es la lumière de ma vie. Si j'écris, à ma mesure, c'est pour toi, rien que pour toi.
Papa, ton texte est une merveille. À travers tes mots, tu réussis à capturer toute la magie de l’enfance et l'innocence de ces moments partagés à la ferme. Ton récit me transporte dans un autre temps, où la simplicité et la beauté du monde rural se mêlaient à la douceur de Noël. J'aime la façon dont tu as décrit ce passage entre deux mondes, la ville et la campagne, et comment tu as su allier réalité et imaginaire avec tant de poésie. C'est un véritable voyage dans le temps, et chaque détail fait écho à mon propre vécu. Je t'aime et je suis fier de toi, ce texte est une vraie réussite.
@Parthemise33 , oui, même le climat s'est mis au diapason de la modernité : le temps qu'il fait nous éloigne des temps passés : heureusement qu'il nous reste les mots pour rattraper le temps qui court ;)
@Christophe M Nostalgie, nostalgie des Noëls passés ! J'ai lu votre récit très bien écrit comme on visionne un film. Mais où sont les neiges d'antan, quand les enfants pouvaient crapahuter dans les bois et rêver en toute liberté de créatures magiques. Les adultes ne craignaient pas alors que les autres promeneurs puissent se révéler plus dangereux que Baba Yaga, des loups-garous, goules ou kallinkaztaroÏ. Je n'ai pas connu les barres HLM, mais la Lorraine avec ses cités des mines, sa campagne et la neige qui arrivait vers la mi-décembre. Et puis quelques (trop rares) fêtes de fin d'année en Provence dans la famille élargie. Merci Bisous Merci pour m'avoir rappelé cette chanson et tous mes Noëls blancs.
@Zoé Florent , je suis ému à chaque évocation de ma tendre fille. Merci pour votre message. Je vais méditer dessus.
Je vous souhaite de très belles fêtes de fin d'année Zoé.
@Luna Ashcroft , si j'ai pu vous faire rêver, ne serait-ce qu'une seconde, je n'ai pas perdu mon temps. Merci Luna.
@Christophe M Vos journées de petit garçon de neuf ans oscillaient entre la télévision et les terres paysannes de vos grands-parents, écrivez-vous. Votre fille, quant à elle, oscille de nos jours entre la profusion de médias et le cocon que sa famille lui offre. Nul doute que plus tard, si vous avez eu à coeur de le densifier, ce cocon, elle sera nostalgique à son tour lorsqu'elle en ressentira le besoin, tout comme vous.
Merci pour cette jolie contribution, cher Christophe, et joyeuses fêtes de fin d'année,
Michèle
J’ai replongé en enfance et dans l’univers du Seigneur des Anneaux. Merci pour ce petit conte placé sous le signe du rêve.
@ALICE HOUAN, l'écriture à remonter le temps ! Mais quel beau compliment.
Merci beaucoup Alice. Je vous souhaite une belle journée et de belles fêtes.
Quel voyage délicieux, @Christophe Marchand ! Votre texte m'a plongée dans une double nostalgie : celle de l'enfance et celle des découvertes littéraires. J'ai aimé imaginer les chèvres surveillées à leur insu par Barbebois et ses acolytes. Bravo pour cette idée farfelue et magique à souhait ! Et cette chanson... elle reste en tête, comme un écho lointain des Noëls passés. Vous avez trouvé l'écriture à remonter le temps !
@Catarina Viti , merci.
C'est un plaisir de partager ce texte avec les lectrices/lecteurs de monbestseller.com .
Émouvantes retrouvailles avec l'enfance ! Décidément, ce calendrier n'a pas fini de nous surprendre !
@Fernand Fallou
J'ai la nostalgie de ces années, j'avoue. C'était une époque qui nous vendait un avenir radieux.
J'ai une pensée compatissante pour ma fille et tous les jeunes d'aujourd'hui, pour qui le futur est présenté comme un mur à franchir, une épreuve à affronter.
Merci Fernand, pour votre appréciation.
Tout va changer ce soir
On prend un nouveau départ
La neige a blanchi le monde
Les enfants sont pleins d'espoir... Michel Fugain 1976
Quel que soit notre âge, je pense que les années 70/80 sont les deux plus belles décennies du vingtième siècle et je comprend votre attachement.
avoir neuf ans à cette époque là, ça devait être super.
Merci d'avoir partagé vos souvenirs
Bravo
FF