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Le 08 déc 2024

L’heure bleue

Pendant le mois de décembre, monBestSeller.com fait son calendrier de l'Avent. Découvrez les contes de Noël écrits par les auteurs de monBestSeller
Calendrier de l'avent monBestSeller - L’heure bleue de Victoire Sentenac

Ypres, 24 décembre 1914

 

« Mon amour,

Je vis ce premier hiver de guerre, loin de toi, comme une longue punition. Nos conditions de vie sont atroces, innommables. Je n’ai plus foi en rien ni en personne, je suis désespéré. Nos morts me hantent. Heureusement, ta photo me rappelle qu’un jour, j’ai été heureux. Je me languis de retrouver tes bras, ton odeur et ta chaleur, ma douce chérie… »

 

Jean ferme les yeux et replie la feuille de papier jauni. Le froid mord son visage, il ne sent plus le bout de ses doigts. Quand ce cauchemar finira-t-il ?

Les Flandres sont à feu et à sang, plusieurs mois de batailles meurtrières ont épuisé les soldats immobilisés dans ces tranchées improvisées, prisons de boue improbables, leur seul refuge.

Retrouvera-t-il un jour sa douce Mathilde ? Le souvenir de son sourire lumineux et de ses courbes tendres le fait frémir et ancre en lui la douloureuse absence de l’être aimé. Ou bien rejoindra-t-il le néant comme ses frères d’armes, ses amis malheureux emportés par l’éclat d’un obus ? Jean baisse la tête, vaincu par l’absurdité du monde. Surtout ce soir.

 

Et puis d’un coup, le fracas des armes cesse. Etonné, il se redresse, ose un regard vers le ciel. C’est l’heure bleue, celle où les ombres s’étirent et se rejoignent par-delà l’horizon, juste avant le néant de la nuit pleine.

Les soldats restent figés dans l’attente d’un vacarme plus assourdissant encore, qui ne manquera pas d’arriver. Mais le silence leur répond.

Et soudain, au cœur des volutes bleutées de la nuit tombante, un chant monte vers eux, pur comme la plus belle des espérances. Il provient des tranchées ennemies.

 

Stille Nacht, Heilige Nacht 

Douce nuit ! Ce chant de Noël intime et merveilleux ranime en chacun des hommes une émotion qu’ils croyaient perdue à tout jamais dans les sillons de la guerre. Une expression d’incrédulité sur le visage, Jean voit son capitaine s’éclairer de l’intérieur.

C’est Kirchhoff ! Walter Kirchhoff, le ténor allemand, je l’ai vu chanter à Paris, je reconnais sa voix !

Le chant continue de monter vers les cieux étoilés et fait briller des larmes dans les yeux des français, qui répondent à leur tour d’une voix puissante, bientôt rejoints par les anglais au son de leur cornemuse.

Sur la plaine enneigée, les chants de Noël ont remplacé le fracas des canons, et sous les yeux médusés de leurs hommes, le ténor allemand et l’officier français sortent chacun de leur tranchée, à découvert, confiants. Par-delà les divergences et les fils barbelés, portés par la beauté du chant, par ce qu’il y a de plus noble et digne en l’humain, ils se dirigent l’un vers l’autre et se serrent la main, bientôt rejoints par l’ensemble de leurs troupes. Pendant quelques heures, le no man’s land meurtrier devient terrain de jeu, espace de recueillement et d’échange fraternel entre les hommes, quelle que soit leur nationalité.

 

« Mon amour,

C’est la trêve de Noël. Je crois bien que ce soir, j’ai retrouvé foi en l’humanité.

Je t’aime. 

Jean »

 

Victoire Sentenac

 

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@Victoire Sentenac
Un très beau texte ! Je rejoins l'un des commentaires, c'est effectivement très cinématographique. J'ai particulièrement aimé la description de l'heure bleue, un des plus moments de la journée en hiver selon moi, et du silence. Merci pour cette belle lecture.
Caroline

Publié le 08 Décembre 2024

Merci de nous rappeler ce merveilleux Noël qui donne foi en l'humanité...
Amitiés. Anne

Publié le 08 Décembre 2024

@Victoire Sentenac. Il est toujours émouvant de se rappeler ce moment magique d'humanité. Puissions-nous en connaître d'autres, sans que ce soit nécessaire de le faire au milieu d'une guerre. Merci, Victoire.

Publié le 08 Décembre 2024

Merci Victoire, pour ce beau texte.
Il vaut mieux en effet se souvenir de Walter Kirchhoff envoyé chanter le « Stille Nacht » pour la troupe allemande, que de l’épisode de Tête des Faux (200 kms au sud-est, dans les Vosges), où la même nuit, profitant d'une météo cauchemardesque, -18° et brouillard à couper au couteau (et comptant sur une gueule de bois française), les Allemands ont lancé une offensive vers 22 heures 30. Le brouillard était si épais que certains se sont égarés, incapables d’atteindre les tranchées françaises. L’attaque a duré jusqu’à 5 h 30. Sept heures d’une nuit, douce nuit. Les Noëls s'accumulent et ne se ressemblent pas.

Publié le 08 Décembre 2024

@Victoire Sentenac
24 décembre 2014 : dans le froid de cette terrible nuit enneigée, la trêve de noël fut soudain illuminée par la ferveur de tous les hommes !
Merci Victoire, c'est toujours émouvant de lire ou de relire l'histoire de cette fameuse veillée, où le miracle de noël a eu lieu.
Annie

Publié le 08 Décembre 2024

@Victoire Sentenac En 2005, "Joyeux Noël", film de Christian Carion, nous a déjà rappelé avec force cette émouvante trève, inspirée d'une histoire vraie. Une trève née du courage de quelques hommes qui avaient su préserver un peu de leur humanité dans l'horreur de "La grande guerre".
Vous le faites à votre tour avec talent, 19 ans plus tard...
Merci pour cette piqûre de rappel, chère Victoire, et joyeuses fêtes de fin d'année à vous, à vos proches,
Michèle
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Publié le 08 Décembre 2024

Un message universel qui fait du bien. Une nouvelle très cinématographique qui pourrait être le scénario d'un joli court métrage.

Publié le 08 Décembre 2024

@Victoire Sentenac
L’histoire, on la connait, on l’a vue en long, en large, on l’a entendue, elle nous a émue, et même si on la connait, ça nous fait du bien de l’entendre, de la lire et de la relire.
L’auteur s’appelle Victoire, peut être que c’était prévu depuis sa naissance, qu’elle nous écrive (bien) cette beauté de l’homme, du soldat et de la fête de Noël.
Bravo !
FF

Publié le 08 Décembre 2024